Le Pape aux entrepreneurs: le travail et l'amour des pauvres combattent la misère

Nous vivons à une époque où les déséquilibres économiques et sociaux sont bien connus, a d’emblée affirmé le Pape, citant la Constitution pastorale Gaudium et spes: «Le luxe côtoie la misère. Tandis qu’un petit nombre d’hommes disposent d’un très ample pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité d’initiative personnelle et de responsabilité; souvent même, ils sont placés dans des conditions de vie et de travail indignes de la personne humaine».

Soixante ans plus tard, le Pape François exhorte les entrepreneurs d’aujourd’hui à proposer une économie adéquate aux grands problèmes du monde, proposant trois idées.

Sans «prophétie», l'économie est aveugle

Premièrement, la prophétie. Dans la Bible, le prophète est celui qui parle au nom de Dieu, qui transmet son message, par lequel il provoque un changement dans le contexte dans lequel il vit, a rappelé le Saint-Père, citant en exemple Amos, le prophète de la «justice», qui dénonçait déjà au VIIe siècle avant J.-C. la soif de luxe et l'enrichissement des puissants au sein du peuple d'Israël, qui ne profitait qu'à un secteur riche, tandis que la grande majorité du peuple était opprimée.

Dans le contexte complexe d'aujourd'hui, caractérisé par la guerre et la crise environnementale, il appartient aux entrepreneurs de développer leur service, «comme des prophètes qui annoncent et construisent la maison commune, en respectant toutes les formes de vie, en veillant au bien de tous et en promouvant la paix», a ainsi suggéré l’évêque de Rome. «Sans prophétie, l'économie, et toute action humaine en général, est aveugle», a-t-il ajouté.  

Improvisant, le Pape a réitéré son idée que lorsque l'économie se transforme en finance, tout devient liquide ou gazeux.

Cultiver la relation avec Dieu pour de solides racines

Deuxième aspect proposé par François, le soin apporté à la relation avec Dieu. «De même que la terre, lorsqu'elle est bien cultivée et entretenue, porte des fruits abondants, de même, lorsque nous cultivons la santé spirituelle, lorsque nous avons une relation bien entretenue avec le Seigneur, nous commençons à porter beaucoup de bons fruits», a avancé le Souverain pontife argentin, leur rappelant que «l'héroïsme» que le monde attend aujourd'hui ne peut être durable que s’ils ont des racines solides. «La conversion économique sera possible lorsque nous ferons l'expérience d'une conversion du cœur; lorsque nous serons capables de penser davantage aux nécessiteux; lorsque nous apprendrons à faire passer le bien commun avant le bien individuel; lorsque nous comprendrons que la faim d'amour et de justice dans nos relations est la conséquence d'un mépris de notre relation avec le Créateur, et que cela affecte également notre maison commune». Pour François, cultiver une relation avec Dieu permet de solides racines soutenant les projets de chefs d’entreprise.

Le travail pour combattre la misère

La troisième réflexion partagée par le Pape concerne le travail et la pauvreté. Saint François d'Assise en a donné un témoignage important, lui qui a non seulement réalisé la restauration de la chapelle de San Damiano, mais aussi et surtout contribué à restaurer l'Église de son temps. «Concrètement, il l'a fait par l'amour qu'il portait aux pauvres et par son mode de vie austère», a souligné le Successeur de Pierre, qui en a conclu: «Avec les valeurs du travail et de la pauvreté, qui impliquent une confiance totale en Dieu et non dans les choses, il est possible de créer une économie qui réconcilie les membres des différentes étapes de la production, sans qu'ils se méprisent les uns les autres, sans créer davantage d'injustices ni connaître une froide indifférence».

En revanche, a nuancé François, cela ne signifie pas que vous aimez la misère, qui, au contraire, doit être combattue, et pour cela vous disposez de bons outils, comme la possibilité de créer des emplois, et ainsi contribuer à la dignité de votre prochain. Nous avons donc ici un remède pour combattre la maladie de la misère: le travail et l'amour des pauvres, en a déduit le Pape.

François a enfin encouragé les entrepreneurs à transformer de manière créative le visage de l'économie, afin qu'elle soit plus attentive aux principes éthiques, et qu'elle n'oublie pas que son activité est au service de l'être humain, non seulement de quelques-uns, mais de tous, en particulier des pauvres.