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François a déjà signé sa lettre de renonciation, et envisage un voyage à Marseille

Dans une interview publiée ce dimanche 18 décembre par le quotidien espagnol ABC, François révèle qu'au début de son pontificat, il a remis au secrétaire d'État de l'époque, Tarcisio Bertone, une lettre dans laquelle il déclarait qu'il renoncerait en cas de troubles de santé graves et permanents. Le Pape évoque aussi un voyage à Marseille pour la rencontre méditerranéenne.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Il y a presque dix ans, au début de son pontificat, le Pape François a remis à son Secrétaire d’État de l’époque, le cardinal Tarcisio Bertone, une lettre de renonciation «en cas d'empêchement pour raisons de santé». C'est le Pape François lui-même qui révèle cette décision, qu’avant lui le Pape Paul VI avait déjà prise, dans la vaste interview accordée au quotidien espagnol ABC ce dimanche 18 décembre, et dont des extrais avaient circulé la veille. François, en répondant aux questions du rédacteur en chef Julián Quirós et du correspondant au Vatican d’ABC Javier Martínez-Brocal, aborde de nombreux sujets sur l'actualité de l'Église et du monde. Il parle notamment de la guerre en Ukraine dont il dit ne pas voir «une fin à court terme parce que c'est une guerre mondiale», des cas d'abus, du rôle des femmes, du président brésilien Lula da Silva et de la Catalogne, de la renonciation de Benoît XVI en 2013 et de son éventuelle mise en retrait.

La lettre de renonciation

À cet égard, François révèle l'existence de cette lettre. «J'ai déjà signé ma renonciation. C'était quand Tarcisio Bertone était Secrétaire d'Etat. J'ai signé ma renonciation et je lui ai dit: "En cas d'empêchement médical ou autre, voici ma renonciation". Vous l'avez. Je ne sais pas à qui Bertone l'a donnée, mais je la lui ai donnée quand il était secrétaire d'État». «Voulez-vous que cela se sache?», demandent les deux journalistes. «C'est pour cela que je te le dis», répond François, rappelant que Paul VI avait également remis une lettre similaire par écrit en cas d'empêchement et que Pie XII aussi l'avait probablement fait.  «C'est la première fois que je dis cela», ajoute le souverain pontife. «Maintenant, peut-être que quelqu'un ira demander à Bertone: Donnez-moi cette lettre ..... (Rires). Il l'aura sûrement donnée au nouveau Secrétaire d'État. Je la lui ai donnée en tant que Secrétaire d'État».

La guerre en Ukraine: une énorme cruauté

Se tournant vers le conflit en Ukraine, le Pape déclare sans ambages: «Ce qui se passe en Ukraine est terrifiant. Il y a une énorme cruauté. C'est très grave...». Pour François, il n'y a pas de «fin en vue à court terme: Il s'agit, d'une guerre mondiale. Ne l'oublions pas. Il y a déjà plusieurs parties impliquées dans la guerre. Elle est mondiale. Je pense qu'une guerre est menée lorsqu'un empire commence à s'affaiblir, et lorsqu'il y a des armes à utiliser, à vendre et à tester. Il me semble qu'il y a de nombreux intérêts en jeu». Les journalistes espagnols rappellent au Pape qu'il s'est prononcé plus de cent fois contre la guerre: «Je fais ce que je peux. Ils n'écoutent pas», répond-il. Le Pape confirme qu'il reçoit et écoute tout le monde: «Volodymir Zelensky m'a envoyé pour la troisième fois un de ses conseillers religieux. Je suis en contact, je reçois, j'aide...».

Couverture du quotidien ABC
Couverture du quotidien ABC

La diplomatie du Saint-Siège: son arme est le dialogue

L’activité du Pape se déroule en coordination avec l’activité diplomatique du Saint-Siège. À cet égard, les deux interviewers demandent pourquoi le Vatican est si prudent lorsqu'il s'agit de dénoncer des régimes totalitaires tels que celui d'Ortega au Nicaragua ou de Maduro au Venezuela. «Le Saint-Siège essaie toujours de sauver les peuples. Son arme est le dialogue et la diplomatie», rétorque le Pape François. «Le Saint-Siège ne fait jamais cavalier seul. Il serait expulsé. Il essaie toujours de sauver les relations diplomatiques et de sauver ce qui peut l'être avec de la patience et du dialogue.»

Abus: «Un seul cas est monstrueux»

Pas de diplomatie, en revanche, de la part du Pape pour stigmatiser les cas d'abus au sein du clergé: «C'est très douloureux, très douloureux», dit-il en référence aux rencontres avec les victimes qui ont ponctué son pontificat. «Ce sont des personnes qui ont été détruites par ceux qui auraient dû les aider à mûrir et à grandir. C'est très difficile. Même s'il ne s'agissait que d'un seul cas, il est monstrueux que la personne qui devrait vous conduire à Dieu vous détruise en cours de route. Et sur ce point, aucune négociation n'est possible», déclare le souverain pontife.

Le rôle des femmes

Dans l'interview accordée à ABC, l'accent est mis aussi sur des sujets de nature plus «ecclésiale», à commencer par un éventuel rôle de premier plan pour les femmes au sein de la Curie romaine. «Il y en aura», assure François. «J'en ai une en tête pour un dicastère qui sera vacant dans deux ans. Il n'y a aucun obstacle à ce qu'une femme dirige un dicastère où un laïc peut être préfet». «S'il s'agit d'un dicastère de nature sacramentelle, il doit être présidé par un prêtre ou un évêque», a-t-il toutefois tenu à préciser.

Futurs Conclaves

François atténue ensuite la controverse selon laquelle les travaux des futurs conclaves pourraient être rendus difficiles par le fait que les cardinaux qu'il a créés, qui viennent tous d'endroits différents et éloignés, se connaissent peu. Certes, il peut y avoir des problèmes «du point de vue humain», mais «c'est l'Esprit Saint qui est à l'œuvre dans le conclave», explique le Pape. Et il rappelle la proposition d'un cardinal allemand lors des réunions du mois d’août sur la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, pour que «dans l'élection du nouveau Pape seuls les cardinaux qui vivent à Rome participent». «Est-ce là l'universalité de l'Église?», s'interroge l'évêque de Rome.

Benoît XVI: un saint, un grand homme

La relation avec son prédécesseur Benoît XVI est ensuite abordée dans l’entretien. «Un saint» et «un homme de vie spirituelle profonde», dit le Pape de son prédécesseur, révélant qu'il lui rend souvent visite et qu’il se sent toujours «édifié» par son regard transparent. «Il a un bon sens de l'humour, il est lucide, très vivant, il parle doucement mais suit la conversation. J'admire sa lucidité. C'est un grand homme». Le Pape François, quant à lui, affirme qu'il n'a pas l'intention de définir le statut juridique du Pape émérite: «J'ai le sentiment que l'Esprit Saint n'a aucun intérêt à ce que je m'occupe de ces choses».

François et son prédécesseur Benoît XVI
François et son prédécesseur Benoît XVI

L'Église en Allemagne

Sur l'Église en Allemagne, aux prises avec un processus synodal interne qui avait suscité et suscite encore diverses réactions, y compris négatives, François rappelle sa lettre «très claire», écrite en juin 2019: «Je l'ai écrite moi-même. Ça m'a pris un mois. C'était une lettre comme pour dire : "Frères, réfléchissez à ceci"».

La question de la Catalogne

En poursuivant, le Pape explique dans l'interview qu'un voyage à Marseille pour la rencontre méditerranéenne est en projet, précisant qu'il ne s'agit cependant pas d'un voyage en France et que la priorité de ses voyages apostoliques est de visiter les petits pays d'Europe. Interrogé sur la question de la Catalogne, et ses velléités d’indépendance, François a déclaré que «chaque pays doit trouver son propre chemin historique pour résoudre ces problèmes». Il n'y a pas de «solution unique». Il cite ensuite le cas de la Macédoine du Nord ou du Tyrol du Sud, en Italie, qui possède son propre statut. Quant au rôle que l'Église doit avoir dans cette affaire, il souligne plutôt: «ce que l'Église ne peut pas faire, c'est de la propagande pour un bord ou un autre, mais elle peut accompagner les gens pour qu'ils puissent trouver une solution définitive». Dans le même ordre d'idées, le Pape réitère que «quand un prêtre se mêle de politique, ce n'est pas bon..... Le prêtre est un pasteur. Il doit aider les gens à faire les bons choix. Accompagnez-les. Mais ne soyez pas un politicien. Si vous voulez être un homme politique, quittez le sacerdoce et devenez un homme politique».

Relire l'histoire avec l'herméneutique de l’époque

A une question sur la réinterprétation négative de la découverte de l'Amérique, François a invité à interpréter un événement historique avec l'herméneutique de l’époque et non celle du présent. «Il est évident que des gens ont été tués là-bas, dit-il, il est évident qu'il y avait de l’exploitation, mais les Indiens se sont aussi entretués. L'atmosphère de guerre n'a pas été exportée par les Espagnols. Et la conquête appartenait à tout le monde. Je fais la distinction entre la colonisation et la conquête. Je n'aime pas dire que l'Espagne a simplement "conquis". C'est discutable autant que vous voulez, mais elle a "colonisé"». 

L'affaire Lula

Un autre cas porté à l'attention du Pape concerne nouveau président du Brésil, Inácio Lula d Silva. Un dossier «paradigmatique» car le procès du leader politique - condamné pour corruption passive, ayant passé 580 jours de prison, empêché de se présenter à l'élection présidentielle de 2018, jusqu'en 2021, date à laquelle la Cour suprême a annulé toutes les condamnations – s’est ouvert sur une fake news. Ces fausses informations, dit le Pape, «ont créé une atmosphère qui a favorisé son procès. Le problème des fake news sur les responsables politiques et sociaux est très sérieux. Elles peuvent détruire une personne». Dans le cas spécifique de Lula, selon le Pape François, il ne s'agissait pas d'un procès à la hauteur. «Méfiez-vous, prévient-il, de ceux qui créent l'atmosphère d'un procès, quels qu'il soient. Ils le font par le biais des médias de manière à influencer ceux qui doivent juger et décider. Un procès doit être aussi propre que possible, avec des tribunaux de première classe qui n'ont pas d'autre intérêt que de conserver une justice propre».

Le Motu Proprio sur l'Opus Dei

Le Motu Proprio Ad Charisma tuendum de juillet dernier sur l'Opus Dei, est abordé en fin d’entretien. «Certains, commente le Saint-Père, ont dit: "Finalement, le Pape a puni l'Opus Dei... !". Je n’ai puni personne. Et d'autres, au contraire, ont dit: "Ah, le Pape nous envahit!". Rien de tout cela. La question est celle d’un redimensionnement qui devait être résolu. Il n'est pas juste d'exagérer la chose, ni d’en faire des victimes, ni de les rendre coupables d’une punition. S'il vous plaît. Je suis un grand ami de l'Opus Dei, j'aime beaucoup les gens de l'Opus Dei et ils travaillent bien dans l'Église. Le bien qu'ils font est très grand».

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18 décembre 2022, 09:40