Pape François: «La charité, l’amour et la fraternité sont la voie à parcourir»
Vatican News
La charité, l'amour et la fraternité sont la voie à suivre. C'est ce qu'a déclaré le Pape lors de sa conversation avec des journalistes sur le vol de Bagdad à Rome, après son voyage historique de quatre jours en Irak. François a notamment raconté ses impressions sur sa rencontre avec Al-Sistani, son émotion devant les églises détruites à Mossoul, et il a dit qu'il avait promis au Patriarche maronite Béchara Rai de faire un voyage au Liban.
Au début de cette réunion en haute altitude, le Souverain Pontife a salué Mgr Dieudonné Datonou, le nouveau coordinateur des voyages du Pape, qu'il a décrit avec humour comme «le nouveau shérif». Il s'est ensuite adressé aux journalistes, profitant de ce salut introductif pour s'adresser particulièrement aux femmes: «Tout d'abord, merci pour votre travail, pour votre compagnie et pour votre fatigue. Aujourd'hui, c'est la journée de la femme, félicitations aux femmes! (...) La femme du Président m'a parlé des femmes, elle a dit de belles choses aujourd'hui, de la force que les femmes ont pour faire avancer la vie, de l'histoire, de la famille, de beaucoup de choses », a expliqué le Pape, qui a aussi personnellement souhaité bon anniversaire à la journaliste de la radio espagnole Cope.
Voici donc une traduction, non officielle, de son dialogue avec les journalistes:
Votre Sainteté, il y a deux ans, à Abou Dhabi, il y a eu une rencontre avec l'Imam al-Tayyeb d'Al Azhar et la signature de la Déclaration sur la fraternité. Il y a trois jours, vous avez rencontré al-Sistani : est-il possible de penser à quelque chose de similaire avec le côté chiite de l'islam? Et puis une deuxième question sur le Liban: saint Jean Paul II a dit que plus qu'un pays, c'est un message. Aujourd'hui, malheureusement, en tant que Libanaise, je vous dis que ce message est en train de disparaître. Une visite de votre part au Liban est-elle imminente?
Le Document d'Abou Dhabi du 4 février 2019 a été préparé avec le Grand-Imam en secret, pendant six mois, en priant, en réfléchissant et en corrigeant le texte. C'était - c'est un peu présomptueux de le dire - une première étape de ce que vous demandez. On peut dire que ce serait la deuxième étape et qu'il y en aura d'autres. La voie de la fraternité est importante. Le Document d'Abou Dhabi a laissé en moi l'inquiétude de la fraternité, puis Fratelli tutti est sorti. Les deux documents doivent être étudiés car ils vont dans la même direction, sur le chemin de la fraternité. L'ayatollah Al-Sistani a une phrase que j'essaie de bien retenir: «les hommes sont soit frères par la religion, soit égaux par la création». Dans la fraternité, il y a égalité, mais on ne peut pas aller en dessous de l'égalité.
Je crois que c'est aussi un chemin culturel. Pensons à nous, les chrétiens, à la guerre de Trente Ans, à la nuit de la Saint-Barthélemy, pour donner un exemple. Comment la mentalité change parmi nous? Parce que notre foi nous fait découvrir que la révélation de Jésus est amour et charité, et qu'elle nous conduit à cela: mais combien de siècles pour la mise en œuvre! C'est important, la fraternité humaine: en tant qu'hommes, nous sommes tous frères, et nous devons aller de l'avant avec les autres religions.
Le Concile Vatican II a fait un grand pas dans cette direction, ainsi que les institutions qui ont suivi, le Conseil pour l'unité des chrétiens et le Conseil pour le dialogue interreligieux. Le cardinal Ayuso nous accompagne aujourd'hui. Tu es humain, tu es un enfant de Dieu et tu es mon frère, point final! C'est la meilleure indication, et il faut souvent prendre le risque de franchir ce pas.
Vous savez qu'il y a des critiques: que le Pape n'est pas courageux, qu'il est un inconscient qui prend des mesures contre la doctrine catholique, qu'il est à un pas de l'hérésie, qu'il y a des risques. Mais ces décisions sont toujours prises dans la prière, dans le dialogue, en demandant des conseils, en réfléchissant. Ce n'est pas un caprice, et c'est aussi la ligne que le Concile a enseignée.
