Le Pape rend hommage aux luttes du peuple lituanien pour sa liberté
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Le Pape François s’est tout d’abord recueilli silencieusement devant une plaque en mémoire des victimes du ghetto, qui a été liquidé par les nazis il y a tout juste 75 ans, le 23 septembre 1943. Cette date est retenue par l’État lituanien comme un jour de deuil pour la commémoration du génocide juif. La communauté juive locale ne s’en est jamais relevée : Vilnius, surnommée alors “la Jérusalem du Nord” comptait en effet 95 000 juifs (près de la moitié de la population de cette ville) avant la Seconde guerre mondiale et 110 synagogues, contre seulement 4000 juifs et deux synagogues actives actuellement.
François a ensuite visité le musée des occupations et des luttes pour la liberté, situé dans un immeuble qui fut successivement le siège du Gestapo puis celui du KGB, et qui porte donc la mémoire à la fois de l’occupation allemande et de l’occupation soviétique, dont la Lituanie s’est libérée en 1990-91. François s’est arrêté notamment devant les panneaux portant la mémoire des religieux martyrs, parmi lesquels l’archevêque Teofilius Matulionis, empoisonné par les Soviétiques en 1962, et dont il a reconnu le martyre et autorisé la béatification l’an dernier.
Enfin, le dernier temps fort de cette journée a été la cérémonie devant le monument des victimes. Le Pape a déposé un bouquet de fleurs transmis par une femme de 90 ans, ancienne déportée au goulag, et par un évêque qui avait lui aussi connu l’époque des persécutions. En présence notamment d’une trentaine d’anciens prisonniers et de la présidente de la République Dalia Grybauskaité, le Pape a prononcé une prière s'appuyant sur le cri du Seigneur sur la croix : «Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?»
La prière du Pape François
Voici le texte intégral de la prière prononcée par le Pape :
«“Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”
Ton cri, Seigneur, ne cesse de résonner, et retentit entre ces murs qui rappellent les souffrances vécues par tant de fils de ce peuple. Lituaniens et personnes provenant de différentes nations ont souffert dans leur chair le délire de la toute-puissance de ceux qui prétendaient tout contrôler.
Dans ton cri, Seigneur, trouve écho le cri de l’innocent qui s’unit à ta voix et monte vers le ciel. C’est le Vendredi Saint de la douleur et de l’amertume, de la désolation et de l’impuissance, de la cruauté et du non-sens qu’a vécu ce peuple lituanien devant l’ambition effrénée qui endurcit et aveugle le cœur.
En ce lieu de la mémoire, nous t’implorons Seigneur, que ton cri nous maintienne éveillés. Que ton cri, Seigneur, nous libère de la maladie spirituelle par laquelle, comme peuple, nous sommes toujours tentés : oublier nos pères, tout ce qu’ils ont vécu et souffert.
Que dans ton cri et dans la vie de nos pères qui ont tant souffert, nous puissions trouver le courage de nous engager avec détermination dans le présent et dans l’avenir ; que ce cri soit un stimulant pour ne pas nous accommoder aux modes du moment, aux slogans simplistes, et à chaque tentative de réduire et d’enlever à toute personne la dignité dont tu l’as revêtue.
Seigneur, que la Lituanie soit un phare d’espérance. Qu’elle soit terre de la mémoire active qui renouvelle ses engagements contre toute injustice. Qu’elle encourage des efforts créatifs dans la défense des droits de toutes les personnes, spécialement de celles qui sont le plus sans défense et vulnérables. Et qu’elle soit maîtresse dans la réconciliation et l’harmonisation des diversités.
Seigneur, ne permets pas que nous soyons sourds au cri de tous ceux qui, aujourd’hui, continuent d’élever leur voix jusqu’au ciel.»
Le Pape a ensuite béni les participants à cette commémoration, avant de repartir en voiture vers la nonciature apostolique pour un dîner en privé et le repos, avant son déplacement de lundi en Lettonie.
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