Une “Via Crucis” au Colisée en union avec toutes les croix du monde
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Les méditations avaient été confiées cette année à sœur Eugenia Bonetti, une religieuse italienne de 80 ans, présidente de l’Association “Slaves no more”, qui dans ses textes a voulu évoquer «tous les pauvres, les exclus de la sociétés et les nouveaux crucifiés de l’histoire d’aujourd’hui, victimes de nos fermetures, des pouvoirs et des législations, de l’aveuglement et de l’égoïsme, mais surtout de notre cœur endurci par l’indifférence». Dans les étapes de Jésus vers le Calvaire, sœur Eugenia Bonetti reconnaît différents épisodes dont elle a été témoin.
Ainsi, Ponce Pilate a inspiré sa prière «pour ceux qui prennent des rôles de responsabilité, pour qu’ils écoutent le cri des pauvres» et de «toutes ces jeunes vies, qui, de différentes façons, sont condamnées à mort par l’indifférence générée par des politiques exclusives et égoïstes». En Jésus qui prend la croix, il y a au contraire l’invitation à reconnaître «les nouveaux crucifiés d’aujourd’hui : les sans domicile fixe, les jeunes sans espérance, sans travail et sans perspectives, les immigrés contraints à vivre dans les baraquements aux marges de notre société, après avoir affronté des souffrances inouïes».
Un Calvaire qui fait écho aux drames actuels
Dans la rencontre avec Marie, elle entrevoit les «trop nombreuses mamans qui ont laissé partir leurs jeunes filles vers l’Europe dans l’espérance d’aider leurs familles en situation de pauvreté extrême, alors qu’elles ont trouvé humiliation, mépris et parfois même la mort». En Jésus qui tombe pour la première fois, fragilité et faiblesse humaine sont un point de départ pour rappeler les samaritains d’aujourd’hui qui s’inclinent «avec amour et compassion sur les si nombreuses blessures physiques et morales de ceux qui, chaque nuit, vivent la peur de l’obscurité, de la solitude et de l’indifférence».
La dernière station, qui conduit au sépulcre de Jésus, fait penser aux «nouveaux cimetières d’aujourd’hui» : le désert et les mers, où aujourd’hui «des hommes et des femmes, des enfants, que nous n’avons pas pu ou pas voulu sauver» trouvent leur demeure éternelle. «Alors que les gouvernements discutent, enfermés dans les palais du pouvoir, le Sahara se remplit des squelettes de personnes qui n’ont pas résisté à la fatigue, à la faim, à la soif», et la mer s’est transformée en une «tombe d’eau».
La croix était successivement portée, station après station, par des personnes représentant différents états de vie: un prêtre syrien, un couple polonais, une famille italienne, des bénévoles de l'Unitalsi, une journaliste, une mère nigériane et sa fille, ou encore des religieuses engagées dans le même combat que sœur Eugenia Bonetti contre la traite humaine. Pour la première et dernière station, comme c'est la tradition, c'est le cardinal-vicaire de Rome Angelo de Donatis qui a porté la croix.
L’exhortation du Pape directement adressée à Dieu
En prenant la parole au terme de ces 14 stations, le Pape François a lancé une nouvelle fois un appel directement adressé au Seigneur : «Seigneur Jésus, aide-nous à voir dans Ta Croix toutes les croix du monde», a-t-il lancé, évoquant différentes situations vécues à travers le monde : «la croix des personnes âgées qui se courbent sous le poids des années et de la solitude ; la croix des migrants qui trouvent les portes fermées à cause de la peur et des cœurs blindés par les calculs politiques ; la croix des petits, blessés dans leur innocence et dans leur pureté» ou encore «la croix de Ton Église qui, fidèle à Ton Évangile, a du mal à apporter Ton amour même parmi les baptisés eux-mêmes».
«Seigneur Jésus, ravive en nous l’espérance de la résurrection et de Ta victoire définitive contre tout mal et toute mort», a conclu le Saint-Père au terme de cette prière de ce Vendredi Saint.
Traduction intégrale de la prière lue par le Pape François :
«Seigneur Jésus, aide-nous à voir dans Ta Croix toutes les croix du monde :
la croix des personnes affamées de pain et d’amour ;
la croix des personnes seules et abandonnés, même par leurs propres enfants et parents ;
la croix des personnes assoiffées de justice et de paix ;
la croix des personnes qui n’ont pas le réconfort de la foi ;
la croix des personnes âgées qui se courbent sous le poids des années et de la solitude ;
la croix des migrants qui trouvent les portes fermées à cause de la peur et des cœurs blindés par les calculs politiques ;
la croix des petits, blessés dans leur innocence et dans leur pureté ;
la croix de l’humanité qui erre dans l’obscurité de l’incertitude et de la culture du momentané,
la croix des familles divisée par la trahison, par les séductions du malin ou par la légèreté homicide et par l’égoïsme ;
la croix des consacrés qui cherchent infatigablement à porter Ta lumière dans le monde et qui se sentent rejetés, tournés en dérision et humiliés ;
la croix des consacrés qui, chemin faisant, ont oublié leur premier amour ;
la croix de tes enfants qui, en croyant en Toi et cherchant à vivre selon Ta parole, se trouvent marginalisés et écartés même par leurs proches et par leurs contemporains ;
la croix de nos faiblesses, de nos hypocrisies, de nos trahisons, de nos péchés et nos nombreuses promesses non-tenues ;
la croix de Ton Église qui, fidèle à Ton Évangile, a du mal à apporter Ton amour même parmi les baptisés eux-mêmes ;
la croix de l’Église, Ton épouse, qui se sent assaillie continuellement de l’intérieur et de l’extérieur ;
la croix de notre maison commune qui dépérit sérieusement sous nos yeux égoïstes et asséchés par l’avidité et par le pouvoir.
Seigneur Jésus, ravive en nous l’espérance de la résurrection et de Ta victoire définitive contre tout mal et toute mort. Amen !»
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