J'en arrive à la deuxième question: le Liban est un message, le Liban souffre, le Liban est plus qu'un équilibre, il a la faiblesse des diversités, certaines encore non réconciliées, mais il a la force des grands réconciliés, comme la force des cèdres. Le Patriarche Rai m'a demandé de faire un arrêt à Beyrouth pendant ce voyage, mais cela m'a semblé un peu une "miette" face à un problème, face à un pays qui souffre comme le Liban. Je lui ai écrit une lettre, je lui ai promis de faire un voyage. Mais le Liban est en ce moment en crise, mais en crise... je ne veux pas offenser... en crise de vie. Le Liban est tellement généreux dans l'accueil des réfugiés.
Dans quelle mesure la rencontre avec Al-Sistani était-elle aussi un message pour les leaders religieux d'Iran?
Je crois que c'était un message universel et j'ai ressenti le devoir de faire ce pèlerinage de foi et de pénitence, et d'aller voir un grand, un sage, un homme de Dieu: ce n'est qu'en l'écoutant qu'on peut le percevoir. En parlant de messages, je dirais que c'est un message pour tout le monde, et c'est une personne qui a cette sagesse et aussi cette prudence.
Il m'a dit: «Depuis 10 ans, je ne reçois pas de gens qui viennent me voir pour d'autres raisons politiques ou culturelles... seulement religieuses». Et il a été très respectueux dans la rencontre. Je me suis senti honoré. Même au moment de la salutation, alors qu'il ne se lève jamais, il s'est levé pour me saluer, deux fois, un homme humble et sage, cette rencontre a fait du bien à mon âme. Il est une lumière, et ces sages sont partout parce que la sagesse de Dieu a été répandue dans le monde entier.
La même chose se passe avec les saints qui ne sont pas seulement ceux qui sont sur les autels. Cela arrive tous les jours, ce que j'appelle les saints d'à côté, des hommes et des femmes qui vivent leur foi, quelle qu'elle soit, avec cohérence. Ceux qui vivent les valeurs humaines avec cohérence, la fraternité avec cohérence. Je pense que nous devrions découvrir ces gens, les mettre en évidence, parce qu'il y a tant d'exemples... Quand il y a des scandales, même dans l'Église, tellement nombreux, cela n'aide pas, mais voyons les gens qui cherchent le chemin de la fraternité, les saints d'à côté, et nous trouverons sûrement des gens de notre famille, un grand-père, une grand-mère…
Votre voyage a eu un énorme retentissement dans le monde entier, pensez-vous qu'il pourrait être "le voyage" du pontificat? Il a également été dit que c'était le plus risqué. Avez-vous eu peur à un moment quelconque de votre voyage? La huitième année de votre pontificat est en train de s’achever, pensez-vous encore qu'il sera court? Enfin, la grande question : reviendrez-vous une fois en Argentine?
Je commence par la dernière, une question que je comprends et qui est liée au livre de mon ami journaliste Nelson Castro, un médecin. Il avait fait un livre sur les maladies des présidents et je lui ai dit un jour: mais si vous venez à Rome, vous devez en faire un sur les maladies des Papes, parce qu'il serait intéressant de connaître leurs maladies, du moins certaines des plus récentes. Il m'a interviewé, et le livre est sorti: on m’a dit qu'il est bien, je ne l'ai pas lu.
Il m'a posé une question : «Si vous démissionnez, retournerez-vous en Argentine ou resterez-vous ici?» J'ai dit : je ne retournerai pas en Argentine, mais je resterai ici dans mon diocèse. Mais dans cette hypothèse, la réponse doit être combinée avec la question: Quand est-ce que j’irai en Argentine ou pourquoi je n'y vais pas... Je réponds toujours un peu ironiquement: j’ai passé 76 ans en Argentine, c’est suffisant. non? Il y a une chose qui, je ne sais pas pourquoi, n'est pas dite: un voyage en Argentine était prévu en novembre 2017. Cela commençait à fonctionner, nous devions faire le Chili, l'Argentine et l'Uruguay. C'était pour la fin novembre... Mais ensuite, à ce moment-là, le Chili était en campagne électorale, à cette époque, en décembre, le successeur de Michelle Bachelet a été élu, et j'ai dû partir avant qu'elle ne change de gouvernement. Je ne pouvais pas y aller.
