Quand les papes donnent en exemple saint Jean Marie Vianney
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«Le prêtre n’est pas prêtre pour lui, il est pour vous»; «nos fautes sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu»; «je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie»… Ces phrases et prières – parmi tant d’autres – du curé d’Ars, les papes de ces 160 dernières années les ont sans doute lues et méditées pour y puiser des forces.
Né le 8 mai 1786 à Dardilly, près de Lyon, dans une famille de cultivateurs, Jean-Marie Vianney est ordonné prêtre à Grenoble le 13 août 1815, après une formation longue et difficile. Un premier ministère le mène à Ecully, puis il est nommé curé dans une petite paroisse de 230 habitants, Ars – non loin de Lyon également. Il y restera jusqu'à sa mort. Sa bonté, la joie dont il rayonne, ses longues heures de prière devant le Saint-Sacrement, impressionnent peu à peu ses paroissiens. Pour écouter, réconforter et apaiser chacun, il reste jusqu'à seize ou dix-huit heures par jour au confessionnal. Pendant les dernières années de sa vie, jusqu'à 100 000 pèlerins viendront chaque année pour entendre une parole de réconfort et de paix de la part de ce curé humble, mais si proche du cœur des hommes et de celui de Dieu. Complètement donné à sa tâche pastorale, épuisé, il aura ce mot vers la fin de sa vie: «Qu'il fait bon de mourir quand on a vécu sur la croix». Il est exaucé le 4 août 1859 quand il meurt à l'âge de 74 ans dans son presbytère.
Le chemin vers la canonisation
Une vie édifiante et un ministère sacerdotal étonnamment fécond, y compris après sa mort, si bien que le Saint-Siège ne tarde pas à entamer un procès apostolique, qui aura lieu de 1866 à 1885. Au cours de celui-ci, le 3 octobre 1872, Jean Marie Vianney est déclaré vénérable par Pie IX. En 1896, Léon XIII proclame l’héroïcité des vertus. Quelques années plus tard, en 1904, Pie X reconnaît deux miracles. Puis le saint Pape procède à sa béatification, le 8 janvier 1905.
C’est sous Pie X que le rayonnement du curé d’Ars s’amplifie, en particulier auprès des prêtres français, puisque le Souverain Pontife le donne pour modèle à tous les prêtres de France le 28 avril 1905. Cette même année, au mois de mai, un certain abbé Angelo Roncalli (futur Jean XXIII) effectue un passage à Ars.
Quelques années s’écoulent avant que la canonisation de Jean Marie Vianney ne se concrétise. Le 1er novembre 1924, Pie XI approuve deux miracles et décrète la canonisation, célébrée à Rome le 30 mai 1925. Dans son homélie, le Souverain Pontife décrit «la frêle silhouette de Jean-Marie Vianney: cette tête aux longs cheveux blancs qui lui font comme une éclatante couronne; ce mince visage creusé par les jeûnes, mais sur lequel se reflétaient si bien l’innocence et la sainteté d’un cœur très humble et très doux, ce visage dont le seul aspect suffisait à ramener les foules à de salutaires pensées». En 1929, le 23 avril, ce même Pie XI proclame le saint curé d’Ars «patron céleste de tous les curés du monde catholique», dans une lettre apostolique signée du cardinal Pietro Gasparri, secrétaire d’État du Saint-Siège.
Une lettre encyclique dédiée au curé d’Ars
En juin 1945, Ars reçoit une nouvelle visite d’Angelo Roncalli, alors nonce apostolique en France. Celui-ci, élu successeur de Pierre en 1958, consacre une lettre encyclique à saint Jean-Marie Vianney à l’occasion du centenaire de sa mort: Sacerdotii nostri primordia (“Les prémices de notre sacerdoce”) est publiée le 31 juillet 1959. Jean XXIII y dresse un élogieux portrait du saint curé à l’adresse de ses «vénérables frères» prêtres: «en retraçant les traits de la sainteté du Curé d’Ars, nous serons conduit à mettre en relief des aspects de la vie sacerdotale, qui en tout temps sont essentiels, mais qui prennent de nos jours une telle importance que nous tenons pour un devoir de notre charge apostolique d’y insister particulièrement à l’occasion de ce centenaire», explique-t-il. «Vers ces sommets de la sainteté sacerdotale, saint Jean-Marie Vianney nous entraîne tous», écrit-il encore. Ce 100e anniversaire donne lieu à d’importantes cérémonies à Ars, un million de visiteurs s’y rendent au cours de l’année 1959.
