Le Pape François rappelle aux nonces leur devoir d’obéissance
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Le nonce est un homme de Dieu
Tout d’abord, le Pape rappelle que le nonce est un «homme de Dieu», qui doit donc «suivre Dieu en tout et pour tout, obéir à ses commandements avec joie, vivre pour les choses de Dieu et non pour celles du monde». «L’homme de Dieu ne trompe pas son prochain, ne se laisse pas à aller à des commérages et à des médisances, il conserve l’esprit et le cœur purs, en préservant ses yeux et ses oreilles des saletés du monde», martèle François avec fermeté. Au contraire, «l’homme de Dieu est celui qui pratique la justice, l’amour, la clémence, la piété et la miséricorde». Le nonce qui oublie d’être homme de Dieu «abime l’Église, à laquelle il a dédié sa vie».
Le nonce est un homme d’Église
Les représentants pontificaux ne se représentent pas eux-mêmes, mais ils représentent l’Église et en particulier le Successeur de Pierre, rappelle le Pape en délivrant cette citation de l’Évangile selon saint Matthieu : «Si ce mauvais serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde”, et s’il se met à frapper ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des hypocrites ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.»
«Le nonce cesse d’être un homme d’Église quand il commence à maltraiter ses collaborateurs, le personnel, les sœurs et la communauté de la nonciature, comme un mauvais maître et non comme un père et un pasteur», souligne le Pape, montrant sa consternation d'apprendre que certains nonces traitent leurs collaborateurs avec violence, sous prétexte qu’ils avaient reçu eux-mêmes ce traitement lors de leurs premières missions. Il dénonce aussi les nonces qui cherchent à vivre dans le luxe, qui recherchent des produits de marque, ou qui mettent leurs convictions personnelles au-dessus de leur service.
«Être homme d’Église signifie la défendre courageusement devant les forces du mal qui cherchent toujours à la discréditer, à la diffamer et à la calomnier.» La mission des nonces doit donc s’inscrire dans une communion profonde avec les Églises locales, insiste-t-il.
Le nonce est un homme de zèle apostolique
Le nonce n’est pas un simple administrateur ou un homme de bureau, mais il est «l’annonciateur de la Bonne Nouvelle» et «il a le devoir d’illuminer le monde avec la lumière du Ressuscité, de porter le Christ jusqu’aux confins de la terre». «Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile !», écrivait saint Paul dans sa Première Lettre aux Corinthiens. Face à la propagation de l’indifférence religieuse, «il est dangereux de tomber dans la timidité ou dans la tiédeur des calculs politiques ou diplomatiques, ou même dans le "politiquement correct"», avertit François, invitant à se protéger du «cancer de la désillusion».
Le nonce est un homme de réconciliation
Le Pape souligne aussi le service «de médiation, de communion, de dialogue et de réconciliation» que les nonces doivent assumer, sans se laisser instrumentaliser. Il ne doit pas court-circuiter les évêques locaux, mais au contraire les respecter et les soutenir «avec un fraternel et discret conseil». Le nonce ne doit pas s’enfermer dans la nonciature, car ainsi il «trahirait sa mission». «Vous représentez le visage de la catholicité et de l’université de l’Église auprès des Églises locales dispersées dans le monde entier et auprès des gouvernements.»
Le nonce est l’homme du Pape
En soulignant que la nonciature est parfois surnommée dans certains pays «la Maison du Pape», le Pape rappelle que le nonce est un pont entre «le Vicaire du Christ et les personnes auxquelles il a été envoyé dans un zone déterminée». Sa valise doit être toujours prête pour se déplacer dans le pays, et il doit faire preuve de «disponibilité et flexibilité, humilité, professionnalité impeccable, capacité de communication et de négociation», avec une prédisposition à de bons rapports humains avec toutes les couches de la population.
Il a devoir «d’informer continuellement le Pape sur les différentes situations et sur les transformations ecclésiastiques et sociopolitiques du pays dans lequel il est envoyé», et doit faire l’effort de bien connaître la langue et les coutumes locales, «en maintenant la porte de la nonciature et celle de son cœur toujours ouvertes à tous».
François lance aussi cet avertissement très explicite : «le fait d’être représentant pontifical est inconciliable avec le fait de critiquer le Pape par derrière, d’avoir des blogs ou carrément de s’unir à des groupes hostiles à lui, à la Curie et à l’Église de Rome».
