Pape François: Saint Alphonse de Liguori, un maître de miséricorde
Debora Donnini - Cité du Vatican
«Il faut toujours trouver le chemin qui n'éloigne pas, mais rapproche les cœurs de Dieu», comme l'a fait saint Alphonse de Liguori, maître et patron des confesseurs et des théologiens moralistes, «en offrant des réponses constructives aux défis de la société de son temps, à travers l'évangélisation populaire, un style de théologie morale capable de tenir ensemble les exigences de l'Évangile et les fragilités humaines». C'est donc à l'exemple de saint Alphonse, rénovateur de la théologie morale, que le Pape François exhorte à soutenir ceux qui se sentent abandonnés spirituellement sur le chemin de la rédemption. Un chemin où la radicalité évangélique ne doit pas être opposée à la faiblesse de l'homme. Le Pape offre une carte d'orientation dans le message fort publié d'aujourd'hui à l'occasion du 150e anniversaire de la proclamation de Saint Alphonse comme docteur de l'Eglise, adressé au père Michael Brehl, supérieur général des rédemptoristes et modérateur général de l'Académie Alphonsienne.
«À l'exemple d'Alphonse, j'invite les théologiens moralistes, les missionnaires et les confesseurs à entrer dans une relation vivante avec les membres du peuple de Dieu, et à appréhender de leur point de vue, pour comprendre les difficultés réelles qu'ils rencontrent et aider à guérir les blessures» exhorte le Pape, en montrant comment la proposition morale et spirituelle du saint a su frayer «un chemin sûr» entre rigorisme et laxisme et constitue, ce faisant, un modèle pour toute l’Église en matière de rayonnement missionnaire.
Face aux défis actuels, former les consciences pour le bien
Le regard du Pape se tourne vers les défis actuels de notre temps: de la pandémie à la question du travail dans le monde post-Covid, en passant par la défense de la vie, ou encore l'intelligence artificielle et la question de la sauvegarde de la création, les menaces contre la démocratie et l'urgence de la fraternité. «Malheur à nous si, dans cet engagement pour l’évangélisation, nous séparons “le cri des pauvres” du “cri de la terre”», écrit-il.
La théologie morale doit faire sien «le cri de Dieu qui nous demande à tous: “où est ton frère?". Où est ton frère asservi? Où est celui que vous tuez chaque jour dans la petite usine clandestine, dans les réseaux de prostitution, dans les enfants que vous utilisez pour mendier, dans celui qui doit travailler en secret parce qu'il n'a pas été régularisé?». Face à ces questions brûlantes, «le risque d'absolutiser les droits des forts, en oubliant les plus démunis, devient concret». «Un objectif indispensable pour tout chrétien» est donc «la formation des consciences pour le bien»: «donner de l'espace aux consciences - lieu où résonne la voix de Dieu - pour qu'elles puissent réaliser leur discernement personnel dans le concret de la vie est une tâche formative à laquelle nous devons rester fidèles».
De l'écoute à l'évangélisation
Le Pape retrace donc les traces de la vie de saint Alphonse, né à Naples en 1696. Sa proposition théologique, rappelle-t-il, naît de l'écoute et de l'accueil de la fragilité des hommes «les plus abandonnés spirituellement». «Formé à une mentalité morale rigoriste, il s'est converti (...) à travers l'écoute de la réalité», note François, s'attardant précisément sur cette «conversion progressive à une pastorale résolument missionnaire», capable de savoir accompagner les gens en partageant leur vie, qui «a conduit Alphonse à réviser, non sans difficulté, même l'approche théologique et juridique reçue dans les années de sa formation: d'abord marquée par un certain rigorisme, elle s'est ensuite transformée en une approche miséricordieuse, un dynamisme évangélisateur capable d'agir par attraction.»Le Pape note donc comment précisément «l'expérience missionnaire dans les périphéries existentielles de son temps, la recherche des personnes éloignées et l'écoute des confessions, la fondation et la direction de la congrégation naissante du Très Saint Rédempteur, ou encore les responsabilités d'évêque d'une Église particulière» l'ont amené à «devenir père et maître de miséricorde, certain que le paradis de Dieu est le cœur de l'homme».
Ni laxiste ni rigoriste
Durant les disputes théologiques, il ne s'arrêtait pas «à la formulation théorique de principes» mais se laissait interpeller par la vie elle-même et, «avocat des derniers, des fragiles et des rejetés de la société de son temps», il défendait le «droit» de tous, en particulier des plus pauvres. «Ce chemin, a souligné François, l'a conduit au choix décisif de se mettre au service des consciences qui cherchent, même parmi mille difficultés, le bien à faire. Saint Alphonse, donc, n'est ni laxiste ni rigoureux. C'est un réaliste dans le vrai sens chrétien du terme», a poursuivi François. L'annonce de l'Évangile dans une société en mutation rapide exige donc, pour le Pape François, «le courage d'écouter la réalité», d'éduquer les consciences à penser différemment.
«L'enseignement moral chrétien doit toujours être une réponse au Dieu qui nous aime et nous sauve», poursuit le Pape, et donc «la théologie morale ne peut pas réfléchir seulement à la formulation de principes, de normes, mais il est nécessaire qu'elle assume la réalité qui dépasse toute idée». «C'est une priorité»: la seule connaissance des principes théoriques «ne suffit pas pour accompagner et soutenir les consciences dans le discernement du bien à faire» mais il faut que «la connaissance devienne pratique à travers l'écoute et l'accueil» de ceux qui sont considérés comme des rejetés de la société.
Une Église adulte capable de répondre aux fragilités sociales
Il s'agit donc d'aller à la rencontre de «ceux qui manquent d'aide spirituelle», ce qui «permet de dépasser l'éthique individualiste et de promouvoir une maturité morale capable de choisir le vrai bien». «En formant des consciences responsables et miséricordieuses, a-t-il souligné, nous aurons une Église adulte capable de répondre de manière constructive aux fragilités sociales». En outre, aller à la rencontre des plus fragiles «permet de lutter contre la logique de la compétitivité et de la loi du plus fort» qui «considère l'être humain en lui-même comme un bien de consommation» donnant ainsi naissance à la culture du déchet.
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