François: la sécularisation, «un défi pour notre imagination pastorale»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
De nombreux évêques, prêtres, diacres, consacrés, séminaristes et opérateurs pastoraux du diocèse de Québec ou d’autres diocèses canadiens ont participé à ce temps de prière célébré ce jeudi soir en la Basilique de Notre-Dame de Québec. Un lieu significatif pour l’Église du pays: siège primatial du Canada, elle fut en effet érigée là où se trouvait la première chapelle construite en 1633 par Samuel de Champlain, navigateur français qui fonda la ville de Québec. C’est là que repose saint François de Laval, premier évêque du nouveau diocèse de Québec, qui s’est dédié tout au long de son ministère à la formation des prêtres. On y trouve également un reliquiaire des saints et bienheureux du Canada.
L’office des vêpres s’est ouvert par une brève salutation de Mgr Raymond Poisson, évêque de Saint-Jérôme-Mont-Laurier et président de la Conférence épiscopale canadienne. Puis, après la récitation des psaumes et la lecture du capitule, le Pape François a pris la parole.
Dieu enlevé de l’horizon de la vie
Après avoir décrit la joie chrétienne, il a invité l’assemblée à s’interroger: «Y-a-t-il dans nos communautés une foi qui attire en raison de la joie qu'elle communique ?» Parmi ce qui ternit cette joie figure la sécularisation, «qui a depuis longtemps transformé le mode de vie des femmes et des hommes d'aujourd'hui, laissant Dieu presque au second plan». Sa «Parole ne semble plus être une boussole d'orientation pour la vie, pour les choix fondamentaux, pour les relations humaines et sociales», a regretté le Pape.
Le Saint-Père a invité à quitter un «regard négatif», venu d’une foi qui est une sorte «d’"armure" pour se défendre du monde». «Au contraire, nous sommes appelés à avoir un regard semblable à celui de Dieu, qui sait discerner le bien et s'obstine à le chercher, à le voir et à le cultiver. Il ne s'agit pas d'un regard naïf, mais d'un regard qui discerne la réalité», a précisé François.
Ne pas être nostalgique du passé
Le regard négatif fait comme si «derrière la critique de la sécularisation se cachait la nostalgie d'un monde sacralisé, d'une société d'autrefois où l'Église et ses ministres avaient plus de pouvoir et d’importance sociale. C'est un point de vue erroné», a critiqué le Pape.
Mais la sécularisation, si prégnante au Canada, ne doit pas inquiéter en raison de «la diminution de l’importance sociale de l'Église ou la perte de richesses matérielles et de privilèges». Le phénomène «demande plutôt de réfléchir aux changements dans la société qui ont influencé la façon dont les gens pensent et organisent la vie». Ainsi, ce n’est pas la foi qui est en crise, mais la manière de la transmettre, a expliqué le Saint-Père. Par conséquent, la «sécularisation est un défi pour notre imagination pastorale».
Et François de proposer aux prêtres, religieux et laïcs présents «trois défis» à «poursuivre dans la prière et le service pastoral».
Le cri du Pape contre les abus
Le premier est celui de «faire connaître Jésus». Une première annonce qui ne revient pas à présenter «des aspects secondaires à ceux qui n'ont pas encore accueilli le Seigneur dans leur vie, ou en répétant seulement certaines pratiques ou en reproduisant des formes pastorales du passé». «Il faut trouver de nouvelles voies pour annoncer le cœur de l'Évangile à ceux qui n'ont pas encore rencontré le Christ», a souligné le Successeur de Pierre.
Le second défi porte le nom de «témoignage». Le Pape a évoqué plus spécialement les abus sexuels commis au sein de l’Église canadienne «contre des mineurs et personnes vulnérables, des scandales qui appellent des actions fortes et un combat irréversible. Je voudrais, avec vous, demander à nouveau pardon à toutes les victimes. La douleur et la honte que nous ressentons doivent devenir une occasion de conversion : plus jamais ça !», a-t-il déclaré.
«Et, en pensant au parcours de guérison et de réconciliation avec nos frères et sœurs autochtones, que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l'idée qu'il existe une supériorité d'une culture par rapport à une autre et qu’il soit légitime d'utiliser des moyens de coercition contre les autres», a-t-il poursuivi. «Ne permettons à aucune idéologie d'aliéner et de confondre les styles et les modes de vie de nos peuples pour tenter de les soumettre et de les dominer».
Il s’agit désormais de construire une Église «humble, douce, miséricordieuse, qui accompagne les processus, qui travaille avec détermination et sérénité à l'inculturation, qui valorise chacun et chaque diversité culturelle et religieuse».
Cultiver la fraternité
Le troisième défi est celui de la fraternité, a indiqué François, invitant les catholiques canadiens à «promouvoir des relations fraternelles avec tous, avec nos frères et sœurs autochtones, avec chaque sœur et frère que nous rencontrons, parce que dans le visage de chacun se reflète la présence de Dieu».
Ces défis doivent être relevés avec l’aide de l’Esprit Saint, a conclu le Pape, en demandant aussi l’intercession de saint François de Laval. Avec cette dernière mise en garde: «ne laissons pas entrer en nous l'esprit de sécularisme, en pensant que nous pouvons créer des projets qui fonctionnent seuls et avec les forces humaines uniquement, sans Dieu».
Après la prière de l’office, le Saint-Père et le cardinal Lacroix, archevêque de Québec, sont allés se recueillir devant la tombe du premier évêque de Québec.
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