Le message de fraternité et de compassion du Pape pour les personnes âgées
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Plus qu’un message institutionnel, le Pape a rédigé ce texte comme une lettre intime, pleine d’amour, de respect et de sensibilité, personnellement adressé à un «cher grand-père» ou à une «chère grand-mère».
Ce terme va ici bien au-delà de la seule définition biologique des grands-parents qui auraient eu une descendance, mais qui exprime plutôt un respect affectueux, englobant tous les anciens. D’une façon inhabituelle dans un texte pontifical, mais conformément à l’usage argentin et italien, François emploie le "tu" et le "je", se situant lui-même comme un homme éprouvé par sa vieillesse.
Lien vers le texte intégral en français
Tirant sa réflexion de la promesse de Jésus dans l’Évangile de Matthieu, «Je suis avec toi tous les jours», le Pape de 84 ans assume aussi cette phrase comme engagement personnel: «“Je suis avec toi tous les jours” sont aussi les paroles qu’en tant qu’évêque de Rome, et en tant que personne âgée comme toi, je voudrais t’adresser à l’occasion de cette première Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées. Toute l’Église est proche de toi disons-le mieux, elle nous est proche–: elle a souci de toi, elle t’aime et ne veut pas te laisser seul!»
Le Pape évoque les douleurs liées à la pandémie, notamment la solitude des personnes âgées privées du contact physique avec leurs proches en raison des restrictions sanitaires. «La pandémie a été une tempête inattendue et furieuse, une dure épreuve qui s’est abattue sur la vie de tout le monde, mais qui a réservé un traitement spécial, un traitement encore plus rude à nous, les personnes âgées. Beaucoup d’entre nous sont tombés malades; nombreux ont perdu la vie ou ont vu mourir leur conjoint ou leurs proches; d’autres encore ont été contraints à la solitude pendant une très longue période, isolés», s’attriste François.
Le Seigneur appelle à tout âge, même quand on se croit oublié
Mais le Seigneur «est aux côtés de ceux qui font l’expérience douloureuse d’être mis à l’écart», explique le Pape, qui évoque un récit d’un texte non retenu dans le canon biblique mais néanmoins étudié par des exégètes chrétiens, le Protoévangile de Jacques.
«Une tradition raconte que saint Joachim, le grand-père de Jésus, avait lui aussi été exclu de sa communauté parce qu’il n’avait pas d’enfants; sa vie, tout comme celle de sa femme Anne, était considérée comme inutile. Mais le Seigneur lui envoya un ange pour le consoler. Alors qu’il se tenait tout triste aux portes de la ville, un envoyé du Seigneur lui apparut pour lui dire: "Joachim, Joachim! Le Seigneur a exaucé ta prière insistante." Giotto, dans l’une de ses célèbres fresques, semble situer l’épisode pendant la nuit, une de ces nombreuses nuits sans sommeil, pleines de souvenirs, de soucis et de désirs, auxquelles beaucoup d’entre nous sommes habitués», raconte François.
La promesse de Jésus, “Je suis avec toi tous les jours”, peut donc être actualisée dans la vie de chacun, et notamment de chaque ancien. «Il te le dit, il me le dit, il le dit à nous tous! Tel est le sens de cette Journée que j’ai voulu que l’on célèbre pour la première fois cette année, après une longue période d’isolement et une reprise encore lente de la vie sociale: que chaque grand-père, chaque grand-mère, chaque personne âgée – en particulier les plus isolés d’entre nous – reçoive la visite d’un ange», écrit le Pape avec une espérance vibrante et une certaine poésie.
«Parfois, ils auront les traits de nos petits-enfants, d’autres fois, ceux des membres de notre famille, des amis de toujours ou que nous avons rencontrés pendant ces moments difficiles. Pendant cette période, nous avons appris l’importance des câlins et des visites pour chacun d’entre nous, et comme je suis attristé par le fait que dans certains lieux, ces gestes ne soient pas encore possibles!», s’impatiente François.
Trouver une inspiration dans la Parole de Dieu
Le Pape rappelle aussi que «le Seigneur nous envoie aussi ses messagers à travers la Parole de Dieu», invitant donc à lire chaque jour une page de l’Évangile, mais aussi les Psaumes ou encore les Prophètes. «Les Écritures nous aideront également à comprendre ce que le Seigneur attend de notre vie aujourd’hui. En effet, il envoie les ouvriers à sa vigne à toutes les heures de la journée, à chaque saison de la vie», écrit François, qui livre un témoignage personnel sur son élection au Siège de Pierre en mars 2013, à 76 ans, alors qu’il avait présenté sa démission comme archevêque de Buenos Aires depuis plus d’un an et avait organisé ses dispositions pratiques pour sa retraite.