Nous avions pensé faire cela: allons au Chili en janvier, puis en Argentine et en Uruguay... Mais ce n'était pas possible, car janvier est comme juillet-août pour les deux pays. En y repensant, la suggestion a été faite: pourquoi ne pas associer le Pérou ? Parce que le Pérou avait été détaché du voyage en Équateur, en Bolivie, au Paraguay. Il avait été laissé de côté. Et de là est né le voyage de janvier 2018 au Chili et au Pérou. Mais je veux le dire pour qu'il n'y ait pas de fantasmes de "patrie-phobie": si l'occasion se présente, cela pourrait se faire, car il y a l'Argentine, l'Uruguay et le sud du Brésil.
Ensuite, concernant les voyages: pour prendre une décision de voyage, j'écoute, j'écoute les conseillers et parfois je demande à quelqu'un: qu'en pensez-vous, devrais-je aller à cet endroit? C'est bon pour moi d'écouter, cela m'aide à prendre des décisions. J'écoute les conseillers, et à la fin je prie, je réfléchis beaucoup, sur certains voyages je réfléchis beaucoup. Puis la décision vient de l'intérieur, des tripes, presque spontanément, mais comme un fruit mûr. C'est un long voyage. Certains sont plus difficiles, d'autres plus faciles.
La décision de ce voyage vient d'avant, de l'ambassadrice, une médecin pédiatre qui était la représentante de l'Irak : une femme courageuse, qui a insisté. Puis est venue l'ambassadrice en Italie, c'est une femme de combat. Puis le nouvel ambassadeur au Vatican est arrivé. Avant cela, le président était venu. Toutes ces choses sont restées en moi.
Mais il y a quelque chose derrière cette décision que je voudrais aussi mentionner : l'un d'entre vous m'a donné la dernière édition espagnole du livre Pour que je sois la dernière, de Nadia Mourad. Je l'ai lu en italien, c'est l'histoire des Yazidis. Et Nadia Mourad raconte des choses terrifiantes. Je vous recommande de le lire, il peut sembler pesant sur certains points, mais c'est pour moi la raison fondamentale de ma décision. Ce livre a fonctionné à l'intérieur, aussi quand j'ai écouté Nadia qui est venue me dire des choses terribles... Toutes ces choses ensemble ont mené à cette décision, en pensant à tous les problèmes, tant de problèmes. Mais finalement, la décision est venue et je l'ai prise.
Ensuite concernant, la huitième année du pontificat… Dois-je faire de cette façon? (le Pape croise les doigts, ndlr). Je ne sais pas si les voyages se réaliseront ou non, mais j'avoue que pendant ce voyage, j'ai été beaucoup plus fatigué que pendant les autres. Les 84 ans ne sont pas la seule raison, c'est une conséquence... mais nous verrons. Je dois maintenant me rendre en Hongrie pour la messe de clôture du Congrès eucharistique international, pas pour une visite dans le pays, mais seulement pour la messe. Mais Budapest est à deux heures de route de Bratislava, pourquoi ne pas faire une visite en Slovaquie? C'est comme ça que les choses se passent...
Ce voyage était extraordinairement significatif pour les personnes qui ont pu vous voir, mais c'était aussi un risque pour le virus de se propager, en particulier avec les personnes qui étaient rassemblées. Vous craignez qu'elles tombent malades et meurent en voulant vous voir?
Comme je l'ai dit plus tôt, les voyages se "cuisinent" avec le temps dans ma conscience, et c'est l'une des choses qui m'a donné de la force. J'y ai beaucoup réfléchi, j'ai beaucoup prié et j'ai finalement pris la décision qui venait vraiment de l'intérieur. Et j'ai dit que ce qui me pousse à décider comme ça, c'est de prendre soin des gens. Mais après la prière, et en connaissant les risques. Après tout ça.
Nous avons vu le courage, le dynamisme des chrétiens irakiens, nous avons aussi vu les défis auxquels ils sont confrontés, la menace de la violence islamiste, l'exode et le témoignage de la foi dans leur environnement. Tels sont les défis que doivent relever les chrétiens de toute la région. Nous avons parlé du Liban, mais aussi de la Syrie, de la Terre Sainte. Il y a dix ans, il y avait un Synode pour le Moyen-Orient, mais son développement a été interrompu par l'attaque de la cathédrale de Bagdad. Vous envisagez de faire quelque chose pour l'ensemble du Moyen-Orient, un synode régional, ou toute autre initiative ?
