Le Pape unit ses larmes à celles du peuple ukrainien
Marie Duhamel – Cité du Vatican
«Il n’y a pas un jour où je ne suis pas proche de vous et où je ne vous porte pas dans mon cœur et dans ma prière. Votre douleur est ma douleur», écrit le Pape dans cette lettre datée du 24 novembre. L’Ukraine a connu neuf mois de guerre. Le Pape sait «le rugissement inquiétant des explosions et le son sinistre des sirènes», les villes martelées par les bombes, les morts, les destructions, la fuite. «Le long de vos grands fleuves coulent chaque jour des rivières de sang et de larmes», écrit François.
«Dans la Croix de Jésus aujourd'hui, je vous vois, vous qui souffrez de la terreur déclenchée par cette agression. Oui, la Croix qui a torturé le Seigneur revit dans les tortures trouvées sur les cadavres, dans les charniers découverts dans différentes villes, dans ces images et tant d'autres images sanglantes qui sont entrées dans nos âmes, qui nous font crier: pourquoi? Comment des hommes peuvent-ils traiter d'autres hommes de cette façon?»
Un peuple plongé dans une mer de douleur
Une multitude d’histoires viennent à l’esprit du Pape, des prénoms mêmes, ceux des petites Kira et Lisa tuées à Odessa et Vinnytsia. Le Pape pense aux enfants qui ne sont plus: «Dans le giron de Dieu, ils voient votre angoisse et prient pour qu'elle cesse» ; «En chacun d'eux, c'est toute l'humanité qui est vaincue». François pense aux petits blessés, orphelins, déportés. «La douleur des mères ukrainiennes est incalculable».
Le Pape ne veut oublier personne; ni les jeunes qui ont troqué leurs rêves d’avenir par des armes, ni les épouses qui ont perdu leurs maris mais vont de l’avant «avec dignité et détermination», ni les adultes qui veulent protéger leurs proches, ni les anciens qui, «au lieu d'un coucher de soleil serein, avez été jetées dans la nuit noire de la guerre». Il pense aux civils jetés sur les routes.
Des Ukrainiens solidaires et courageux
Dans cette lettre, le Pape ne manque pas non plus de saluer le travail les volontaires qui se donnent pour leur peuple, mais aussi les pasteurs restés aux cotés de leurs fidèles pour leur apporter la consolation de Dieu et de l’aide.
Le Pape prie aussi pour les autorités: «C'est à elles qu'incombe le devoir de gouverner le pays en ces temps tragiques et de prendre des décisions clairvoyantes pour la paix et le développement de l'économie pendant la destruction de tant d'infrastructures vitales, en ville comme à la campagne».
Le peuple ukrainien, 90 ans après l’Holodomor, (la famine causée en Ukraine par Staline en 1932 et 1933, ndlr) se retrouve «dans une mer de malheur et de douleur», et pourtant pas de découragement, ni de plaintes, note François. «Le monde a reconnu un peuple audacieux et fort, un peuple qui souffre et prie, pleure et lutte, résiste et espère: un peuple noble et martyr», écrit le Saint-Père, proche «avec son cœur et sa prière». Il promet de les accompagner aujourd’hui et demain «quand la tentation pourrait venir d'oublier votre souffrance».
La lumière dans la nuit
Alors qu’une grande partie du pays est plongée dans le noir «en ces mois, où la rudesse du climat rend encore plus tragique ce que vous vivez», le Pape leur rappelle l'affection de l'Église, la force de la prière, l'amour de tant de frères et sœurs. Que ce soient «des caresses sur votre visage», écrit-il encore.
Bientôt, l’Ukraine vivra son premier Noël de guerre, «la douleur de la souffrance sera encore plus vive», et François les prend par la main, jusqu’à Bethléem pour leur parler de l’épreuve qu’a dû affronter la Sainte Famille «en cette nuit qui ne semblait que froide et sombre. Au contraire, la lumière est venue: non pas des hommes, mais de Dieu ; non pas de la terre, mais du Ciel».
Le Pape conclue sa lettre en demandant à la Vierge au Cœur Immaculée de laquelle il consacra l’Ukraine et la Russie, de veiller sur eux. Il invite les Ukrainiens à jamais ne se lasser de demander à celle qui a fait entrer Dieu dans notre monde le «don attendu de la paix».
Que le Seigneur «comble les justes attentes de vos cœurs, qu'il guérisse vos blessures et vous donne sa consolation. Je suis avec vous, je prie pour vous et je vous demande de prier pour moi», conclut le Souverain pontife.
Remerciement des Ukrainiens
Ce vendredi, le chef de l’Église gréco-catholique, Sa Béatitude Shevchuk, a répondu à la lettre du Pape François. Dans un commentaire rendu public, il exprime sa reconnaissance au Saint-Père qui a répondu «au cri de la population exténuée par une guerre injuste et insensée» écrit-il. Il précise qu’il avait demandé au Pape lors de leur dernière entrevue le 7 novembre, un geste de «paternelle sollicitude qui puisse rassurer les Ukrainiens sur l’amour et la proximité de l’Église». C’est donc chose faite avec cette lettre du Pape.
Sa Béatitude rappelle que son Église est consciente que la parole du Pape peut soulager, et qu’elle espère que les demandes répétées de cessez-le-feu du Saint-Père soient enfin entendues.
Mgr Shevchuk apprécie surtout que le Pape s’adresse à ce peuple ukrainien, qu’il en reconnaisse la subjectivité et en admire la résistance «alors que les plus hauts représentants de l’État agresseur nie à ce peuple le droit d’exister, son identité, sa langue et son Église».
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