Les conseils du Pape François aux responsables de pastorale des vocations
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Le Pape François a préféré improviser son message durant cette audience. Voici toutefois un résumé du discours consigné.
Toute notre vie est vocation
Dans ce texte dense et précieux pour les responsables de pastorale vocationnelle, le Pape indique quelques lignes qui lui «tiennent particulièrement à cœur», n’hésitant pas à pointer les erreurs parfois commises en la matière.
Le Saint-Père parle d’abord de la sainteté, en tant qu’appel adressé par le Seigneur à chacun, à travers sa vocation particulière. François rappelle que «la vocation est un chemin qui dure toute la vie»; elle concerne en effet «le temps de la jeunesse pour l’orientation et la direction à prendre en réponse à l’invitation de Dieu, et concerne la vie adulte dans l’horizon de la fécondité et du discernement du bien à accomplir». Il regrette que la vocation soit souvent considérée «comme une aventure individuelle, en croyant qu’elle concerne seulement “moi” et non pas d’abord “nous”». Il est nécessaire «que nous prenions soin de cette sainteté commune du peuple», écrit-il.
Ce dont les jeunes ont soif
Le Pape aborde ensuite la dimension de la communion, mère de synodalité, terme qui lui cher, pour signifier la manière de vivre la pastorale. Il s’agit de vivre davantage «la fraternité, de favoriser l’estime réciproque, de valoriser la richesse de chacun, de croire que le Ressuscité peut accomplir des merveilles y compris à travers les blessures et les fragilités qui font partie de l’histoire de tous. De la communion de l’Église naîtront de nouvelles vocations», assure-t-il, avant de dénoncer les logiques mondaines qui divisent trop souvent les communautés, les familles et les presbytères. «C’est seulement en nous reconnaissant vraiment communautés – ouvertes, vivantes, inclusives - que nous deviendrons capables de futur. C’est de cela que les jeunes ont soif», fait remarquer François.
Vocation, bonheur, liberté: les mises en garde du Pape
Puis la vocation elle-même a fait l’objet d’une réflexion plus longue. «Je connais quelques communautés qui ont choisi de ne plus prononcer le mot “vocation” dans leurs propositions pour les jeunes, parce qu’elles estiment que les jeunes en ont peut et qu’ils ne participent pas à leurs activités. C’est une stratégie désastreuse», se désole le Souverain Pontife. Cela revient à «mutiler» le lexique de la foi «en courant le risque, tôt ou tard, de ne plus se comprendre». «Nous avons besoin», souligne le Pape, «d’hommes et de femmes, laïcs et consacrés passionnés, ardents pour la rencontre avec Dieu et transformés dans leur humanité, capables d’annoncer par leur vie le bonheur qui vient de leur vocation».
Bonheur: le premier des trois mots sur lesquels le Saint-Père choisit ensuite de s’arrêter. À l’inverse des «joies passagères» dont se contentent beaucoup d’hommes et de femmes de notre temps, «le bonheur est plus profond, il demeure même lorsque la joie ou l’enthousiasme du moment disparaissent, même lorsque surviennent les difficultés, la douleur, le découragement, la désillusion». Ce bonheur porte un nom, ce bonheur reste «parce qu’il est Jésus lui-même, Lui dont l’amitié est indissoluble», écrit François. «Certaines expériences de pastorale des jeunes et des vocations, alerte-t-il ensuite, confondent le bonheur qu’est Jésus avec la joie émouvante et elles annoncent la vocation comme toute lumineuse. Cela ne va pas bien, parce que lorsqu’on entre en contact avec la chair souffrante de l’humanité – la sienne ou celle des autres -, cette joie disparaît». Le Pape met aussi en garde contre «l’idée que discerner sa propre vocation ou marcher dans la vie spirituelle est une question de techniques, d’exercices détaillés ou de règles à suivre». «La vie que Dieu nous offre» est plutôt «une invitation à faire partie d’une histoire d’amour qui se tisse avec nos histoires» (Exhortation apostolique Christus vivit, 252).
