L’IA, nouveau défi pour l’éthique pour le Pape François
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Toujours indisposé, le Pape François a chargé ce vendredi 28 février Mgr Paglia, le président de l’Académie pontificale pour la Vie de lire le discours qu’il avait préparé pour cette assemblée plénière. Présents à ce rendez-vous dans la salle Clémentine, au sein du palais apostolique, le président du Parlement européen, le directeur général de la FAO, ainsi que différentes personnalités du monde technologique et informatique.
«L’intelligence artificielle se trouve vraiment au cœur du changement d’époque que nous traversons. L’innovation numérique, en effet touche tous les aspects de la vie, tant personnels que sociaux» : le Saint-Père revient tout d’abord sur les évolutions que nos sociétés connaissent depuis l’apparition de cette intelligence artificielle. «L’acte personnel en arrive à se trouver au point de convergence entre l’apport à proprement parler humain et le calcul automatique», écrit-il.
Ces changements finissent par «rendre floues les frontières jusqu’alors considérées comme bien distinctes entre matière inorganique et organique, entre réalité et virtualité, entre identités stables et événements en continuelles relations entre eux,» constate-t-il. Concrètement, sur le plan socio-économique, ils réduisent les utilisateurs à des consommateurs, «asservis à des intérêts privés concentrés dans les mains de quelques uns». «Cette asymétrie, selon laquelle certains savent tout de nous, alors que nous ne savons rien d'eux, engourdit la pensée critique et l'exercice conscient de la liberté», regrette le Pape.
D’où le fait que «les questions éthiques qui émergent de la manière dont les nouveaux dispositifs peuvent - précisément - "disposer" de la naissance et du destin des personnes exigent un engagement renouvelé en faveur de la qualité humaine de toute l'histoire de la vie communautaire».
Poser un cadre à l’utilisation de l’IA
Ces défis doivent pousser les croyants, selon le Saint-Père, à cheminer avec les autres, «écoutant avec attention et mettant en relation expérience et réflexion». Il faut une éducation bien plus ample que celle que nous avons actuellement, estime François, préconisant de «développer de fortes motivations pour persévérer dans la poursuite du bien commun, même lorsque celui-ci ne présente aucun avantage immédiat». Il faut, explique le Pape, «créer des corps sociaux intermédiaires qui assurent la représentation de la sensibilité éthique des utilisateurs et des éducateurs».
François distingue alors une nouvelle frontière qu’il appelle «l’algo-éthique» qui doit vérifier des processus selon lesquels les rapports entre les êtres humains et les machines de notre époque s’intègrent». Pour cela, on peut compter sur les principes de la Doctrine sociale de l’Église que sont la dignité de la personne, la justice, la subsidiarité et la solidarité. «Mais la complexité du monde technologique nous réclame une élaboration éthique plus articulée, pour rendre cet engagement réellement incisif».
«L’algo-éthique pourra être un pont faisant en sorte que les principes s’inscrivent concrètement dans les technologies numériques, à travers un dialogue interdisciplinaire effectif». Il faut aussi, poursuit le Pape, mener une réflexion mise à jour sur les droits et les devoirs de ce milieu. L’appel lancé aujourd’hui par diverses entreprises technologiques à Rome est en ce sens «un pas important dans cette direction, avec les trois coordonnées fondamentales avec lesquelles cheminer : l’éthique, l’éducation et le droit.»
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