François : les enfants soldats, un cri qui monte vers Dieu
Benedetta Capelli et Andrea De Angelis - Cité du Vatican
«Une tragédie», «un crime abominable». Au fil des ans, le Pape a toujours fait entendre sa voix sur le terrible fléau des enfants soldats, se faisant l'interprète de la douleur de tant de mineurs, arrachés à leur enfance et contraints de prendre les armes, devenant ainsi des instruments de mort. «Les enfants soldats sont privés de leur enfance, de leur innocence, de leur avenir, et bien souvent de leur vie même. Chacun d'entre eux est un cri qui monte vers Dieu et accuse les adultes qui mettent des armes dans leurs petites mains », écrit-il dans un tweet en ce samedi 12 février, Journée internationale des enfants soldats.
Grave violation des droits de l'enfant
Des enfants employés comme combattants mais aussi comme cuisiniers, porteurs, gardiens, messagers. Des enfants qui s'occupent de diverses activités telles que le transport, les soins médicaux, la cuisine, le nettoyage et la garde d'autres enfants, mais qui peuvent aussi devenir des participants actifs au conflit, comme en Afrique où près de 40 % des filles recrutées par des groupes armés participent directement aux hostilités ou au Moyen-Orient où il existe des unités exclusivement féminines pour l'utilisation d'armes tactiques. Tous sont victimes d'enlèvements, de menaces et de manipulations. Certains sont poussés par la pauvreté, obligés de pourvoir à des revenus pour leur famille. D'autres encore s'associent pour survivre ou pour protéger leur communauté. Quelle que soit leur implication, le recrutement et l'utilisation d'enfants par les forces armées - souligne l'Unicef - constituent une violation grave des droits de l'enfant et du droit international humanitaire.
Un phénomène croissant
L'ONU souligne qu'en 2020, plus de 8 500 enfants soldats ont été recrutés et déployés dans les zones de guerre, un nombre en augmentation par rapport aux 7 750 cas enregistrés en 2019. On estime à 93 000 les enfants soldats entre 2005 et 2020 et les Nations unies ont vérifié 26 425 violations graves. Près de 75% des conflits impliquent le recrutement d'enfants et plus de la moitié d'entre eux concernent des filles. Les enfants souffrent de nombreuses formes d'exploitation et d'abus, y compris d'abus sexuels dans le cas des filles. Le mariage précoce est un autre outil privilégié par certaines parties au conflit : les filles sont forcées d'épouser des combattants masculins adultes et de vivre sous leur contrôle, souvent soumises à des violences sexuelles quotidiennes.
La bataille : un fléau difficile à éradiquer
Cette Journée internationale a été lancée le 12 février 2002, date à laquelle le protocole facultatif à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, qui interdit l'implication d'enfants dans les conflits armés, est entré en vigueur. Laura Battaglia est journaliste et documentariste, auteur de nombreux reportages au Yémen, et rappelle à Vatican News qu'il existe des pays où «l'enfance n'est pas l'enfance et où les enfants sont déjà des adultes à leur naissance». C'est un contexte très difficile à comprendre et à changer, dit-elle, «car les mineurs ont toujours été employés à certains travaux, les filles sont données en mariage très tôt et les garçons sont utilisés de diverses manières par les milices ou dans les armées. Il faut de la sensibilité mais aussi de l'empathie qui vient du fait de toucher ce fléau de près».
Le Yémen, où les enfants vont au front
Laura Battaglia connaît bien le Yémen, pays qui connaît la pire crise humanitaire au monde. Save the Children a rappelé qu'au cours du mois dernier, un civil a été tué ou blessé toutes les heures, faisant de janvier le mois le plus meurtrier depuis la dernière grande escalade du conflit, en 2018. Dans le pays, en effet, entre le 6 janvier et le 2 février, plus de 200 adultes et 15 enfants ont été tués tandis que 354 adultes et 30 enfants ont été blessés, soit un total de 599 victimes civiles.
«Ici, il y a des enfants qui vont à l'école le matin et qui, l'après-midi, passent de leurs tabliers à leurs uniformes parce qu'ils vont se battre». Le phénomène, souligne la journaliste, n'est pas seulement lié à la guerre qui a éclaté en 2014, mais s’avère etre une réalité qui existait auparavant, notamment dans certaines zones particulièrement déprimées économiquement. «Beaucoup d'enfants, avant 2014, étaient orphelins et étaient essentiellement vendus par leur famille ou des parents plus ou moins proches à des milices ou des groupes de trafiquants pour qu'ils deviennent eux-mêmes des enfants soldats, des trafiquants de drogue». Au fil du temps, les enfants n'étaient pas seulement destinés à ramasser les ordures ou à mendier, mais pour les guérilleros, ils devenaient de la «chair à canon», des personnes à mettre à la frontière pour repousser l'ennemi. Les familles, explique la journaliste, se sentent en quelque sorte investies d'une mission, à savoir faire don de leurs enfants à la cause. C'est en partie volontaire, mais aussi imposé, «parce qu'il y a des milices qui entrent dans les maisons pour vérifier combien d'enfants il y a, si ce sont des garçons ou des filles, et qui les emmènent ensuite». «Il y a des petits qui après l'école vont aux checkpoints avec leurs pères, avec leurs oncles qui les y emmènent par fierté, pour leur apprendre à faire la guerre pour mourir contre l'envahisseur». Selon Laura Battaglia, ce n'est pas tant la pandémie qui pèse sur le phénomène des enfants soldats ces derniers temps que «le système de sanctions internationales, qui fait que lorsque les familles s'endettent davantage et ne peuvent pas recevoir d'argent des membres de leur famille à l'étranger, la seule solution est de faire en sorte que leurs enfants deviennent définitivement adultes, même par la guerre».
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