Je ne pense pas à un synode, je suis ouvert à de nombreuses initiatives mais un synode ne m'est pas venu à l’esprit. Vous avez semé la première graine, nous allons voir. La vie des chrétiens est troublée, mais pas seulement celle des chrétiens, nous avons parlé des Yazidis... Et cela, je ne sais pas pourquoi, m'a donné une très grande force.
Il y a le problème de la migration. Hier, alors que nous revenions de Qaraqosh à Erbil, j'ai vu beaucoup de gens, des jeunes. Et la quelqu'un m'a demandé: mais quel est l'avenir de ces jeunes? Où vont-ils aller? Beaucoup devront quitter le pays. Avant de partir pour le voyage l'autre jour, vendredi, 12 réfugiés irakiens sont venus me dire au revoir: l'un d'eux avait une prothèse de jambe parce qu'il s'était enfui sous les camions et avait eu un accident.
La migration est un double droit: le droit de ne pas migrer et le droit de migrer. Ces personnes n'ont ni l'un ni l'autre, car elles ne peuvent pas ne pas migrer, elles ne savent pas comment. Et elles ne peuvent pas migrer parce que le monde n'a pas encore pris conscience que la migration est un droit de l'homme. L'autre fois, un sociologue italien m'a dit, en parlant de l'hiver démographique en Italie: dans 40 ans, nous devrons "importer" des étrangers pour travailler et payer des impôts pour nos retraites. Vous, les Français, vous avez été plus malins, vous avez fait un bond de dix ans en avant avec la loi de soutien aux familles, votre niveau de croissance est très élevé.
Mais la migration est vécue comme une invasion. Hier, j'ai voulu recevoir après la messe le père d'Alan Kurdi, cet enfant, qui est un symbole: c'est pour cela que j'ai donné une sculpture à la FAO (en 2017 le Pape François a fait don à la FAO d’une sculpture en marbre blanc représentant l’enfant inanimé sur la place, surmonté d’un ange en larmes, ndlr). C'est un symbole qui va au-delà d'un enfant mort au cours d’une migration, un symbole de civilisations qui meurent et qui ne peuvent pas survivre.
Des mesures urgentes sont nécessaires pour que les gens puissent travailler dans leur propre pays et ne soient pas obligés d'émigrer, ainsi que des mesures visant à protéger le droit d'émigrer. Il est vrai que chaque pays doit bien étudier sa capacité d’accueil car il ne s'agit pas seulement de la capacité de recevoir pour les laisser sur la plage. Il s'agit de les accueillir, de les accompagner, de les faire progresser et de les intégrer. L'intégration des migrants est la clé.
Deux anecdotes : à Zaventem, en Belgique, les terroristes étaient Belges, nés en Belgique, mais immigrés musulmans ghettoïsés, non intégrés. L'autre exemple, lorsque je suis allé en Suède, la ministre que j’ai saluée en prenant congé était très jeune et avait une physionomie particulière, pas typique des Suédois. C’était la fille d'un migrant et d'un Suédois, tellement intégrée qu'elle est devenue ministre. Pensons à ces deux choses. Elles nous feront beaucoup réfléchir sur l'intégration, sur la migration qui est à mon avis le drame de la région. Je voudrais remercier les pays généreux qui accueillent les migrants: le Liban qui compte, je crois, deux millions de Syriens; la Jordanie que nous ne survolerons malheureusement pas, alors que le Roi voulait nous rendre un hommage aérien lors de notre survol ; la Jordanie est très généreuse : plus d'un million et demi de migrants. Merci à ces pays généreux! Merci beaucoup!
En trois jours, dans ce pays clé du Moyen-Orient, vous avez fait ce dont les puissants de la terre discutent depuis 30 ans. Vous avez déjà expliqué la genèse intéressante de vos voyages, comment se font les choix de vos voyages, mais maintenant, dans ce contexte, en regardant le Moyen-Orient, pouvez-vous prendre en compte un voyage en Syrie ? Quels pourraient être les objectifs d'ici un an des autres lieux où votre présence est demandée ?
