Pape François: l’Afrique doit être promue et non pas exploitée
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
C’est un style qui plaît au Pape François. Devant 6000 de ses membres rassemblés en salle Paul VI, le Saint-Père a félicité l’ONG CUAMM-Médecins pour l’Afrique qui a choisi d’être «avec» et «pour» l’Afrique. Depuis 1950, cette organisation italienne originaire de Padoue agit en effet pour la promotion et la protection de la santé des populations africaines.
Actuellement, 1 600 personnes sont envoyées dans 41 pays d'intervention pour apporter des soins et des services aux personnes vivant dans des régions parmi les plus pauvres du monde. L’ONG a permis de former nombre de médecins et d'infirmiers locaux dans des hôpitaux, des districts, des écoles et des universités en Angola, en Éthiopie, au Mozambique, en République centrafricaine, en Sierra Leone, au Sud-Soudan, en Tanzanie et en Ouganda.
«Et c'est précisément la bonne attitude, car il y a dans l'imaginaire, dans l'inconscient collectif cette mauvaise attitude: l'Afrique est à exploiter. Et contre cela, votre "non, être avec l'Afrique". Ainsi, être avec l'Afrique, c'est être pour l'Afrique», a déclaré François.
Écouter une jeunesse pleine de potentiel
Le Pape a aussi parlé de son récent échange en ligne avec des étudiants africains. «J'ai été étonné par la capacité intellectuelle de ces jeunes hommes et femmes. Je vous en prie, faites en sorte qu'ils ne soient pas perdus ; aidez-les à progresser, à aller de l'avant, car l'Afrique ne doit pas être exploitée, elle doit être promue», a-t-il demandé. «Il existe un bon capital intellectuel en Afrique : nous devons contribuer à le développer», a insisté le Saint-Père.
Un peu plus loin, François a de nouveau invité à accorder «une attention particulière aux jeunes: favorisez de toutes les manières, dans vos activités, l'emploi des jeunes locaux, si désireux de vivre leur avenir en tant que protagonistes avant tout dans leur pays d'origine». «Aidez-les à aller de l'avant: ils sont un trésor, ils sont très intelligents, mais ne les laissez pas sentir que leurs projets ne peuvent pas avancer à cause des conditions géographiques, sociales, économiques qui les bloquent - ou de la culture, tant de fois», a fait noter le Souverain Pontife, selon qui des «ponts» peuvent naître entre les nouvelles générations d’un continent à un autre, «lorsque les jeunes se rencontrent, se confrontent et s'ouvrent au monde sans peur ni préjugés», notamment au sein des universités. «C'est dans cet échange que se construisent les leaders capables de guider les processus de développement humain intégral», a estimé le Pape.
Le fléau des armes et de l’inflation
Il s’agit aussi pour ceux qui œuvrent sur le territoire africain de «donner une voix à l'Afrique (…), un espace pour qu'elle puisse s'exprimer: l'Afrique a une voix, mais elle n'est pas entendue», a regretté le Saint-Père. «Continuez à donner une voix à ce qui n'est pas vu, à ses luttes et à ses espoirs, pour remuer la conscience d'un monde parfois trop centré sur lui-même et peu sur l'autre. Le Seigneur entend le cri de son peuple opprimé et nous demande d'être les artisans d'un nouvel avenir, humbles et tenaces, avec les plus pauvres», a-t-il rappelé.
Outre ces encouragements, François a aussi formulé des inquiétudes à propos de l’Afrique, notamment en ce qui concerne «les conditions de sécheresse: j'ai vu le Kenya, un désastre de sécheresse. C'est aussi une tragédie mentale... Et si c'est difficile pour le monde développé, c'est encore plus difficile pour l'Afrique, où les conséquences sont dramatiques, car les populations sont déjà très pauvres et les systèmes de protection sociale font défaut». «L'Afrique recule et la pauvreté s'aggrave, a déploré François. Les prix des denrées alimentaires augmentent partout, entraînant la faim et la malnutrition; les transports médicaux sont bloqués en raison du coût excessif du carburant ; les médicaments et les fournitures médicales font défaut partout. Il s'agit d'une "guerre" cachée, dont personne ne parle et qui semble ne pas exister, mais qui a un impact très dur, surtout sur les plus pauvres», a-t-il commenté.
Le Pape a également une nouvelle fois fustigé «l'industrie de l'armement qui détruit tout», faisant dépenser des milliards, et rendu hommage à «tant de mères, qui ne peuvent pas accoucher en toute sécurité et qui perdent parfois la vie, ou à tant d'enfants, qui meurent dans leur petite enfance».
Centrafrique et Soudan du Sud
François a par ailleurs cité deux pays qui lui sont «particulièrement chers, comme la République centrafricaine», où il s’était rendu en 2015 pour ouvrir la Porte Sainte, à Bangui. Et «le Soudan du Sud où, si Dieu le veut, je me rendrai au début de l'année prochaine». «Ce sont des pays très pauvres et fragiles, que le monde ne considère importants que pour les ressources à exploiter, et que le Seigneur considère au contraire comme ses préférés, où il vous envoie pour être de bons samaritains, des témoins de son Évangile», a-t-il assuré aux membres de CUAMM-Médecins pour l’Afrique. «N'ayez pas peur de relever des défis difficiles, d'intervenir dans des endroits reculés marqués par la violence, où les populations n'ont pas la possibilité de se faire soigner. Soyez avec eux!», les a-t-il encouragés. «Persévérez avec un service obstiné et un dialogue ouvert à tous comme outils de paix et de résolution des conflits».
«Que le Seigneur vous aide à traverser cette "nuit" avec courage, le cœur tourné vers l'aube, qui illuminera ces petites pousses d’espérance que nous entrevoyons déjà et dont vous êtes vous-mêmes les témoins», a-t-il enfin souhaité.
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