Liberté: un mot souvent employé pour signifier, à tort, que la vocation est «un projet qui enlève la liberté», là où Dieu vient au contraire la soutenir. «Il est bon de le rappeler, estime François, surtout quand l’accompagnement personnel ou communautaire amorce des dynamiques de dépendances, ou pire, de plagiat. Ceci est très grave, parce que cela empêche la croissance et la consolidation de la liberté, cela étouffe la vie en la rendant infantile. La vocation se reconnaît à partir de la réalité, (…) dans l’émerveillement de reconnaître – à un certain point – que ce que nous voulons vraiment est aussi ce que Dieu veut de notre part. À partir de l’étonnement de ce point de rencontre, la liberté s’oriente vers un choix d’amour explosif et la volonté fait grandir les digues capables de contenir et canaliser vers une direction unique toute sa propre énergie de vie», explique le Souverain Pontife.
Ensemble: le Pape insiste enfin sur la dimension communautaire de la vocation. «Le Seigneur n’appelle jamais seulement comme des individus, mais toujours à l’intérieur d’une fraternité pour partager son projet d’amour, qui est pluriel depuis le début parce qu’Il l’est lui-même, Trinité miséricordieuse». Une perspective «féconde» aux yeux du Saint-Père, «parce qu’elle renouvelle la conscience que dans l’Église rien ne s’accomplit tout seul», «nous sommes à l’intérieur d’une longue histoire, orientés vers un futur qui est participation de tous». Par conséquent, la pastorale vocationnelle «ne peut pas être le seul devoir de quelques leaders, mais de la communauté», rappelle François.
Valoriser la vie consacrée
Dans une dernière partie de son discours, il adresse de nombreux encouragements à ceux que concernent les vocations au sacerdoce et/ou à la vie consacrée. «Je pense aux nombreuses communautés de vie consacrée qui œuvrent par capillarité dans la charité et dans la mission. Je pense à la vie monastique, dans laquelle plongent les racines de l’Europe et qui est encore capable d’attirer beaucoup de vocations, surtout féminines», souligne notamment le Pape, demandant qu’elle soit «protégée, valorisée et aidée à s’exprimer pour ce qu’elle est véritablement, une école de prière et de communion».
François s’adresse ensuite à ceux qui promeuvent ces vocations spécifiques. «L’Église en a besoin !», écrit-il à propos de leur mission, avant de mettre un dernier aspect en lumière: «quand les jeunes rencontrent des hommes et des femmes consacrées crédibles, non pas parce que parfaits, mais parce que marqués par la rencontre avec le Seigneur, ils savent goûter à une vie différente et s’interroger sur leur vocation».
Et le Pape de conclure par ce conseil, à l’accent paulinien: «Aujourd’hui la vie de tous est fragmentée et parfois blessée; celle de l’Église ne l’est pas moins. S’enraciner dans le Christ est la voie maîtresse pour laisser son œuvre nous reconstituer».
«On ne peut pas travailler pour les vocations sans se fatiguer»
Dans son message effectivement prononcé, le Saint-Père a rappelé l’importance du «dialogue avec le Seigneur» dans le choix vocationnel. «Ce n’est pas une conviction intellectuelle, non (…). Le Seigneur m’inspire à aller de l’avant dans la vie de cette manière, par cette route». Un défi pour les accompagnateurs: «si vous, vous ne dialoguez pas avec le Seigneur, il sera assez difficile d’enseigner aux autres à dialoguer sur ce point», a prévenu François. Puis il leur a indiqué quelques comportements à suivre, notamment la «patience» et la «capacité d’écoute». «Aujourd’hui les jeunes sont en mouvement, a-t-il également relevé, et l’on doit travailler avec eux en mouvement, et chercher en mouvement à les aider à trouver leur vocation dans leur vie. Cela fatigue…», a reconnu le Pape, mais «il faut se fatiguer! On ne peut pas travailler pour les vocations sans se fatiguer».
Enfin le Saint-Père a abordé l’aspect du langage. Il s’agit de comprendre le langage des jeunes, «qui est un langage pauvre de communion». Les jeunes sont à l’aise avec les «contacts, mais ils ne communiquent pas», a constaté François. «Communiquer est peut-être le défi que nous devrions avoir avec les jeunes», tout comme celui de «la capacité à se recueillir en soi-même». «Ce n’est pas facile», a-t-il reconnu, avant de donner un dernier conseil aux participants: plutôt que de recourir à des «préconcepts» ou à «l’imposition purement doctrinale», mieux vaut «accompagner, guider, et aider, afin que la rencontre avec le Seigneur leur fasse voir quel est le chemin dans leur vie».
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