Le lien particulier entre les Papes et Notre-Dame de Paris
Cyprien Viet - Cité du Vatican
Dans ses fondements même, la cathédrale Notre-Dame de Paris s’est construite dans un lien très concret avec le Papauté, puisque qu’en 1163, c’est le Pape Alexandre III en personne qui avait posé symboliquement la première pierre de l’édifice.
Six siècles, plus tard, la première visite d’un Pape dans l’édifice une fois construit s’inscrira dans un contexte historique beaucoup plus politique et quelque peu ambigü. En 1804, le Pape Pie VII est “invité” par Napoléon à célébrer le couronnement de l’empereur. L’évêque de Rome, qui effectue alors une vaste tournée de plusieurs mois en France, se trouve quelque peu instrumentalisé par l’empereur, soucieux d’asseoir sa suprématie en Europe par le sceau du pouvoir spirituel. Mais cette visite de Pie VII s'inscrit aussi dans une résurrection de la foi catholique en France, symbolisée par le retour au culte catholique, deux ans plus tôt, d’une cathédrale qui avait perdu sa sacralité durant les années de la Révolution française et avait été largement vandalisée. Devenue “temple de la déesse Raison”, puis simple entrepôt, elle avait alors échappé toutefois à la démolition qui avait été envisagée par certains leaders révolutionnaires. Selon certains historiens, Robespierre avait en réalité fait le choix d’épargner cette cathédrale pour éviter une révolte des catholiques.
Un lien renforcé au XXe siècle
Après des décennies contrastées et mouvementées dans les relations entre la Papauté et les régimes successifs en France, il faudra attendre le XXe siècle pour voir le lien entre les Papes et Notre-Dame de Paris se matérialiser à nouveau. Deux ans avant son élection comme souverain pontife, le cardinal-Secrétaire d’État Eugenio Pacelli, futur Pie XII, y prononce un discours sur “la vocation de la France” le 13 juillet 1937, à la veille de la Fête nationale.
Saint Jean XXIII n’a pas eu le temps de venir en France en tant que souverain pontife, mais il avait été familier de Notre-Dame de Paris durant ses années de service comme nonce apostolique, de 1944 à 1953. Très francophile, saint Paul VI n’a pas non plus effectué de voyage apostolique en France mais il avait été marqué par de nombreuses visites dans la cathédrale parisienne dans ses jeunes années.
Il faudra donc finalement attendre saint Jean-Paul II pour le retour d’un Pape régnant à Notre-Dame-de-Paris, 176 ans après Pie VII. Le Pape polonais préside le 30 mai 1980 une messe dans la cathédrale et prononce cette prière devant la Vierge à l’enfant :
« Vierge Marie, au cœur de la Cité
Nous vous prions pour cette ville capitale.
Vous, l’Intacte, gardez-lui la pureté de la foi !
Vierge Marie, depuis ce bord de Seine,
Nous vous prions pour le pays de France.
Vous, Mère, enseignez-lui l’espérance !
Vierge Marie, en ce haut lieu de chrétienté,
Nous vous prions pour tous les peuples de la terre.
Vous, pleine de grâce, obtenez qu’ils soient un dans l’Amour. »
Voici quelques mots prononcés alors dans son homélie : «Nous sommes ici dans un lieu sacré: Notre-Dame. Cette splendide construction, trésor de l'art gothique, vos aïeux l'ont consacrée à la Mère de Dieu. Ils l'ont consacrée à celle qui, parmi tous les êtres humains, a donné la réponse la plus parfaite à cette question: “Aimes-Tu? M'aimes-tu? Aimes-tu davantage?" Sa vie tout entière fut en effet une réponse parfaite, sans aucune erreur, à cette question. Il convenait donc que je commence dans un lieu consacré à Marie ma rencontre avec Paris et avec la France.»
Il reviendra pour la béatification de Frédéric Ozanam, célébrée le 22 août 1997, dans le cadre des JMJ. Cet intellectuel du XIXe siècle avait été un précurseur du catholicisme social, en fondant notamment les conférences de Saint-Vincent-de-Paul qui avaient contribué «au renouveau de la présence et de l'action de l'Église dans la société de son époque». «On connaît aussi son rôle dans l'institution des Conférences de Carême en cette cathédrale Notre-Dame de Paris, dans le but de permettre aux jeunes de recevoir un enseignement religieux renouvelé face aux grandes questions qui interrogent leur foi. Homme de pensée et d'action, Frédéric Ozanam demeure pour les universitaires de notre temps, enseignants et étudiants, un modèle d'engagement courageux capable de faire entendre une parole libre et exigeante dans la recherche de la vérité et la défense de la dignité de toute personne humaine. Qu'il soit aussi pour eux un appel à la sainteté !», avait alors déclaré saint Jean-Paul II.
L’action de grâce de Benoît XVI
La dernière visite d’un Pape à ce jour remonte à celle de Benoît XVI, le 12 septembre 2008, qui avait présidé les vêpres avec le clergé et les personnes consacrées d’Ile-de-France. «Nous voici dans l'église-mère du diocèse de Paris, la cathédrale Notre-Dame, qui se dresse au cœur de la cité comme un signe vivant de la présence de Dieu au milieu des hommes», avait alors déclaré l’actuel Pape émérite. «Il est difficile de ne pas rendre grâce à Celui qui a créé la matière aussi bien que l'esprit, pour la beauté de l'édifice qui nous reçoit. Les chrétiens de Lutèce avaient déjà construit une cathédrale dédiée à saint Étienne, premier martyr, mais, devenue trop exigüe, elle fut remplacée progressivement, entre le XIIe et le XIVe siècle, par celle que nous admirons de nos jours. La foi du Moyen-Âge a bâti les cathédrales, et vos ancêtres sont venus ici pour louer Dieu, lui confier leurs espérances et lui dire leur amour. De grands événements religieux et civils se sont déroulés dans ce sanctuaire où les architectes, les peintres, les sculpteurs et les musiciens ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Qu'il suffise de rappeler, parmi bien d'autres, les noms de l'architecte Jean de Chelles, du peintre Charles Le Brun, du sculpteur Nicolas Coustou et des organistes Louis Vierne et Pierre Cochereau. L'art, chemin vers Dieu, et la prière chorale, louange de l'Église au Créateur, ont aidé Paul Claudel, venu assister aux vêpres du jour de Noël 1886, à trouver le chemin vers une expérience personnelle de Dieu», avait alors expliqué le Pape allemand, dont la vocation personnelle comme prêtre s’était forgée, entre autres, dans la lecture des œuvres de cet écrivain français qui tenait une place centrale dans le panorama intellectuel des années 1940.
«Théâtre de conversions moins connues, mais non moins réelles, chaire où des prédicateurs de l'Évangile, comme les Pères Lacordaire, Monsabré et Samson, ont su transmettre la flamme de leur passion aux auditoires les plus variés, la cathédrale Notre-Dame demeure à juste titre l'un des monuments les plus célèbres du patrimoine de votre pays, avait ajouté Benoît XVI lors de cette intervention. Les reliques de la Vraie Croix et de la Couronne d'épines, que je viens de vénérer, comme on le fait depuis saint Louis, y ont trouvé aujourd’hui un écrin digne d'elles, qui constitue l'offrande de l'esprit des hommes à l'Amour créateur.»
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