Un carême de sacrifices pour les Ukrainiens gréco-catholiques
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican
Comment vivez-vous ces heures sombres avec les chrétiens ukrainiens de Rome?
Nous vivons un moment de solidarité particulier dans la communauté ukrainienne de Rome, car nous participons à beaucoup de choses, aux manifestations. Nous nous sentons engagés de montrer au monde entier que tout cela n’est pas nouveau pour nous. Cela dure depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et la séparation du Donbass.
La première chose que nous nous sommes dite est de ne pas paniquer. Nous continuons notre vie normale tout en étant mobilisé sur l’aide humanitaire et la solidarité. À côté des églises ukrainiennes romaines, des points d’accueil ont été installés où chacun peut apporter médicaments et nourriture. Cela demande beaucoup de travail logistique.
Quel regard portez-vous sur «le destin ukrainien» lorsque le tragique de l’Histoire ainsi ressurgit?
Ces jours-ci, c’est la première fois de ma vie que je suis fier d’être Ukrainien, que je suis fier de mon peuple, de mon gouvernement, de mon armée et de mon Église, restée avec le peuple. Aucun évêque n’a quitté son éparchie, ni son diocèse. Aucun prêtre à ma connaissance n’a quitté sa paroisse même s’il se trouve sous les bombardements. Il y a des blessures aussi dans l’âme des Ukrainiens, mais c’est un grand moment pour nous en tant que peuple et je crois que cela portera des fruits.
Quelle réflexion spirituelle vous inspire cette période?
Nous entrons ce lundi 28 février dans le Carême. Je réfléchissais sur les textes bibliques de la souffrance, de la mort et de la résurrection. Je les ai trouvés très adaptés au contexte actuel. Jésus a été condamné à mort pour les mêmes raisons que le peuple ukrainien est condamné aujourd’hui. Les autorités juives de l’époque ont décidé que Jésus n’avait pas de pouvoir légitime, nous avons entendu le même discours de Vladimir Poutine ce jeudi de l’invasion, lorsqu’il a dit que le peuple ukrainien n’avait pas un gouvernement légitime selon lui. Cela m’a beaucoup aidé à accepter et comprendre la situation. Pour arriver à la Résurrection, à la victoire spirituelle et humaine, il faut passer par la souffrance et la crucifixion.
Aujourd’hui, nous remercions tous les peuples d’Europe et du monde qui nous prouvent leur solidarité. Je pense en particulier aux milliers d’Italiens ici à Rome qui viennent nous voir pour savoir s’ils peuvent être utiles. C’est réconfortant, cela nous aide à traverser ce chemin de croix. Nous souffrons depuis huit ans, nous faisons des sacrifices -plus d’un million de réfugiés-, des milliers de morts en Crimée, dans le Donbass, le sacrifice aujourd’hui est encore plus grand. Mais il y aura ensuite la Résurrection, je suis persuadé que l’on assistera à la victoire tout d’abord du Christ, la victoire du peuple et la victoire humaine.
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