Le Pape à Assise: la fraternité sur le chemin d'une Église en sortie
Antonella Palermo-Cité du Vatican
Pour souligner la portée du déplacement du Pape François à Assise, Mgr Paolo Martinelli, évêque auxiliaire de Milan et membre de la famille franciscaine revient sur le sens du lieu où saint François a donné naissance à une expérience de vie spirituelle, dont le cœur fondamental était précisément la reconnaissance d'être frères les uns des autres.
Le père jésuite Luigi Territo explique quant à lui la valeur d'une Église activement «en sortie», comme aime à le répéter le Pape : «Il semble qu'il dise au monde qu'il y a une priorité mystique et spirituelle de l'expérience de la foi sur toutes les formes institutionnelles de nos croyances. Assise représente tout cela, et pas seulement pour les chrétiens, où il y a la mémoire historique d'un Saint qui a vécu comme les petits de l'Évangile, totalement confié au Père et pour cette raison reconnu comme frère de tous».
Un Magistère imprégné de fraternité
En regardant les encycliques du Pape François, on peut facilement retrouver les graines qui ont en quelque sorte été semées pour préparer le terrain de cette encyclique Fratelli tutti. «On pense au texte d'Evangelii gaudium où il est question dans certains passages d'une mystique du vivre ensemble, de se mêler, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se pencher et d'apporter une relation de fraternité à tous les gens, rappelle Mgr Martinelli. Je vois un lien profond, du moins si l'on considère le titre, avec ce texte fondamental et programmatique de son pontificat». Le prélat souligne l'idée d'être unis les uns aux autres pour la mystérieuse reconnaissance de la présence de Dieu en chacun de nous. Un mysticisme qui sait percevoir Dieu dans les relations fraternelles.
Mais dans cette nouvelle encyclique s'y retrouve aussi Christus Vivit, l'exhortation apostolique adressée aux jeunes après le synode qui leur a été consacré, la valorisation du style d'ouverture à tous, de l'attention à l'être humain concret de chacun, de la sincérité, du courage, de la confiance mutuelle : les fondements d'un puissant sentiment de fraternité. «Ici, la citation de François d'Assise est appropriée, relève Mgr Martinelli, quand il a écrit son testament, il a écrit : "Le Seigneur m'a donné des frères"».
Le père Territo partage la référence à Evangelii gaudium où le Pape parle d'une Église qui sait faire le premier pas, qui sait prendre l'initiative sans peur, qui va à la recherche du lointain, qui est à la croisée des chemins. «Ce n'est pas tant la question de la fraternité réciproque, précise le jésuite, que le concept d'une Église qui n'attend pas, qui se lance vers ses frères, qui marque un chemin. En ce sens, l'Église pour le Pape est précisément le levain de la fraternité. Je le vois aussi dans Amoris Laetitia, ou dans Laudato Si' : il y a l'idée de l'accompagnement de toute l'humanité, de l'amour conjugal, des couples blessés, de l'accompagnement des exclus, du souci des blessures de la terre. En résumé, l'idée d'une Église qui prend soin de toute l'humanité».
Qu'est-ce que la fraternité?
Est-ce un sentiment, une valeur, une disposition d'esprit, un commandement, un mode de vie, un cadeau ? «Du point de vue chrétien, la fraternité est avant tout une responsabilité, explique encore le père Territo, au sens fort du terme. C'est réponse décisive et consciente à un mode de vie que Jésus nous a montré. Un visage de Dieu que Jésus a montré, fraternel, accueillant, ouvert, non moralisateur, et aussi, si vous voulez, une réponse à l'appel original de la Genèse : "Qu'as-tu fait de ton frère ? Ce n'est pas une coïncidence si le document d'Abou Dhabi commence également par "Au nom de Dieu...". Pas au nom de la coexistence sociale, de la paix, de la solidarité. Mais au nom de Dieu. Au sens chrétien du terme, c'est donc une réponse à un appel à la fraternité».
Mgr Martinelli reprend une des intuitions fondamentales de Laudato Si' dans laquelle il répète que tout est lié : «Du point de vue vital de la structure de l'existant, tout nous appelle à nous saisir les uns des autres en relation. L'expérience de saint François d'Assise, qui vit une profonde familiarité avec tout et tous, est emblématique. Même avec la mort de sa sœur. Au sens chrétien du terme, on reconnaît que ce que le Christ vient nous révéler est le mystère du Père, qui nous prend un par un, original, unique et irremplaçable. Cela nous permet de recommencer toujours, dans toutes les relations».
Fraternité et pseudo-communautarisme
Le chemin de la fraternité universelle n'est pas sans difficultés et risques, car l'ennemi est toujours à l'affût. Il y a des formes d'incompréhension de la fraternité qui sont de mauvaises façons de penser le communautarisme, des formes de pseudo-fraternité qui sélectionnent et distinguent l'humanité en différentes classes, qui rejettent, qui excluent au nom d'une fraternité nationale, ethnique, religieuse, souligne encore l'évêque auxiliaire de Milan. Selon lui, si la fraternité exclut, cela signifie qu'il y a déjà le germe de la maladie. «Il est donc nécessaire de s'éduquer pour reconnaître le bien de l'autre comme une richesse inépuisable», en surmontant les préjugés et les peurs.
Les chefs religieux et l'attente de l'encyclique
Les religions sont parfois manipulées. «Cette encyclique peut-elle sceller la vocation à construire une coexistence pacifique, vocation propre à chaque religion ? Je crois que le Pape suit une voie, il y a un processus continu de dialogue et de construction de ponts, comme il aime à le dire», explique le père Territo, en se référant au Document d'Abou Dhabi qui affirme qu'«il n'y a pas d'alternative dans le monde dans lequel nous vivons».
«Je crois que "Fratelli tutti" va continuer dans ce processus qui est fait, oui, d'un magistère d'écrits, mais il est aussi fait d'un magistère de gestes de fraternité. Je crois que les chefs religieux attendent cette encyclique avec curiosité, intérêt et espoir, sachant que le Pape propose un chemin commun» précise le jésuite. «Nous sommes un peu les enfants d'une époque où la relation entre la société civile et la religion a été problématique», conclu Mgr Martinelli. «Ce n'est pas que pour bien s'entendre, comme si nous devions tous mettre notre expérience religieuse entre parenthèses. Ce n'est pas possible, car c'est précisément dans la reconnaissance de l'expérience religieuse et l'estime mutuelle que nous pouvons nous enrichir».
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