Un pèlerinage historique
Autre Pape, autres dates essentielles… Faisons un petit retour en arrière. En 1947, Ars accueille le temps d’une visite un jeune prêtre, ordonné une année plus tôt: l’abbé polonais Karol Wojtyla. Près de 40 années plus tard, en 1986, il y revient… sous le nom de Jean-Paul II. Un passage marquant, effectué dans le cadre de son voyage apostolique en France, du 4 au 7 octobre. Le village accueille avec ferveur le Souverain Pontife. Celui-ci s’adresse d’ailleurs à la population, avant de rencontrer des prêtres, des diacres et des séminaristes, et de célébrer l’Eucharistie sur l’esplanade de la «Rencontre». Il visite aussi la communauté des carmélites. «Jésus-Christ! Jean-Marie Vianney est venu à Ars pour annoncer à ses paroissiens cette vérité fondamentale de notre foi: Jésus-Christ, la pierre angulaire, choisie par Dieu, afin que sur elle s’élève le temple du salut éternel de toute l’humanité, le temple qui réunit “tout le peuple des rachetés” (Prière eucharistique III), le peuple des sauvés. […] Cette foi faisait dire au Curé d’Ars: “Notre amour sera la mesure de la gloire que nous aurons en Paradis. L’amour de Dieu remplira et inondera tout… Nous le verrons… Jésus est tout pour nous… Vous ne faites tous ensemble qu’un même corps avec Jésus-Christ”», rappelait Jean-Paul II dans l’homélie de la messe solennelle. Six mille prêtres étaient présent autour du Saint-Père ce 6 octobre. En 1997, Jean-Paul II érige l’église d’Ars “basilique mineure Saint-Sixte”.
2009, année sacerdotale
Saint Jean-Marie Vianney laisse également une forte empreinte dans le pontificat de Benoît XVI. Le 21 mai 2005, seulement quatre semaines après son intronisation, le Souverain Pontife allemand vénère une relique du cœur du saint curé en sa chapelle privée. C’est Mgr Bagnard, alors évêque de Belley-Ars, qui l’a portée à Rome auprès du nouveau Pape.
Le 16 juin 2009, dans une lettre, Benoît XVI déclare l’ouverture officielle d’une “Année sacerdotale”, à partir du 19 juin de la même année, solennité du Sacré-Cœur de Jésus, et à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de saint Jean-Marie Vianney. L'intention est de «contribuer à promouvoir un engagement de renouveau intérieur de tous les prêtres afin de rendre plus incisif et plus vigoureux leur témoignage évangélique dans le monde d'aujourd'hui». Par ailleurs, le Saint-Père propose plusieurs paroles du saint, comme celles-ci: «"Oh ! que le prêtre est quelque chose de grand ! S'il se comprenait, il mourrait... Dieu lui obéit: Il dit deux mots et Notre Seigneur descend du ciel à sa voix et se renferme dans une petite hostie !.."». Saint Jean-Marie Vianney identifie la grandeur du prêtre avec une référence privilégiée au pouvoir qu'il exerce dans les sacrements au nom et en la personne du Christ (in persona Christi): Benoît XVI met en évidence ce fait, écrivant par exemple que le curé d’Ars «était convaincu que toute la ferveur de la vie d'un prêtre dépendait de la messe: “La cause du relâchement du prêtre, c'est qu'on ne fait pas attention à la messe ! Hélas ! Mon Dieu ! qu'un prêtre est à plaindre quand il fait cela comme une chose ordinaire !”» déplorait-il. On peut également relire l’audience générale du 5 août 2009, où Benoît XVI délivre un bel enseignement sur la vie de saint Jean Marie Vianney.
Avec sa lettre adressée aux prêtres ce 4 août, mais aussi par les thèmes mis au cœur de son pontificat – la miséricorde, la proximité avec les fidèles, la joie de vivre l’Évangile -, le Pape François démontre lui aussi une proximité spirituelle avec le saint patron de tous les curés du monde.
Avec nominis.cef.fr, arsnet.org, Le Curé d’Ars (Jean-Jacques Antier)
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