Vœux du Pape à la Curie: soyons vigilants face au démon
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Noël est l’occasion pour chacun d’entre nous de «revenir à l’essentiel de sa vie» en commençant toujours par «se souvenir du bien». C’est par un appel à la gratitude que le Pape François commence ses vœux à la Curie romaine dont les membres sont réunis dans la salle des Bénédictions, dans la basilique Saint-Pierre. «Sans un exercice constant de gratitude, nous ne ferions que dresser la liste de nos chutes, et nous occulterions ce qui compte le plus, à savoir les grâces que le Seigneur nous accorde chaque jour».
Parmi tous les bienfaits que Dieu nous a accordés au cours de l’année, François espère qu’il y a celui de la «conversion», soulignant que «la pire chose qui puisse nous arriver est de penser que nous n’avons plus besoin de conversion, tant au niveau personnel que communautaire». «Se convertir, précise-t-il d’emblée, c’est apprendre de plus en plus à prendre au sérieux le message de l’Évangile et essayer de le mettre en pratique dans notre vie».
Conversion de tous les jours
Ce thème de la conversion, le Pape l’utilise pour mieux justifier la pertinence du processus synodal actuellement en cours. Le concile Vatican II, dont on a célébré le soixantième anniversaire cette année, a été «une grande occasion de conversion pour toute l’Église». «Et ce chemin est loin d’être terminé» juge-t-il, présentant le synode sur la synodalité comme une étape sur «le parcours de compréhension du message du Christ» qui est «sans fin et nous interpelle continuellement».
François dénonce alors «le fixisme», cette «conviction cachée de n’avoir besoin d’aucune autre compréhension de l’Évangile». C’est aussi «l’erreur de vouloir cristalliser le message de Jésus dans une forme unique qui serait toujours valide». Or, «la forme doit toujours pouvoir changer pour que la substance reste toujours la même» explique le Saint-Père. «Conserver signifie maintenir vivant le message du Christ et non l’emprisonner» insiste-t-il.
Cette conversion a une conséquence, met en garde François. «Elle pousse le mal à évoluer, à devenir de plus en plus insidieux». Premier danger, alerte-t-il, celui de «trop nous fier à nous-mêmes, à nos stratégies, à nos programmes». Or, «certains échecs sont une grâce», «certaines chutes, y compris en tant qu’Église, sont un rappel important pour remettre le Christ au centre».
Ensuite, «la simple dénonciation peut donner l’illusion d’avoir résolu le problème mais, en réalité, ce qui importe c’est d’opérer des changements qui nous mettent en condition de ne plus nous laisser emprisonner par les logiques du mal, qui sont très souvent des logiques mondaines».
Vigilance de tous les instants
Fort de ces mises en garde, le Pape invite à cultiver une vertu, celle de la «vigilance». Car le mal revient toujours et sous une autre forme. «S’il semblait auparavant grossier et violent, il se comporte maintenant de manière plus élégante et bien élevée» souligne-t-il, osant même parler de «démons bien élevés». Et «seule la pratique quotidienne de l’examen de conscience peut faire que nous nous en rendions compte».
La Curie et ses membres doivent bien prendre garde qu’ils peuvent aussi tomber dans la tentation de penser qu’ils sont en sécurité, qu’ils sont meilleurs et qu’ils n’ont plus besoin de se convertir. Rien n’est moins faux pour le Pape qui reconnait que si parfois il dit des choses «qui peuvent sembler dures et fortes», ce n’est pas parce qu’il ne croit pas «à la valeur de la douceur et de la tendresse, mais parce qu’il est bon de réserver les caresses aux personnes fatiguées et opprimées, et de trouver le courage d’‘‘affliger les consolés’’ (…) parce que leur consolation n’est qu’une ruse du diable et non un don de l’Esprit».
La paix commence dans nos coeurs
Lors de ses vœux, le Pape a évoqué aussi la paix en parlant de la guerre en Ukraine, «martyrisée». «La guerre et la violence sont toujours un échec. La religion ne doit pas se prêter à alimenter les conflits» a-t-il déclaré poursuivant: «Là où règnent la mort, la division, le conflit, la souffrance des innocents, nous ne pouvons que reconnaître Jésus crucifié».
Construire la paix, c’est un processus qui commence «dans le cœur de chacun de nous» explique François. «Nous pouvons et devons apporter notre contribution à la paix en essayant de déraciner de nos cœurs toute racine de haine et de ressentiment envers les frères et les sœurs qui vivent à nos côtés». «La bienveillance, la miséricorde et le pardon sont les remèdes dont nous disposons pour construire la paix» poursuit-il. Et de détailler: «la bienveillance, c’est toujours choisir la modalité du bien pour entrer en relation entre nous» car la violence peut prendre diverses formes: «verbale», «psychologique», «de l’abus de pouvoir», celle «cachée des bavardages». «Que personne ne profite de sa position et de son rôle pour mortifier l’autre», exhorte le Saint-Père.
L'Église a ses limites
Quant à la miséricorde, elle «consiste à accepter que l’autre puisse aussi avoir ses limites». Les institutions et les personnes, parce qu’elles sont «humaines», «sont également limitées». Or «une Église pure pour les purs n’est qu’une répétition de l’hérésie cathare» met-il en garde. Quant au pardon, il consiste «à accorder une nouvelle chance, c’est-à-dire à comprendre que nous devenons des saints par tâtonnement». «Toute guerre, pour s’éteindre, a besoin du pardon sinon la justice devient vengeance, et l’amour n’est reconnu que comme une forme de faiblesse», conclut-il.
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