Veillée pascale: nous ne devons pas avoir peur des surprises de Dieu
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Pour la deuxième année consécutive, la Veillée pascale a été célébrée en format restreint compte tenu de la pandémie de coronavirus, depuis l’autel de la Chaire de Saint-Pierre. Cinq évêques et 34 cardinaux ont concélébré avec le Pape. Tout comme lors de la messe de la Nuit de Noël le 24 décembre dernier, l’horaire du début de la célébration avait été avancé à 19h30 afin de tenir compte du couvre-feu, toujours fixé à 22h en Italie.
Les traditions liturgiques de cette Nuit de la Résurrection, symbolisant le passage de la nuit à la lumière, ont néanmoins été déployées, avec notamment l’Exsultet, les sept lectures de l’Ancien Testament, les Psaumes et cantiques, et la lettre de saint Paul aux Romains, convergeant vers l’Évangile de la Résurrection, lu à travers le récit de saint Marc.
La foi dans le Christ Ressuscité est une mise en mouvement
Le Pape a délivré une homélie explorant le sens de l’expression «aller en Galilée», afin de démontrer que la foi dans le Christ Ressuscité ne doit pas se vivre de façon statique, mais dans une mise en mouvement. Les femmes évoquées dans l’Évangile (Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques et Salomé) «étaient allé pleurer un mort, au contraire elles ont entendu une annonce de vie». Elles sont «remplies de frayeur et d’étonnement», «une crainte mêlée de joie, qui surprend leur cœur à la vue de la grande pierre du tombeau roulée et à l’intérieur un jeune homme avec un vêtement blanc». Elles reçoivent ainsi l’invitation de Pâques, à «aller en Galilée, ce qui signifie, d’abord, recommencer. Pour les disciples c’est retourner sur le lieu où, pour la première fois, le Seigneur les a cherchés et les a appelés à le suivre. C’est le lieu de la première rencontre et du premier amour.»
Certes, cette histoire n’a pas été réussie, en apparence: «Ils n’ont pas compris complètement, souvent ils ont mal interprété ses paroles et devant la croix ils ont fui, le laissant seul. Malgré cet échec, le Seigneur Ressuscité se présente comme celui qui, encore une fois, les précède en Galilée ; les précède, c’est-à-dire se tient devant eux. Il les appelle et les invite à le suivre, sans jamais se fatiguer.» Avec son «amour infini», le Seigneur «trace des sentiers nouveaux à l’intérieur des routes de nos défaites».
«Il est possible de toujours recommencer, parce qu’il y a une vie nouvelle que Dieu est capable de faire repartir en nous au-delà de tous nos échecs. Même des décombres de notre cœur – et chacun de nous les connait -, Dieu peut construire une œuvre d’art. Même des fragments désastreux de notre humanité Dieu prépare une histoire nouvelle. Il nous précède toujours: sur la croix de la souffrance, de la désolation et de la mort, comme dans la gloire d’une vie qui ressuscite, d’une histoire qui change, d’une espérance qui renaît. Et en ces sombres mois de pandémie, nous entendons le Seigneur ressuscité qui nous invite à recommencer, à ne jamais perdre l’espérance», a insisté François.
Ne pas se complaire dans le regret nostalgique
Et aller en Galilée signifie aussi «parcourir des chemins nouveaux. C’est aller dans la direction opposée au tombeau.» La foi n’est pas la commémoration nostalgique d’un évènement du passé, a expliqué François. «Beaucoup, et même nous aussi, vivent la “foi des souvenirs”, comme si Jésus était un personnage du passé, un ami de jeunesse désormais loin, un fait arrivé il y a longtemps, quand étant enfant je fréquentais le catéchisme. Une foi faite d’habitudes, de choses du passé, de beaux souvenirs de l’enfance, qui ne me touche plus, ne m’interpelle plus», a regretté le Pape, qui a martelé qu’au contraire, «aller en Galilée signifie apprendre que la foi, pour être vivante, doit se remettre en route. Elle doit faire revivre chaque jour le début du chemin, l’étonnement de la première rencontre», en faisant confiance, sans chercher à tout planifier, à tout maîtriser. «Très souvent, nous avons peur des surprises de Dieu, mais aujourd’hui le Seigneur nous invite à nous laisser surprendre!»
«Jésus n’est pas un personnage dépassé. Il est vivant, ici et maintenant. Il marche avec toi chaque jour, dans la situation que tu vis, dans l’épreuve que tu traverses, dans les rêves que tu portes en toi. Il ouvre des chemins nouveaux où il te semble qu’il n’y en a pas, il te pousse à aller à contrecourant par rapport au regret et au “ déjà vu”. Même si tout te semble perdu, ouvres-toi avec étonnement à sa nouveauté : il te surprendra», a insisté le Pape.
«Aller en Galilée signifie, en outre, aller aux frontières», car Jésus a voulu adresser l’annonce «à ceux qui mènent leur vie quotidienne avec peine, aux exclus, aux personnes fragiles, aux pauvres, pour être visage et présence de Dieu qui va chercher sans se lasser celui qui est découragé ou perdu, qui va jusqu’aux limites de l’existence parce qu’à ses yeux personne n’est dernier, personne n’est exclu.»
Aller au contact de la Galilée d'aujourd'hui
Aujourd'hui existe encore une «Galilée réelle. C’est le lieu de la vie quotidienne, ce sont les routes que nous parcourons chaque jour, ce sont les recoins de nos villes où le Seigneur nous précède et se rend présent, justement dans la vie de celui qui passe à côté de nous et partage avec nous le temps, la maison, le travail, les peines et les espérances. En Galilée nous apprenons que nous pouvons trouver le Ressuscité dans le visage des frères, dans l’enthousiasme de celui qui rêve et dans la résignation de celui qui est découragé, dans les sourires de celui qui se réjouit et dans les larmes de celui qui souffre, surtout dans les pauvres et dans celui qui est marginalisé. Nous nous étonnerons de la façon dont la grandeur de Dieu se révèle dans la petitesse, de la façon dont sa beauté resplendit dans les simples et dans les pauvres.»
«Jésus, le Ressuscité, nous aime sans limites et visite chacune de nos situations de vie. Il a planté sa présence au cœur du monde et nous invite aussi à dépasser les barrières, vaincre les préjugés, approcher celui qui est à côté chaque jour, pour retrouver la grâce du quotidien, a insisté François. Au-delà de toutes les défaites, du mal et de la violence, au-delà de toute souffrance et au-delà de la mort, le Ressuscité vit et conduit l’histoire.»
«Sœur, Frère si en cette nuit tu portes dans le cœur une heure sombre, un jour qui n’a pas encore surgi, une lumière ensevelie, un rêve brisé, ouvre ton cœur avec étonnement à l’annonce de la Pâque: “N’aie pas peur, il est ressuscité! Il t’attend en Galilée”. Tes attentes ne resteront pas déçues, tes larmes seront séchées, tes peurs seront vaincues par l’espérance. Parce que le Seigneur te précède, il marche toujours devant toi. Et, avec lui, toujours, la vie recommence», a conclu le Saint-Père.
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