Le Pape demande de faire de Madagascar «un lieu où l’Évangile se fait vie»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Ce matin, l’ampleur de l’assemblée était impressionnante sur le champ diocésain de Soamandrakizay, là même où s’est déroulée hier la veillée de prière avec les jeunes. Face au million de fidèles (d’après les organisateurs), les reliques d’un saint étaient exposées sur l’autel: celles du bienheureux Raphaël Louis Rafiringa (1856-1919), lasallien malgache, éducateur, catéchiste et médiateur de paix, qui a donné toutes ses forces pour l’Église de la Grande île, à l’époque mouvementée de la fin du 19e siècle.
Dans son homélie, le Pape a commenté l’Évangile du jour, extrait de saint Luc (Lc 14, 25-33), qui invite à renoncer à tout pour suivre Jésus. Trois exigences sont demandées par le Seigneur.
Repousser la culture du privilège
La première concerne les relations familiales. Ce détachement signifie que l’accès dans le Royaume des Cieux ne peut «seulement se limiter ou se réduire aux liens du sang, à l’appartenance à un groupe déterminé, à un clan ou à une culture particulière». Autrement finit par prévaloir «la culture du privilège et de l’exclusion (favoritismes, clientélismes et, par conséquent corruption)», a mis en garde le Saint-Père. Jésus appelle donc ses disciples à «voir l’autre comme un frère», «au-delà de son origine familiale, culturelle, sociale».
Ne pas instrumentaliser le nom de Dieu
La seconde est relative au sens donné au Royaume des Cieux. Il ne faut pas l’identifier «avec ses propres intérêts personnels ou avec la fascination d’une idéologie quelconque», au risque d’«instrumentaliser le nom de Dieu ou la religion pour justifier des actes de violence, la ségrégation et même l’homicide, l’exil, le terrorisme et la marginalisation». Jésus invite à «ne pas manipuler l’Évangile par de sombres réductionnismes», a expliqué François, mais à toujours garder un esprit de fraternité, de solidarité, de «respect gratuit de la terre et de ses dons contre toute forme d’exploitation».
Compter sur les dons du Seigneur
Enfin, la troisième exigence invite au détachement vis-à-vis de ses propres forces et de ses biens. La «course à l’accumulation» pousse en effet à «l’égoïsme et l’utilisation de moyens immoraux», a prévenu le Pape. Le Seigneur exhorte au contraire «à retrouver la mémoire reconnaissante et à prendre conscience que, bien plus qu’une victoire personnelle, notre vie et nos capacités sont le fruit d’un don». Un don qui vient de Dieu et de la communion des saints.
Une libération, en faveur de Dieu et du prochain
Mais quel est le but de ces renoncements? De libérer le chrétien de l’un «des pires esclavages: le vivre pour soi-même», a souligné François, de «créer des espaces pour que Dieu soit le centre et l’axe de notre vie». Le Pape a déploré l’individualisme orgueilleux, le repli confortable et sécurisant sur soi où «les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, on n’a plus d’enthousiasme à faire le bien…». Il a invité l’assemblée à «laisser triompher l’esprit de fraternité – qui naît du côté ouvert de Jésus-Christ», et à se donner pour valoriser la dignité humaine.
La joie de l’Évangile
Cette «sagesse du détachement personnel» peut sembler rude, mais il faut l’envisager à «la lumière de la joie et de la fête de la rencontre avec Jésus-Christ», a enfin indiqué le Saint-Père. Une joie que l’on goûte déjà ici-bas, en sachant «qu’Il est le premier à sortir pour nous chercher à la croisée des chemins», avec miséricorde. Une joie jaillie de l’humilité et du réalisme, qui poussent à «assumer les grands défis», a conclu François, encourageant les fidèles à «faire de [leur] beau pays un lieu où l’Évangile se fait vie, et où la vie soit pour la plus grande gloire de Dieu».
À la fin de la célébration, le Pape a récité la prière de l'Angélus avec l'assemblée, après avoir remercié les autorités et la population malgaches pour leur accueil et mentionné la mémoire de la Nativité de la Vierge Marie, qui a lieu ce 8 septembre.
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