Avec le Pape, des Français unissent leurs convictions pour protéger la Terre
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Une actrice, un archevêque, un économiste, un jeune agriculteur du Loiret, et d’autres profils aussi différents les uns des autres, croyants ou non: à les entendre, ces seize personnalités rassemblées par un combat commun, celui pour la protection de l’environnement, ont vécu un passage à Rome marquant, et qui bien que bref, leur a permis de renforcer des liens… entre eux, avec l’Église et notamment l’évêque de Rome, et dans l’élaboration d’une réflexion jamais achevée sur l’écologie intégrale.
Arrivés jusqu’à la capitale italienne en bus et train, par souci de cohérence avec leurs convictions, ces Français ont vécu en fin de matinée le point d’orgue de leur voyage: une rencontre avec le Pape François, dans la Bibliothèque du Palais Apostolique, où le Saint-Père a engagé avec eux une discussion informelle, consignant le discours qu’il avait préparé pour l’occasion.
Ce que leur a dit le Pape François
Lors de la conférence qui s’est tenue suite à cette rencontre, le père Gaël Giraud, jésuite, économiste et directeur de recherche au CNRS, a résumé en quelques points les propos du Pape: d’abord un témoignage personnel de la part de François, celui d’une conversion écologique vécue «comme un chemin» à partir de la conférence d’Aparecida organisée par le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) en 2007; ensuite la mise en avant de la sagesse des peuples autochtones, et de leur capacité à utiliser en harmonie la tête, les mains et le cœur; le thème de l’intelligence artificielle et de ses limites, notamment concernant son incapacité à imiter ce qui vient du cœur de l’homme, sa tendresse; puis l’importance de la solidarité intergénérationnelle, à cultiver par le dialogue et la prise de conscience de ses racines personnelles; enfin la différence entre le combat politique et le combat pour la sauvegarde de la maison commune – pour le premier, les compromis sont indispensables, tandis que pour le second, ils sont inacceptables.
La profondeur des échanges, et la simplicité avec laquelle chacun a pu s’exprimer est un aspect qui a touché les invités de François. «Le Pape a montré beaucoup de sagesse, d’humilité», confie le chercheur Pablo Servigne, théoricien du concept de “l’effondrement”, pour qui l’encyclique Laudato Si’, publiée il y a cinq ans, constitue un «remarquable écrit». Damien Nodé-Langlois, professeur de SVT, apiculteur, travaillant à la protection judiciaire des jeunes à Bobigny, a apprécié les propos du Saint-Père sur les racines, dont les jeunes semblent souvent déconnectés, alors qu’il est «nécessaire de savoir d’où l’on vient pour porter du fruit».
Une occasion de réconciliation
Pour Maxime de Rostolan, entrepreneur écologiste engagé depuis l’âge de 17 ans, cette rencontre, et plus largement cette expérience commune depuis le départ du sol français semblent avoir amorcé une «réconciliation avec l’Église et la religion». C’est bien là la force de l’esprit insufflé par l’encyclique Laudato Si’, dont le retentissement a largement dépassé le cadre de l’Église depuis sa parution: construire des ponts, bâtir une fraternité universelle au sein de la maison commune, révéler un visage de la foi attentionné, libre de toute querelle ou intérêt personnel, engagé dans les défis actuels tout en restant fidèle à ses convictions.
La plupart des invités restent toutefois discret sur la dimension spirituelle qu’a pu revêtir leur rencontre avec le successeur de Pierre.
«Cette expérience montre combien il est important que nous, chrétiens, rencontrions des personnes de bonne volonté», témoigne quant à lui Laurent Landete, directeur général délégué du Collège des Bernardins. «Ce qui me peine», ajoute-t-il en expliquant que le Saint-Père avait douloureusement acquiescé à sa remarque, «c’est l’indifférence écologique de certains catholiques», la difficulté de faire des liens entre les «disciples missionnaires» et les disciples de Laudato Si’. Les médias ont une «responsabilité (…) pour faire avancer les chrétiens dans leur responsabilité écologique», estime-t-il.
Et après ?
«Cette rencontre était un pont, ou plutôt une perche tendue», insiste Pablo Servigne, «très touché par la volonté d’avancer ensemble» qui s’en est dégagée. Mais alors quelle sera la prochaine étape? Difficile à dire, répond Raphaël Cornu-Thénard, architecte et fondateur d’Anuncio et du congrès Mission. Chacun traduisant un peu de sa vocation propre, le père Gaël Giraud évoque une «petite retraite» pour relire ensemble l’expérience, Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris Anne Hidalgo, espère voir un jour le Saint-Père se rendre dans la capitale française, tandis que Valérie Cabanès, juriste engagée pour la reconnaissance d’un “écocide”, considère que la rencontre à Sainte-Marthe constitue une étape, «un geste important» dans la reconnaissance de ce crime.
Pour l’heure, le Saint-Père pourra se plonger dans la version espagnole des Dialogues avec l’ange, livre de chevet de Juliette Binoche depuis une trentaine d’années, et que l’actrice a tenu à lui offrir. Mais aussi prendre soin de l’artemisia que lui ont laissé ses hôtes – une plante d’origine chinoise utilisée avec succès pour soigner le paludisme, notamment en Afrique. Une plante à l’image de cette rencontre, «trait d’union symbolique entre le cri de la terre et le cri des pauvres», appelée à donner du fruit à son rythme propre, à rebours de celui qui met à rude épreuve notre mère la Terre.
Écoutez l’actrice Juliette Binoche revenir sur la rencontre de la délégation avec le Pape François et son engagement en faveur de l’écologie:
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