Des larmes au rire, le pèlerinage «miraculeux» de l’association Lazare
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Les rires et les larmes se sont mêlés à de nombreuses reprises au cours de cette heure d’échange avec le Pape François, qui n’a pas voulu monopoliser la parole mais, au contraire, tendre le micro aux participants, pour qu’ils puissent eux-mêmes partager leurs expériences et leurs attentes concernant la mission de l’Église auprès des plus pauvres. Une Église que plusieurs intervenants jugeaient auparavant trop lointaine, trop proche des pouvoirs politiques, et trop distante par rapport aux petits. Mais avec cette expérience de fraternité au quotidien, l’Église leur a montré un autre visage.
«À Lazare, j’ai vu ce qu’est l’amour», témoigne un colocataire. «J’ai trouvé la lumière, beaucoup de lumière. Et on m’a enfin regardée dans les yeux!», s’étonne encore Nathalie, une femme belge qui était tombée dans la toxicomanie après son divorce. Elle fut longtemps blessée par la froideur des hommes d’Église, et même par la condescendance de certains bénévoles d’associations humanitaires. Au contraire, depuis deux mois en colocation dans un foyer de Lazare, cette femme qui se dit «pas encore croyante, mais en recherche spirituelle» a reçu le respect dont elle manquait depuis trop longtemps.
Un amour inconditionnel
«Pour moi qui suis musulman, l’Église catholique est la seule religion qui m’a ouvert les bras», témoigne un homme, debout au micro devant le Pape, avant de s’effondrer en larmes, longuement, devant François qui se lève pour le consoler… «Merci Saint-Père», souffle cet homme, soutenu par les applaudissements des colocataires. «Mais faut pas pleurer ! Le Pape, c’est la joie !», lance une femme dans le public. Après le témoignage d’un homme d’origine égyptienne, de confession copte orthodoxe, cette même femme déclenche un fou rire parmi ses voisins et colocataires en s’écriant «Vive l’Égypte ! Vivent les pharaons !». Parmi les participants au pèlerinage, même des visages marqués par la drogue et l’alcool laissent filtrer beaucoup d’amour et d’humour, en ce week-end si particulier.
«C’est un miracle !», répète Thierry, un Belge qui vit depuis trois ans dans une colocation Lazare à Etterbeek, dans l’agglomération de Bruxelles. Finalement, grâce aux reports successifs, ce pèlerinage tant attendu a coïncidé avec son propre anniversaire, qu’il a pu fêter avec toute la grande famille de Lazare, à Rome, une ville qu’il découvre avec fascination et émerveillement. Cet ancien chauffeur routier qui a vécu la galère des nuits froides dans la rue, et qui a traversé 24 ans de dépendance aux drogues dures, a vu la lumière au bout du tunnel grâce à l’expérience de Lazare, qui lui a donné une nouvelle famille, une nouvelle chance.
Une expérience de liberté et de réciprocité
Philippe, 28 ans, est un jeune entrepreneur qui a partagé deux ans de colocation avec Thierry, et qui est son "binôme" durant ce pèlerinage. «Nous veillons l'un sur l'autre», confient-ils avec amitié et tendresse. Philippe insiste sur la force de cette expérience de «don réciproque», dans la simplicité. Dans les colocations, ce qui se vit, ce ne sont pas seulement des étudiants ou des jeunes professionnels qui aident des ex-SDF à sortir de la galère, mais c'est surtout une amitié qui se construit dans la réciprocité, et dans laquelle chacun à quelque chose à apprendre à l'autre et de l'autre.
«On est souvent touchés par nos propres limites, nos propres faiblesses, mais ce n'est pas un point final ou un échec. Au contraire, c'est à partir du moment où l'on accepte notre petitesse que l'on peut devenir pleinement nous-mêmes, et que tout peut commencer», confie Philippe.
«On se porte les uns les autres, on confronte nos idées, on se fait grandir», insiste-t-il. Il voit dans cette expérience de vie communautaire une occasion de mettre en pratique la Parole de Dieu, qui infuse dans le quotidien des colocataires dès la récitation des Laudes chaque matin. Dans l'ensemble des foyers Lazare, personne n'est contraint de participer aux offices, chacun est respecté dans son affiliation religieuse ou sa non-croyance, mais l'identité chrétienne du style de vie proposé est clairement assumée et vécue. L'Évangile est au centre de l'expérience de vie proposé aux colocataires.
Un chemin de résurrection pour des vies brisées
Avec le Pape François, tous ont trouvé un père mais aussi un frère, qui les encourage dans leur chemin de reconstruction, de réparation de vies souvent blessées, marquées par des descentes aux enfers, mais aussi par des grandes et petites résurrections, grâce à un simple regard, une main tendue, une écoute qui manifestent la présence de Jésus jusque dans des vies qui pouvaient sembler définitivement perdues.
La joie, l’amour, la fraternité ne sont pas des expressions galvaudées pour les membres de l'association. Ces colocations mêlant différentes générations et rythmes de vie ne sont pas un long fleuve tranquille, mais les inévitables conflits donnent surtout des occasions d’apprendre à «demander pardon». Les colocataires témoignent tous que Jésus est du côté des humbles, des petits, de ceux qui savent reconnaître leurs limites. Avec leurs maisonnées, c’est un nouveau visage du christianisme qui naît, manifestant l’amour infini de Jésus pour des personnes que la société méprisait. Leurs petites résurrections témoignent de l’efficacité d’un amour vécu concrètement, dans les petits gestes du quotidien, à la suite du Ressuscité.
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