Le lien entre les chrétiens d’Irak et leur terre est consubstantiel
Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican
«Je suis honoré de rencontrer une Église martyre» déclarait le Pape François dans un message vidéo diffusé à la veille de son voyage en Irak. Sur cette terre, évangélisée par saint Thomas, le Saint-Père étreindra par ses gestes, ses paroles et sa seule présence une population meurtrie. Il rencontrera, dès ce jeudi, les communautés chrétiennes dont l’histoire dans le pays est marquée par les persécutions, la guerre, les attentats et les enlèvements.
L’arrivée des djihadistes de l'État islamique, à partir de 2014, a été «le tournant décisif majeur» dans le déclin des chrétiens irakiens. Mais l’exode de ces communautés a débuté dès 2003 avec la chute de Saddam Hussein et la présence des américains dans le pays, relève Joseph Yacoub, professeur honoraire de l'université catholique de Lyon. Près de 1,4 millions en 2003, les chrétiens irakiens sont aujourd’hui moins de 350 000, précise t-il.
«Le christianisme irakien est autochtone et apostolique» rappelle ce spécialiste des chrétiens d'Orient. Les chrétiens irakiens ont participé à la création de ce pays avec les musulmans et leur lien avec cette terre est «consubstantiel». Une disparition de ces communautés serait «un malheur à la fois pour les chrétiens et pour tous les Irakiens». Beaucoup de musulmans irakiens, qu’ils soient chiites ou sunnites, reconnaissent cet apport de la chrétienté, souligne Joseph Yacoub.
Qu’a signifié, en 2003, l’arrivée des américains sur le sol irakien pour les communautés chrétiennes ?
Cette présence américaine était une occupation, or jamais une occupation n’est acceptée par un peuple. Cette présence militaire s’est accompagnée de nombreuses exactions, de la répression, d’enlèvements, d’attaques contre des églises, d’assassinats d’évêques comme Mgr Faraj Rahho, archevêque chaldéen de Mossoul. Cette répression et cette persécution ont entrainé un mouvement d’exode des chrétiens Irakiens vers le Liban et la Jordanie.
En 2014, avec l’arrivée des djihadistes de l’État islamique, il y eut une véritable hémorragie de chrétiens fuyant le pays. Ce fut le véritable tournant ?
Le tournant majeur, qui a été décisif, est en juillet et en août 2014 et les départs se sont poursuivis jusqu’en 2017. Le pays a alors connu une hémorragie sans précédent de la chrétienté. L’Irak était complètement déstabilisé et les attentats ses sont multipliés. On estime qu’environ 60 % de la population chrétienne, voire plus, ont quitté l’Irak.
Aujourd’hui, dans un pays divisé, les chrétiens irakiens, ouverts vers l’extérieur et qui ont toujours favorisé le dialogue, représentent-ils des communautés assurant la cohésion ?
Les chrétiens d’Irak n’ont jamais désespéré même s’ils sont tombés tout au fond de l’abîme. Ils ont ce message chrétien qu’ils portent en eux et qui est une grande source d’espérance et de capacité de dialogue avec les autres communautés. Depuis 2003, et l’adoption de la constitution irakienne qui est confessionnelle et faussement fédérale, les églises ont toujours tendu la main et proposé la notion de citoyenneté. On appartient au même pays quelque soit notre origine, notre tribu, notre clan ou notre religion et les chrétiens demandent un traitement d’égalité. C’est une constante.
L’Irak est une terre qui a toujours été irriguée par le message chrétien. Que signifierait la disparition de ces communautés autochtones ?
Le christianisme irakien est indigène, autochtone et apostolique, autrement dit, il est né sur cette terre. Il est même présent sur cette terre sept siècle avant l’islam. C’est dire son historicité et son implication dans le pays dès le départ. Aujourd’hui, une disparition de ces communautés serait un malheur à la fois pour les chrétiens et pour tous les Irakiens. Les chrétiens irakiens ont participé à la création de ce pays avec les musulmans. Le lien entre les chrétiens d’Irak et leur pays est un lien consubstantiel et beaucoup de musulmans irakiens, qu’ils soient chiites ou sunnites, reconnaissent cet apport de la chrétienté.
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