Le nonce est un homme d’initiative
Le Pape invite aussi les nonces à être adaptables, sans tomber donc dans la rigidité ni dans une flexibilité hypocrite ou «de caméléon». Il ne s’agit pas d’être opportuniste, mais d’être «une personne positivement curieuse, pleine de dynamisme et d’esprit d’entreprise ; une personne créative et dotée de courage, qui ne se laisse pas vaincre par la panique dans des situations imprévisibles, mais sait, avec sérénité, intuition et fantaisie, tenter de les renverser et de les gérer positivement».
Le nonce est un homme d’obéissance
Le Pape rappelle la nécessité de relier une saine liberté avec le devoir d’obéissance. En citant saint Maximilien Kolbe, François a expliqué qu’à travers «la voie de l’obéissance nous surmontons les limites de notre petitesse et nous nous conformons à la volonté divine qui nous guide pour agir avec droiture, avec son infinie sagesse et prudence.» Un nonce qui ne vivrait pas cette vertu risquerait de devenir «comme un voyageur qui perd la boussole, en risquant ainsi de manquer l’objectif».
Le nonce est un homme de prière
La figure du représentant pontifical est «celle de quelqu’un qui a vraiment la conscience de porter le Christ avec lui», explique le Pape en citant les propos tenus en 1951 par le Substitut de la Secrétairerie d’État, Mgr Giovanni Battista Montini, le futur Paul VI. Il doit donc cultiver sa «familiarité avec Jésus-Christ dans la prière, dans la célébration eucharistique – à ne jamais mettre de côté-, dans le service de la charité».
Le Pape le répète : «sans la prière nous devenons de simples fonctionnaires, toujours mécontents et frustrés. La vie de prière est cette lumière qui illumine tout le reste.»
Le nonce est un homme de charité active
En citant la Lettre de saint Paul aux Galates, le Pape rappelle que «si nous voulons réellement rencontrer le Christ», il faut le «retrouver dans la charité partagée dans les visages et dans les personnes des frères et des sœurs les plus faibles». Le nonce doit donc s’impliquer dans le service des pauvres et des personnes marginalisées, et ne pas se laisser corrompre par des cadeaux qui risquent «d’annihiler notre objectivité et dans certains cas, malheureusement, d’acheter notre liberté». En citant le Psaume 14, François a souligné que «celui qui habite dans la tente du Seigneur (…) n’accepte rien qui nuise à l’innocent». Les cadeaux trop coûteux doivent donc être refusés, ou redirigés vers la charité.
Le nonce est un homme d’humilité
Le Pape conclut son discours avec la "Litanie de l’humilité", un texte du cardinal Rafael Merry del Val (1865-1930), «votre ancien collègue», qui fut le Secrétaire d’État de saint Pie X, un Pape pour lequel François a plusieurs fois manifesté sa grande admiration et dévotion.
«Ô Jésus, doux et humble de cœur,
Rendez mon cœur semblable au Vôtre.
Du désir d’être estimé, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être affectionné, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être recherché, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être honoré, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être loué, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être préféré, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être consulté, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être approuvé, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être compris, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être visité, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être humilié, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être méprisé, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être rebuté, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être calomnié, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être oublié, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être raillé, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être soupçonné, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être injurié, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être abandonné, délivrez-moi Seigneur,
De la crainte d’être refusé, délivrez-moi Seigneur,
Que d’autres soient plus aimés que moi, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient plus estimés que moi, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres grandissent dans l’opinion et que je diminue, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient loués et que je sois oublié, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient employés et que je sois mis de côté, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient préférés en tout, accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient plus saints que moi, pourvu que je le sois autant que je puis l’être, accordez-moi, Seigneur, de le désirer.»
Hommage au nonce en Argentine
Au début de l’audience, le Pape a évoqué dans la prière le nonce apostolique en Argentine, Mgr Léon Kalenga Badikebele, décédé hier à l’âge de 62 ans. Ordonné prêtre pour le diocèse de Luebo, en République démocratique du Congo, en 1982, il était entré au service de la diplomatie pontificale en 1990. Avant d’être nommé en mars 2018 en Argentine, le pays d’origine du Pape François, il avait été nonce notamment au Ghana et en Amérique centrale. Durant son service à la nonciature de San Salvador, il avait activement soutenu la béatification de Mgr Oscar Romero.
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