Le Pape : fraternité et espérance, les remèdes à un monde en crise
Olivier Bonnel-Cité du Vatican
Depuis la salle des Bénédictions de la basilique Saint-Pierre où pour des raisons sanitaires, la distanciation physique est plus facile à respecter, le Pape François a livré l'un de ses premiers grands discours de l'année, celui au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège. Un traditionnel rendez-vous, prévu le 25 janvier dernier mais qui avait dû être repoussé en raison de la sciatique douloureuse du Saint-Père.
Malgré «l'importante distanciation personnelle à laquelle la pandémie nous oblige» a relevé le Pape en ouverture de son discours, cette rencontre «est un signe de proximité, de cette proximité et de ce soutien réciproque auxquels doit aspirer la famille des nations». Le Souverain pontife a rappelé son désir de rependre prochainement ses voyages, à commencer par l'Irak en mars prochain, voyages qui sont un aspect important «de la sollicitude du Successeur de Pierre pour le Peuple de Dieu répandu dans le monde entier, comme aussi du dialogue du Saint-Siège avec les États».
François a ensuite développé sa réflexion en partant de l'impact de la pandémie sur notre monde et les différentes crises qu'elle a provoquées, en mettant en relief «les opportunités qui en dérivent pour édifier un monde plus humain, juste, solidaire et pacifique».
Crise sanitaire
La première des crises est la pandémie elle-même, qui a rebattu de nombreuses cartes. «L’année qui vient de s’achever a laissé derrière elle un fardeau de peur, de découragement et de désespoir, ainsi que beaucoup de deuil, a souligné le Pape, elle a mis les personnes dans une spirale de distance et de suspicion réciproque et a poussé les États à ériger des barrières». Cette pandémie rappelle «le droit au soin dont chaque être humain est destinataire» et rappelle la dignité de toute personne humaine, une dignité d'où dérivent les autres droits humains. François a ainsi renouvelé son appel «afin qu’à toute personne humaine soient offerts les soins et l’assistance dont elle a besoin», insistant, alors que la course aux vaccins se poursuit inégalement dans le monde, sur «la disponibilité des thérapies et des médicaments». Le Pape a donc encouragé les États «à contribuer activement aux initiatives internationales visant à assurer une distribution équitable des vaccins, non pas selon des critères purement économiques mais en tenant compte des nécessités de tous, spécialement de celles des populations les plus nécessiteuses».
François a aussi plaidé pour des «comportements personnels responsables» face à la propagation du virus. «La pandémie nous a montré que personne n’est une île» a t-il précisé, citant le poète anglais du XVIe siècle John Donne.
Crise environnementale
«Ce n’est pas seulement l’être humain qui est malade, notre Terre l’est aussi» a poursuivi François qui a souhaité que la prochaine COP qui sera organisée à Glasgow en novembre prochain puisse être le cadre pour «trouver une entente efficace pour affronter les conséquences du changement climatique». Le Pape a évoqué les conséquences concrètes de ce réchauffement dans de nombreux pays, pauvres en particulier comme les petites îles du Pacifique, ou la zone sahélienne en Afrique, où la crise environnementale se double d'une crise humanitaire de grande ampleur. François a particulièrement fait part de son inquiétude envres le Soudan du Sud, où «plus d’un million d’enfants souffrent de carences alimentaires».
Crise économique et sociale
Le Saint-Père a longuement développé ensuite les conséquences économiques et sociales de la pandémie, qui se font ressentir sur tous les continents. «La crise économique (...) a mis en évidence une autre maladie qui affecte notre temps : celle d’une économie basée sur l’exploitation et sur le rejet aussi bien des personnes que des ressources naturelles» a t-il rappelé, invitant à une «nouvelle "révolution copernicienne” qui remette l’économie au service de l’homme et non l’inverse».
Le Pape a aussi évoqué les sanctions économiques qui touchent certains pays déjà fragilisés par des crises humanitaires : «le Saint-Siège n’en voit pas l’efficacité et souhaite leur assouplissement pour favoriser aussi le flux d’aides humanitaires, tout d’abord de médicaments et de matériel sanitaire, extrêmement nécessaires en ce temps de pandémie» a t-il plaidé. François a également rappelé, comme le fait le Saint-Siège depuis de nombreuses années, l'importance d'annuler les dettes des pays les plus pauvres, ou du moins de les réduire.