Au Moyen-Orient, le Liban n'est qu'une hypothèse, et aussi une promesse. Je n'ai pas pensé à un voyage en Syrie, car l'inspiration ne m'est pas venue. Mais je suis très proche de ce pays tourmenté, de la bien aimée Syrie, comme je l'appelle. Je me souviens au début de mon pontificat, d’un après-midi de prière sur la place Saint-Pierre [7 septembre 2013, ndr]. Il y avait le chapelet et l'adoration du Saint-Sacrement. Mais combien de musulmans avec des tapis au sol priaient avec nous pour la paix en Syrie, pour arrêter les bombardements, à un moment où l'on disait qu'il y aurait eu un bombardement féroce. Je porte la Syrie dans mon cœur. Mais penser à un voyage ne m'est pas venu à l'esprit.
Ces derniers mois, votre activité a été très limitée. Hier, vous avez eu le premier contact direct très étroit avec les habitants de Qaraqosh: qu'avez-vous ressenti? Selon vous, maintenant avec toutes les précautions sanitaires actuelles, pouvez-vous reprendre les audiences générales en présence de fidèles comme avant?
Je me sens différent lorsque je suis loin des personnes présentes aux audiences. J'aimerais recommencer les audiences générales dès que possible. Espérons que les conditions soient bonnes. Dans ce domaine, je suis les normes des autorités. Ce sont elles qui ont cette responsabilité et elles ont la grâce de Dieu pour nous aider en cela, elles ont la responsabilité de dicter les normes. Qu’elles nous plaisent ou non, elles sont responsables et elles doivent le faire.
Maintenant, j'ai repris l'Angélus sur la place [Saint-Pierre, ndlr], on peut le faire en respectant les distances. Il existe une proposition de petites audiences générales, mais je ne prends pas de décision tant que l'évolution de la situation n'est pas claire. Après ces mois d'emprisonnement, je me suis réellement senti un peu prisonnier, ce voyage a été pour moi l'occasion de revivre. Revivre, c'est toucher l'Église, toucher le saint peuple de Dieu, toucher tous les peuples. Un prêtre devient prêtre pour servir, au service du peuple de Dieu, non par carriérisme, non pour l'argent.
Ce matin, à la messe, la lecture biblique portait sur la guérison de Naaman le Syrien et il était dit que ce Naaman voulait faire des cadeaux après avoir obtenu la guérison (de la lèpre, ndlr). Mais le prophète Élisée les a refusés. La Bible continue: l'assistant du prophète Élisée, après leur départ, a pris soin d’installer le prophète et s'est empressé de suivre Naaman et de lui demander des cadeaux. Et Dieu dit: «La lèpre que Naaman avait, te sera donnée.» Je crains que nous, hommes et femmes d'Église, et surtout nous, prêtres, n'ayons pas cette proximité gratuite avec le peuple de Dieu qui est celui qui nous sauve; et que nous fassions comme le serviteur de Naaman: oui, aider, mais ensuite retourner chercher les cadeaux. De cette lèpre, j'en ai peur. Et le seul qui nous sauve de la lèpre de la cupidité, de l'orgueil, c'est le saint peuple de Dieu. Dieu disait à David: «Je t'ai sorti du troupeau, n'oublie pas le troupeau.» Paul disait à Timothée: «Souviens-toi de ta mère et de ta grand-mère qui t'ont nourri dans la foi», c'est-à-dire ne perd pas ton appartenance au peuple de Dieu pour devenir une caste privilégiée de consacrés, de clercs, peu importe. Le contact avec les gens nous sauve, nous aide, nous donne l'Eucharistie, la prédication, notre fonction. Mais ils nous donnent une appartenance.