«Je peux moi-même témoigner d’avoir reçu l’appel à devenir évêque de Rome au moment où j’avais atteint, pour ainsi dire, l’âge de la retraite et je ne pensais plus pouvoir faire grand-chose de nouveau. Le Seigneur est toujours proche de nous, toujours, avec de nouvelles invitations, avec de nouvelles paroles, avec sa consolation. Il est toujours proche de nous. Vous savez que le Seigneur est éternel et ne prend jamais sa retraite, jamais», insiste-il.
Le Pape insiste donc sur la mission des personnes âgées, jusqu'à la fin de leur vie: «Conserver les racines, transmettre la foi aux jeunes et prendre soin des plus petits.» Chaque personne âgée, même avec ses limites physiques et psychologiques, peut assumer ce rôle de transmission. «Peu importe ton âge, si tu travailles encore ou pas, si tu es resté seul ou si tu as encore une famille, si tu es devenu grand-mère ou grand-père très tôt ou plus tard, si tu es encore indépendant ou si tu as besoin d’assistance, car il n’y a pas un âge de retraite pour la mission d’annoncer l’Évangile, de transmettre les traditions aux petits-enfants. Il faut se mettre en chemin et, surtout, sortir de soi pour entreprendre quelque chose de nouveau», explique le Pape François.
Ouvrir son cœur aux appels de l’Esprit Saint
Malgré la solitude, la fatigue, le poids des routines quotidiennes, les personnes âgées ne doivent pas renoncer à la perspective de répondre aux appels du Seigneur. François évoque un récit tiré du 3e chapitre de l’Évangile de Jean. «Nicodème a posé une question similaire à Jésus lui-même lorsqu’il lui a demandé: "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?" Cela est possible, répond le Seigneur, en ouvrant son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui souffle où il veut. L’Esprit Saint, en vertu de la liberté qu’il a, va partout et fait ce qu’il veut.»
Il ne faut donc jamais se décourager, et aujourd'hui, la reconstruction de nos sociétés meurtries par la pandémie, mais aussi, plus largement, par une certaine atomisation du lien social et intergénérationnel, passe par trois axes : «les rêves, la mémoire et la prière. La proximité du Seigneur donnera la force d’entreprendre un nouveau chemin, même aux plus fragiles d’entre nous, par les routes du rêve, de la mémoire et de la prière», explique François.
La mémoire, pilier d’une alliance renouvelée entre les générations
Comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises depuis le début de son pontificat, le Pape cite cette phrase énigmatique du prophète Joël: «Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions». «L’avenir du monde réside dans cette alliance entre les jeunes et les personnes âgées», insiste François. La mémoire des anciens est un outil indispensable pour faire vivre cette alliance et apprendre aux jeunes à surmonter les épreuves de la vie, les petites et grandes douleurs. «Je pense à combien est précieux le souvenir douloureux de la guerre et à ce que les nouvelles générations peuvent en apprendre sur la valeur de la paix. Et il t’appartient de transmettre cela, toi qui as vécu la douleur de la guerre. Faire mémoire est une véritable mission pour toute personne âgée», explique François, qui avait huit ans à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le Pape cite une phrase d’Edith Bruck, une ancienne déportée à qui il avait rendu visite il y a quelques mois dans son appartement romain. «Le fait d’éclairer ne serait-ce qu’une seule conscience vaut l’effort et la douleur de garder vivant le souvenir de ce qui s’est passé. Pour moi, faire mémoire est synonyme de vivre», avait écrit cette femme juive d’origine hongroise, devenue une écrivaine connue en Italie.
Le Pape évoque aussi la douleur de la migration, de l’arrachement aux racines, en partant de son histoire personnelle, celle d’une famille italienne immigrée en Argentine dans les années 1920. «Je pense aussi à mes grands-parents et à ceux d’entre vous qui ont dû émigrer et savent combien il est difficile de quitter sa maison, comme beaucoup de personnes le font encore aujourd’hui en quête d’un avenir. Certains d’entre eux, nous les avons peut-être à côté de nous et ils prennent soin de nous. Cette mémoire peut aider à construire un monde plus humain et plus accueillant. Mais, sans la mémoire, on ne peut pas construire; sans les fondations, tu ne construiras jamais une maison. Jamais! Et les fondations de la vie sont la mémoire.»
