François prie pour les orthodoxes d’Éthiopie, cibles de violences
Le Pape s’est dit «attristé par les violences dont sont victimes les chrétiens de l’Église orthodoxe Tewahedo en Éthiopie». Il a exprimé sa «proximité envers cette Église aimée et son Patriarche (…) Abuna Matthias», demandant aux pèlerins rassemblés pour l’Angélus de «prier pour toutes les victimes de violence sur cette terre». Il a ensuite récité un “Je vous salue Marie” avec les très nombreux fidèles présents Place Saint-Pierre.
Près de 80 morts
En Éthiopie, pays enclavé de la Corne de l’Afrique, le climat s’embrase depuis la fin du mois d’octobre. Les violences ont éclaté le 23 octobre dernier, lors de manifestations à Addis Abeba, la capitale, ainsi que dans une bonne partie de la région d’Oromia. Les habitants défilaient contre le Premier ministre Abiy Ahmed, après qu'un activiste controversé, Jawar Mohammed, eut accusé les forces de sécurité de tenter de fomenter une attaque contre lui, accusation rejetée par les autorités.
Les affrontements ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre, mais aussi des communautés ethniques entre elles durant trois jours. Le bilan de ces violence s’est élevé à 78 morts, et plus de 400 personnes ont été arrêtées, a indiqué cette semaine Billene Seyoum, la porte-parole du Premier ministre. Elle a ajouté que l'enquête se poursuivait et que davantage de suspects pourraient être interpellés.
Des victimes parmi les chrétiens orthodoxes
L'Église orthodoxe éthiopienne a dénoncé dimanche dernier la réponse apportée par le gouvernement aux violences, estimant qu'il avait failli à son devoir de protéger les chrétiens.
«Les gens meurent, et on se demande si le gouvernement existe vraiment. Les gens perdent espoir», s'est lamenté auprès de l'AFP le père Markos Gebre-Egziabher, un haut responsable de l'Église orthodoxe tewahedo, à l'issue d'une messe à la cathédrale de la Sainte Trinité d'Addis Abeba. Un porte-parole de l'Église orthodoxe a aussi indiqué que 52 orthodoxes éthiopiens - dont deux prélats - figuraient parmi les victimes. Mais aucune confirmation officielle n'a pu être obtenue par l’AFP.
Le responsable de l’Église orthodoxe de Dodola, le père Firesebhat Getachew, a quant à lui déclaré à l’agence Reuters que huit personnes avaient été brûlées fin octobre dans son église, et plus de 3 000 étaient venues se réfugier dans le lieu de culte. Les victimes venaient selon lui de trois ethnies: oromo, amhara et sidama. «La région est dominée par les musulmans, et ils ne veulent pas de nous ni de l’église ici», a expliqué le prêtre.
L'Église orthodoxe éthiopienne représente environ 40% des quelque 110 millions d'Éthiopiens; elle est largement associée à l'ethnie amhara. Il s'agit de l'une des plus anciennes églises chrétiennes du monde, constituée vers le IVe siècle.
Un Premier ministre face au défi de l’apaisement
Au-delà de la seule communauté chrétienne, Abiy Ahmed, qui a accédé au pouvoir en avril 2018, a été critiqué pour la réponse apportée par son gouvernement aux violences et pour avoir tardé à publier un communiqué.
Jawar Mohammed est quant à lui accusé par ses détracteurs d'inciter à la haine ethnique. Il a notamment accusé à de nombreuses reprises les Tigréens de réprimer toute opposition et de marginaliser les Oromo, son ethnie, la plus importante d'Ethiopie.
Des pressions se sont exercées cette semaine contre le Premier ministre pour qu'il prenne des mesures contre Jawar Mohammed, mais Billene Seyoum a refusé de dire si le gouvernement le considérait comme responsable des violences.
Pour l’heure, Abiy Ahmed se défend. Le 26 octobre dernier, il a dénoncé «une tentative de provoquer une crise ethnique et religieuse». «La crise que nous vivons pourrait encore s'aggraver si les Éthiopiens ne s'unissent pas», a-t-il affirmé lors de sa première déclaration depuis le début des affrontements. «Nous travaillerons sans relâche pour assurer que la justice prévale et traduire en justice les coupables», a-t-il ajouté.
Abiy Ahmed, qui a reçu le mois dernier le prix Nobel de la Paix 2019, se trouve confronté à une défi de taille: réconcilier un pays peuplé de 110 millions habitants, au bord de l’explosion. Si possible avant les élections législatives prévues en mai 2020.
(Avec AFP et Reuters)
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