François en Roumanie: le Notre Père est un "cri face aux pénuries d'amour"
C’est devant la splendide iconostase de la cathédrale encore en chantier que le Pape et le patriarche orthodoxe, -tels Pierre et André-, se sont tenus côte à côte pour ce moment de prière articulé en deux temps: la récitation du Notre Père en latin, accompagnée de trois cantiques catholiques de Pâques, suivie de la récitation du Notre Père en roumain, accompagné cette fois de trois cantiques orthodoxes de Pâques.
Après l’accueil chaleureux du patriarche Daniel, le Pape a choisi de partager plusieurs réflexions sur le Notre Père, s’arrêtant sur chaque verset de cette prière qui contient notre identité d’enfants de Dieu, et «nous donne confiance pour recevoir et accueillir le don du frère».
Une prière de fils, une prière de frères
«Le mot Père ne peut pas être sans dire notre», a d’abord affirmé le Pape. «C’est une invitation à ce que le ‘mon’ se transforme en ‘notre’ et que le ‘notre’ devienne prière». «Aide-nous, Père, à prendre au sérieux la vie du frère, à faire nôtre son histoire. Aide-nous à ne pas juger le frère pour ses actions et ses limites (…). Aide-nous à vaincre la tentation de nous sentir fils aîné, qui à force de rester au centre, oublient le don de l’autre».
Au Père qui est aux Cieux, le Pape demande «cette entente que nous n’avons pas pu préserver sur terre », par l’intercession de ces nombreux frères et sœurs dans la foi qui habitent ensemble ce ciel, après avoir souffert «du seul fait d’être chrétien».
«Que ton Nom soit sanctifié»: combien de fois notre prière s’apparente-elle à une suite de demandes, déplore le Pape, oubliant que la première chose à faire est de louer le nom de Dieu, d’adorer sa personne «pour ensuite reconnaitre dans la personne du frère que tu as mis à côté de nous ton reflet vivant».
«Que ton règne vienne»: force est de constater que les dynamiques du monde, «orientées par les logiques de l’argent, de l’intérêt et du pouvoir », ne le favorisent pas, observe le Souverain Pontife. Face à la frénésie consommatrice, aux séductions évanescentes du monde, il nous est demandé de «croire ce pour quoi nous prions: renoncer aux sécurités confortables du pouvoir, aux séductions trompeuses de la mondanité, à la présomption vide» de l’autosuffisance.
«Que ta volonté soit faite»: nous avons besoin d’élargir les horizons, affirme le Pape, pour ne pas réduire à nos limites la volonté de salut du Père qui veut embrasser tout le monde.
Le pain du service et le pain de la mémoire
«Donne-nous notre pain quotidien»: le Christ est le pain quotidien, le pain de Vie, le pain de service. En demandant ce pain, nous demandons aussi «le pain de la mémoire, la grâce d’affermir les racines communes de notre identité chrétienne, racines indispensables en un temps où l’humanité, et les jeunes générations en particulier, risquent de se sentir déracinées au milieu de tant de situations liquides, dans l’incapacité de fonder leur existence».
Que le Seigneur fasse de nous des «cultivateurs de communion», qui ne se fatiguent pas de faire germer des semences de paix et d’unité.
Ce pain est aussi celui dont beaucoup sont privés, fait encore remarquer le Pape. «Le Notre Père n’est pas une prière qui tranquillise, c’est un cri face aux pénuries d’amour de notre époque». «Père, Aide-nous à avoir faim de nous donner», a prié François, en ayant à l’esprit que, «pour vivre, nous n’avons pas besoin de nous conserver, mais de nous rompre, de partager, non d’accumuler, de nourrir les autres (…), car le bien-être est tel seulement s’il appartient à tous».
«Remets-nous nos offenses»: en demandant cela, nous nous engageons aussi à remettre leurs dettes à nos débiteurs. Ce geste nécessite du courage, de la force, que seul Dieu peut nous donner. «Aide-nous, Père, à ne pas céder à la peur, à ne pas voir dans l’ouverture un danger; à avoir la force de nous pardonner et de marcher».
Et face au mal, face à la tentation du repli et de l’isolement, «encourage-nous, à trouver dans le frère ce soutien que tu as mis à nos côtés pour marcher vers toi, et ensemble avoir le courage de dire ‘Notre Père’».
Une cathédrale encore inachevée
Cette cathédrale orthodoxe, située en plein cœur de Bucarest, a été inaugurée en novembre 2018 par le patriarche Daniel et le patriarche de Constantinople, Bartholomée, et ce, bien qu’elle soit encore en chantier. Elle devrait être achevée en 2024, après quatorze années de travaux.
L’édifice, qui présente des proportions impressionnantes, -120 m de hauteur, 126 de longueur et 68 de largeur-, peut accueillir entre ses murs 5 000 personnes. Durant son voyage apostolique en 1999, saint Jean-Paul II offrit une contribution financière à hauteur de 200 000 dollars en vue de sa construction; son nom figure ainsi sur la liste des donateurs de la cathédrale.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici