De la douleur à la défense des plus invisibles, hommage du Pape à Hebe de Bonafini
Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican
Voilà une femme caractérisée par «l'audace et le courage» qui a su transformer la douleur de la disparition de deux de ses enfants «en une recherche inlassable pour la défense des droits des plus marginalisés et des plus invisibles». C'est ainsi que le Pape se souvient de Hebe de Bonafini, la militante argentine cofondatrice et présidente des Mères de la place de mai, décédée dimanche 20 novembre, à l'âge de 93 ans. François exprime ses condoléances dans une lettre adressée à toutes les Mères argentines, ces femmes qui, depuis 45 ans, sont descendues dans les rues de Buenos Aires, devant la Casa Rosada, le siège du pouvoir, pour exiger du pouvoir que justice et vérité soient faites concernant les personnes disparues pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983). Le Souverain Pontife leur a demandé de poursuivre le travail de leur présidente et de continuer à être des «Mères de la mémoire».
«En ce moment de chagrin, lit-on dans la missive en espagnol, je veux être proche de vous et de tous ceux qui pleurent son départ». Le Pape Bergoglio se souvient de la rencontre qu'il a eue avec cette femme à Sainte Marthe, le 28 mai 2016, évoquant en particulier «la passion qu'elle m'a transmise de vouloir donner une voix à ceux qui n'en ont pas». Une conversation de près de deux heures, il y a six ans, faite de larmes, de confidences, de souvenirs, mais aussi d'une demande de pardon de la part de l’activiste, qui avait durement critiqué le Jorge Maria Bergoglio du temps de Buenos Aires. Elle avait elle-même déclaré qu'elle avait changé d'avis et avait présenté ses excuses au Souverain Pontife, qui non seulement les avait acceptées, mais qui, dans une interview et une lettre ultérieure, avait déclaré s'être «incliné» devant la profonde douleur de cette mère qui avait vu son Jorge Omar et son Raul Alfredo se dissoudre dans le néant, comme tant d'autres dissidents du régime.
«Elle a gardé la recherche de la vérité vivante»
«Son audace et son courage, à des moments où le silence prévalait, ont poussé puis maintenu vivante la recherche de la vérité, de la mémoire et de la justice», écrit François. «Une recherche qui l'a conduite à défiler chaque semaine pour que l'oubli ne s'empare pas des rues et de l'histoire, et que l'engagement envers l'autre soit le meilleur mot et l'antidote contre les atrocités subies». Hebe de Bonafini n'a jamais manqué une marche: 2036 manifestations depuis la première, le 30 avril 1977, place de Mai dans le centre-ville de la capitale argentine. Elle était toujours présente, avec le foulard blanc noué sur la tête, symbole de l'association qui a célébré son départ par un grand dessin de son propre foulard gravé sur le sol de la place Bonafide.
La dernière marche
C'est maintenant sa «dernière marche», a écrit le Pape, demandant d'accompagner Hebe «par la prière, en demandant au Seigneur de lui donner le repos éternel». D'où une dernière invitation à ses compagnons de lutte: «Ne laissez pas se perdre tout le bien qui a été fait». «Je prie pour vous, n'oubliez pas de prier pour moi», conclut le Saint-Père.
Les condoléances des évêques
En Argentine, le gouvernement d'Alberto Fernández a déclaré trois jours de deuil national. Les évêques dans un message publié sur le compte officiel de la Conférence épiscopale argentine (CEA) sur les réseaux sociaux , expriment également leurs condoléances pour la mort de la militante argentine: «Nous demandons au Seigneur la consolation pour sa famille et ses amis, et nous envoyons également nos condoléances à l'association Mères de la place de Mai».
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