La puissance de la prière des anciens
Le Pape évoque enfin l’importance de la prière, en rendant un hommage appuyé à un grand priant, Benoît XVI, qui a 94 ans et vit actuellement sa retraite dans le monastère Mater Ecclesiae, au sein des Jardins du Vatican. «Comme l’a dit une fois mon prédécesseur, le Pape Benoît, le saint vieillard qui continue à prier et à travailler pour l’Église: "La prière des personnes âgées peut protéger le monde, en l’aidant probablement de manière encore plus incisive que l’activisme de tant de personnes". Il a dit ça presqu’à la fin de son pontificat en 2012», remarque François. Le Pape bavarois avait prononcé ces mots lors d’une visite dans une maison de retraite au nom dynamisant: Viva gli anziani (en italien, "vivent les personnes âgées").
«Ta prière est une ressource très précieuse: c’est un poumon dont ni l’Église ni le monde ne peuvent se priver. Surtout en ce temps si difficile pour l’humanité, alors que nous sommes en train de traverser, tous sur un même bateau, la mer houleuse de la pandémie, ton intercession pour le monde et pour l’Église n’est pas vaine, mais elle indique à tous la confiance sereine d’un port sûr», explique le Pape.
Se mettre à la suite de Charles de Foucauld, le frère universel
François évoque aussi la figure du «bientôt saint Charles de Foucauld». «Il a vécu comme ermite en Algérie et dans ce contexte périphérique, il a témoigné de son aspiration de sentir tout être humain comme un frère. Son histoire montre comment il est possible, même dans la solitude du désert, d’intercéder pour les pauvres du monde entier et de devenir véritablement un frère ou une sœur universel», insiste le Pape.
«Je demande au Seigneur que, suivant son exemple, chacun de nous puisse élargir son cœur, le rendre sensible aux souffrances des derniers, et capable d’intercéder pour eux. Que chacun de nous apprenne à répéter à tous, et aux plus jeunes en particulier, ces paroles de consolation qui nous ont été adressées aujourd’hui : “Je suis avec toi tous les jours”! Allons de l’avant et courage ! Que le Seigneur vous bénisse», conclut le Saint-Père.
Indulgence plénière pour la journée du 25 juillet
En marge de la publication de ce message, la Pénitencerie apostolique a fait savoir que l'Indulgence plènère sera accordée dans les conditions habituelles (confession sacramentelle, communion eucharistique et prière selon les intentions du Souverain Pontife) aux grands-parents, aux personnes âgées et à tous les fidèles qui, animés d'un véritable esprit de pénitence et de charité, participeront le 25 juillet 2021, à l'occasion de la première Journée Mondiale des Grands-Parents et des Personnes Âgées, aux célébrations solennelles que le Pape présidera dans la basilique Saint-Pierre ou aux différentes fonctions qui se tiendront dans le monde entier. Ils pourront également l'appliquer comme suffrage pour les âmes du Purgatoire.
Ce même jour, le Tribunal de la miséricorde accordera également une Indulgence Plénière aux fidèles qui consacreront un temps suffisant à visiter, réellement ou virtuellement, leurs frères et sœurs âgés dans le besoin ou en difficulté (malades, abandonnés, handicapés, etc.).
L'Indulgence Plénière pourra également être accordée aux personnes âgées malades et à tous ceux qui ne peuvent quitter leur domicile pour une raison grave, sous condition de détachement à tout péché et avec l'intention de remplir les trois conditions habituelles dès que possible. Ils s'uniront spirituellement aux fonctions sacrées de la Journée Mondiale, en offrant au Dieu miséricordieux leurs prières, leurs douleurs ou les souffrances de leur vie, surtout au moment où les paroles du Souverain Pontife et les célébrations seront diffusées à la télévision et à la radio, mais aussi sur les nouveaux moyens de communication sociale.
C'est pourquoi, afin de faciliter l'accès au pardon divin par les Clefs de l'Église, par charité pastorale, cette Pénitencerie demande instamment aux prêtres, dotés des facultés appropriées pour entendre les confessions, de se rendre disponibles, dans un esprit de disponibilité et de générosité, pour la célébration de la Pénitence.
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