N'oublions pas cette appartenance au peuple de Dieu. Qu'ai-je rencontré en Irak, à Qaraqosh? Je n’imaginais pas les ruines de Mossoul, vraiment je n’imaginais pas.... Oui, j'ai pu voir des choses, j'ai lu le livre, mais ça m’a frappé, c’est frappant. Ce qui m'a le plus touché, c'est le témoignage d'une mère à Qaraqosh. On a écouté les témoignages d’un prêtre qui connaît vraiment la pauvreté, le service, la pénitence, et d’une femme qui a perdu son fils dans les premiers attentats de Daesh. Elle a dit un seul mot: pardon. J'ai été ému. Une mère qui dit : je pardonne, je demande pardon pour eux. Cela m'a rappelé mon voyage en Colombie, cette rencontre à Villavicencio où tant de personnes, surtout des femmes, des mères et des épouses, ont parlé de leur expérience de l’assassinat de leurs enfants et de leurs maris. Elles disaient: «Je pardonne, je pardonne». Ce mot nous l’avons perdu. Nous savons insulter sans limites, nous savons condamner sans limites, et moi le premier. Mais pardonner... pardonner à nos ennemis, c'est l’Évangile pur. C'est ce qui m'a le plus frappé à Qaraqosh.
Je souhaiterais savoir ce que vous ressentiez dans l'hélicoptère en regardant la ville détruite de Mossoul et ensuite lorsque vous avez prié dans les ruines d'une église. Si vous me le permettez, puisque c'est la journée de la femme, je voudrais poser une petite question sur les femmes aussi. Vous avez soutenu les femmes de Qaraqosh avec de très belles paroles, mais que pensez-vous du fait qu'une femme musulmane amoureuse ne puisse pas épouser un chrétien sans être rejetée par sa famille ou pire encore?
De Mossoul, j'ai dit un peu "en passant" ce que j'ai entendu. Je me suis arrêté devant l'église détruite, je n'avais pas de mots. Incroyable, incroyable... Pas seulement cette église, mais aussi d'autres églises, et même une mosquée détruite.
Notre cruauté humaine est incroyable. Là maintenant, je ne veux pas dire le mot, ça recommence: regardons l'Afrique. Et avec notre expérience à Mossoul, ces églises détruites et tout le reste, on crée l'inimitié, la guerre, et même le soi-disant État islamique recommence à agir. C'est une mauvaise chose, très mauvaise. Une question m'est venue à l'esprit dans l'église, et c’est la suivante: mais qui vend les armes à ces destructeurs? Car ils ne fabriquent pas eux-mêmes les armes chez eux. Oui, ils fabriquent quelques explosifs... Mais qui vend les armes? Qui est responsable? Je demanderais au moins à ceux qui vendent les armes d’avoir la sincérité de le dire : nous vendons les armes. Ils ne le disent pas. C'est moche.
Maintenant, les femmes. Les femmes sont plus courageuses que les hommes, mais cela a toujours été le cas. Mais les femmes sont humiliées aujourd'hui encore. Allons jusqu'à cet extrême: l'une d'entre vous m'a montré la liste des tarifs des femmes (liste établie par Daesh qui achetait des femmes chrétiennes et yézidis, ndlr). Je ne pouvais pas le croire : si la femme est comme ça, de tel âge, elle coûte tant... Les femmes sont vendues, les femmes sont réduites à l’esclavage. Même dans le centre de Rome, la lutte contre la traite est un travail de tous les jours. Pendant le Jubilé, je suis allé visiter l'une des nombreuses maisons de l'Œuvre de Don Benzi.
Des jeunes filles victimes de racket, l'une avec l'oreille coupée parce que un jour elle n'avait pas ramené d'argent, l'autre transportée de Bratislava dans le coffre d’une voiture, une esclave, enlevée. Et cela se produit devant nous! La traite des êtres humains. Dans certains pays, en particulier dans une partie de l'Afrique, la mutilation est un rituel qui est pratiqué. Mais les femmes sont toujours esclaves et nous devons nous battre, lutter, pour la dignité des femmes. Ce sont elles qui perpétuent l'histoire, ce n'est pas une exagération, les femmes perpétuent l'histoire. et ce n'est pas un compliment parce qu’aujourd'hui, c'est la journée des femmes.
L'esclavage c’est cela aussi, le rejet de la femme... Penser que quelque part, il y a eu une discussion pour savoir si la répudiation de la femme devait être exprimé par écrit ou seulement oralement… Elles n’ont même pas le droit d'obtenir l'acte de répudiation! Et cela se passe aujourd'hui. Mais pour éviter de nous éloigner, pensons au centre de Rome, aux filles qui sont kidnappées et exploitées. Je crois que j'ai tout dit à ce sujet. Je vous souhaite une bonne fin de voyage et je vous demande de prier pour moi, j’en ai besoin.
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