La crise migratoire a également été accentuée par la pandémie a poursuivi l'évêque de Rome, relevant l'importance des couloirs humanitaires qui peuvent sauver de nombreuses vies. Le Pape a aussi rappelé les espoirs du Saint-Siège concernant le Nouveau Pacte de l’Union européenne sur la migration et l’asile, et rappelé l'appui de la diplomatie vaticane à «l’engagement de l’Organisation Internationale pour les Migrations».
Crise de la politique
Le Souverain pontife a ensuite mis l'accent sur la crise politique, «qui d’une certaine manière demeure à la racine des autres», mettant en avant la difficulté voire l'incapacité «à rechercher des solutions communes et partagées aux problèmes qui affligent notre planète». «Maintenir vivantes les réalités démocratiques est un défi de ce moment historique» a t-il martelé, se tournant en particulier vers la Birmanie, théatre il y a quelques jours d'un coup d'État, appelant à la libération des prisonniers politiques.
«Le processus démocratique demande qu’on poursuive le chemin du dialogue inclusif, pacifique, constructif et respectueux entre toutes les composantes de la société civile dans chaque ville et chaque nation» a t-il poursuivi, soulignant que «le développement d’une conscience démocratique exige qu’on dépasse les tendances trop personnelles et que prévale le respect de l’État de droit».
«L’un des signes de la crise de la politique est la réticence qui survient souvent pour entreprendre des voies de réforme. Il ne faut pas avoir peur des réformes, même si elles demandent des sacrifices et souvent un changement de mentalité» a encore expliqué François. Le Pape a ensuite abordé des théatres de conflit pour y formuler des voeux de paix et de réconsiliation, à commencer par la Syrie, où la guerre a commencé il y a dix ans. François a évoqué la réconciliation israélo-palestinienne, le Liban ou encore la Libye, mais aussi la Centrafrique, la péninsule coréenne ou encore le Sud-Caucase où certains conflits «ont été rallumés au cours de l’année passée».
François a tenu aussi à rappeler la réalité du terrorisme, déplorant que «le nombre d’attentats s’est toujours intensifié ces vingt dernières années touchant divers pays sur tous les continents». «Les objectifs de ces attaques sont souvent, précisément, les lieux de culte où les fidèles sont rassemblés en prière, a t-il rappelé. «À cet égard, je voudrais souligner que la protection des lieux de culte est une conséquence directe de la défense de la liberté de pensée, de conscience et de religion».
Crise des relations humaines
Le Saint-Père a enfin tenu à s'arrêter sur une crise «qui, parmi toutes, est peut-être la plus grave : la crise des relations humaines, expression d’une crise anthropologique générale qui concerne la conscience même de la personne humaine et sa dignité transcendante». La pandémie a en effet rappelé «la nécessité pour toute personne d’avoir des relations humaines», et le Pape a ainsi souhaité rappeler combien nombre de personnes en avaient été affectées, à commencer par les étudiants. François a également pointé les dangers de l'accoutumance aux communications virtuelles pour les plus jeunes. «Nous assistons à une sorte de “catastrophe éducative” face à laquelle on ne peut rester inerte» a t-il encore constaté avec inquiétude.
Pour beaucoup, cette crise a été un moment important «pour redécouvrir les relations les plus chères», à commencer par celles de la famille. «Les exigences pour contenir la diffusion du virus ont aussi eu des conséquences sur diverses libertés fondamentales, y compris la liberté de religion, en limitant le culte et les activités éducatives et caritatives des communautés de foi» a encore précisé le Saint-Père.
«2021 est un temps qu’il ne faut pas perdre, a t-il dit en conclusion de ce discours aux ambassadeurs, et il ne sera pas perdu dans la mesure où nous saurons collaborer avec générosité et engagement. En ce sens, je pense que la fraternité est le véritable remède à la pandémie et aux nombreux maux qui nous ont frappés. Fraternité et espérance sont des remèdes dont le monde a besoin aujourd’hui, autant que des vaccins».
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