François à L’Aquila rencontre les victimes du tremblement de terre de 2009
Jean Charles Putzolu – L’Aquila
Ce qui frappe peut-être le plus en parlant avec les victimes du tremblement de terre du 6 avril 2009, c’est que 13 ans après la secousse de 3h32 du matin, elles évoquent cet événement comme s’il venait de se produire. Ce détail est assez révélateur des blessures invisibles, profondes et toujours aussi douloureuses des habitants de L’Aquila. La visite de François, dans ce contexte, «est un encouragement», nous confie le père Dante Di Nardo. Dans sa paroisse, en proche périphérie du chef-lieu des Abruzzes, le prêtre consacre une large partie de son temps à la reconstruction spirituelle de ses paroissiens: «La présence du Pape est réellement une porte ouverte sur l’espérance, sur notre espérance. Nous ne devons pas nous enfermer, ni nous arrêter devant encore devant tout ce qui est encore à faire, à remettre sur pied». Don Dante, qui est aussi le directeur de la Caritas diocésaine, salue l’effort de reconstruction matérielle qui été fourni depuis le séisme. Il souhaite que la mobilisation se poursuivre car si l’on se concentre sur les bâtiments, le centre de L’Aquila nécessite encore des années de travail avant de retrouver son visage d’antan. En périphérie, explique-t-il, les maisons ont été reconstruites plus rapidement. Il y a de fait moins de contraintes architecturales.
Reconstruire les âmes et l’espérance
En revanche, il faut reconstruire l’espérance, dit le père Di Nardo. C’est dans ce sens que la présence de François est un encouragement. Le Pape est arrivé tôt ce dimanche matin pour une visite de quatre heures à peine. C’est sur la place du Dôme que les familles des victimes du séisme l’ont accueilli ; devant la cathédrale Sainte Maxime qui domine le centre historique de la ville. Une cathédrale dont le toit, qui s’est effondré le 6 avril 2009, n’a toujours pas été reconstruit. Des bâches pour protéger l’intérieur de la pluie ont été posées et sont là depuis treize ans.
Reconstruire les églises
La cathédrale est fermée au public. François a pu la visiter ce matin, se rendre compte personnellement de la situation. Les habitants espèrent bien que cette démarche donnera un coup de pouce pour qu’une charpente puisse enfin recouvrir l’édifice religieux. Un employé de la région des Abruzzes nous confie que le budget est d’ailleurs disponible, mais que des obstacles administratifs ralentissent les travaux.
La reconstruction des lieux de culte a d’ailleurs été directement évoquée par le Pape: «les églises méritent une attention particulière. Elles sont le patrimoine de la communauté, non seulement dans un sens historique et culturel, mais aussi dans un sens identitaire. Ces pierres sont imprégnées de la foi et des valeurs du peuple. Les temples sont aussi des lieux propulseurs de vie et d’espérance».
Le foi et la résilience des abruzzais
Les premiers mots du Pape aux quelques 1500 victimes et leurs familles rassemblées pour cette rencontre, avaient été de remerciements «pour votre témoignage de foi» qui a permis de «fixer votre regard sur le Christ, crucifié et ressucité» et dont l’amour «vous a confié aux bras du Père qui ne laisse tomber en vain pas même une larme».
Dans le cœur de Dieu, a poursuivi François, «sont inscrits les noms de tous vos proches qui sont passés à l’éternité». Puis François a évoqué la «Chapelle de la Mémoire»: «la mémoire est la force d'un peuple, et lorsque cette mémoire est éclairée par la foi, ce peuple ne reste pas prisonnier du passé, mais marche dans le présent en regardant vers l'avenir, en restant toujours attaché à ses racines et en gardant précieusement les expériences passées, bonnes et mauvaises. Vous, les habitants de L'Aquila, avez fait preuve de résilience».
On entre dans la chapelle par l’église Sainte Marie du Suffrage, située elle aussi sur la place du dôme. Deux plaques commémoratives avec les noms des 309 personnes tuées par la secousse tellurique accueillent celui qui vient se recueillir. Une chapelle moderne, lumineuse, dans laquelle un album photo montre les visages des disparus. Elle constitue un lieu de prière incontournable pour les habitants de L’Aquila.
Des familles «amputées»
Renza Bucci vient souvent se recueillir dans la Chapelle de la mémoire. La prière est un important soutien pour cette dame qui dans le tremblement de terre a perdu son gendre, son petit fils et sa fille qui devait accoucher le jour même. La petite fille qui devait naitre le 6 avril 2009, et qui aurait du s’appeler Giorgia, a été comptabilisée comme la 309è victime du séisme. Le fils de Renza est mort dans l’effondrement de la Casa dello studente, la résidence universitaire du centre de L’Aquila. «Je repense à tous ces étudiants qui étaient venus à L’Aquila pour construire leur avenir et qui au lieu de cela ont trouvé la mort», dit-elle en confiant qu’il ne se passe pas un jour sans qu’elle prie pour eux. «La visite du Pape est une caresse», poursuit Renza, qui se qualifie de «parent amputé»: «il n’existe aucun substantif pour dire ce que nous sommes. Alors nous, on dit qu’on a été amputé».
Renaissance personnelle et collective
Pour toutes ces familles, il a fallu «reconstruire les maisons, les écoles, les églises», et mener parallèlement «la reconstruction spirituelle, culturelle et sociale de la communauté civique et ecclésiale». Cette «renaissance personnelle et collective», leur a dit le souverain pontife, «est un don de la Grâce et est aussi le fruit de l'engagement de chacun». François retient qu’il est fondamentale d’activer toutes les collaborations et les synergies entre les différent milieux institutionnels et associatifs, pour mettre en place «une concorde laborieuse» et «un engagement clairvoyant».
En concluant, le Saint-Père a adressé quelques mots aux détenus autorisés à participer à cette première rencontre dominicale: «aujourd’hui vous êtes ici un signe d’espérance de la reconstruction humaine et sociale».
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