Obsèques de Benoît XVI: l’hommage de François à un «fidèle ami de l’Époux»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Sous un ciel si bas que la coupole de la Basilique n’était pas visible, les fidèles venus du monde entier ont progressivement afflué dès l’aube pour participer aux funérailles du Souverain Pontife défunt.
Le cercueil accueilli par les applaudissements
À 8h50, sous les applaudissements continus des fidèles, a eu lieu l’arrivée du cercueil de Benoît XVI, déposé sur le parvis de la basilique vaticane, sur une petite estrade beige face à l’autel. Un moment à la fois solennel et empreint d’émotion, au cours duquel Mgr Georg Gänswein, préfet de la Maison pontificale et secrétaire particulier du cardinal Joseph Ratzinger puis du Pape Benoît XVI, accompagné de Mgr Diego Ravelli, maître des célébrations liturgiques pontificales, ont ouvert le livre des Évangiles, avant de le poser sur le cercueil.
La veille au soir, la dépouille du Pape émérite, devant laquelle étaient venues se recueillir plus de 200 000 personnes en trois jours, avait été placée dans un cercueil en bois de cyprès orné des armoiries de Benoît XVI, par la suite scellé. Au cours de cette cérémonie privée, à l'intérieur du cercueil ont été déposés le Rogito, acte notarié relatant en latin la vie du 265e Successeur de Pierre - lu auparavant par Mgr Diego Ravelli -, les pièces de monnaie et les médailles frappées sous le pontificat de Benoît XVI (2005-2013), ainsi que son pallium.
Dans une atmosphère de prière et de recueillement, la cérémonie a ensuite débuté par la récitation du chapelet.
De nombreux représentants religieux et politiques
Après ce temps de prière mariale, à 9h23 précisément, a débuté la messe, présidée par le Pape François et célébrée par le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du Collège cardinalice. Environ 50 000 fidèles étaient présents, selon les chiffres communiqués par la Gendarmerie vaticane.
À gauche de l’autel se tenaient 125 cardinaux revêtus de leur chasuble rouge – venus à titre personnel et non comme Sacré Collège, s’agissant des obsèques d’un Pape émérite -, ainsi que 400 évêques, tandis que depuis les rangs de l’assemblée, environ quatre mille prêtres ont concélébré. L’Église d’Allemagne, terre native de Benoît XVI, était bien sûr très représentée, avec 17 évêques présents ainsi que les cardinaux Marx (archevêque de Munich) et Woelki (archevêque de Cologne). Côté français, le cardinal Aveline archevêque de Marseille, ou encore, entre autres, le vice-président de la conférence des évêques Mgr Jordy.
Cette cérémonie historique a également rassemblé de nombreuses personnalités. Deux délégations officielles avaient été invitées: d’Italie, conduite par le président Sergio Mattarella, et d’Allemagne emmenée par Frank-Walter Steinmeier le président de la République fédérale d’Allemagne. Le roi Philippe de Belgique et son épouse Mathilde, Sophie de Grèce, épouse du roi émérite d’Espagne Juan-Carlos Ier, les présidents polonais, portugais, slovène, hongrois ou encore togolais étaient également présents. La France avait quant à elle envoyé le ministre de l’Intérieur et des cultes, Gérald Darmanin.
Des représentants des diverses confessions chrétiennes – venant par exemple des patriarcats de Constantinople, de Moscou, de Chypre ou de l’Église arménienne - ont aussi participé, témoignant de l'attention constante du Pape émérite à l'unité.
Enfin, des membres de la communauté de juive de Rome et de l’association des musulmans d’Italie, ainsi que des dignitaires religieux du monde entier, avaient fait le déplacement.
Une image du Christ, donné au Père
Dans son homélie, François est parti des dernières paroles du Christ sur la croix, issues de l’Évangile qu’il avait retenu pour cette messe d’obsèques (Lc 23, 39-46): «Père, entre tes mains je remets mon esprit», des mots qui témoignent de la «permanente remise de soi» du Seigneur «entre les mains du Père».
«Le Seigneur, ouvert aux histoires qu’il rencontrait sur son chemin, s’est laissé ciseler par la volonté de Dieu en prenant sur ses épaules toutes les conséquences et les difficultés de l’Évangile, jusqu’à voir ses mains meurtries par amour», a décrit le Saint-Père. Il s’est sans cesse livré «aussi aux mains de ses frères».
Ainsi, sans le nommer expressément, dès le début de son homélie et au fil des paragraphes, le Pape a dépeint Benoît XVI comme un reflet du Christ, qu’il a aimé et montré tout au long de son existence. Mais aussi comme un pasteur dont le cœur s’est laissé modelé par le Père, «jusqu’à ce que palpitent en lui les mêmes sentiments que ceux du Christ Jésus».
Un intercesseur pour son peuple
Le pasteur, a continué François, fait preuve de «dévouement reconnaissant de service au Seigneur et à son Peuple». Il appartient à Dieu, qui est «capable de se placer dans les mains fragiles de ses disciples pour nourrir son peuple».
Il est également animé par un «dévouement priant, qui se façonne et s’affine silencieusement entre les carrefours et les contradictions». «Comme le Maître, il porte sur ses épaules la fatigue de l’intercession et l’usure de l’onction pour son peuple», a souligné le Saint-Père, continuant son hommage implicite au Pape Ratzinger. De sa relation confiante avec Jésus vient une «fécondité invisible et insaisissable». Le Seigneur quant à lui est «capable d’interpréter les actions du pasteur et d’adapter son cœur et ses décisions aux temps de Dieu», a ajouté le Souverain Pontife, avant de citer les paroles inspirées de Benoît XVI lors de l’homélie de la messe inaugurale de son pontificat, le 24 avril 2005, «Être pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir. Aimer signifie: donner aux brebis (…) la nourriture de la vérité de Dieu».
Le pasteur montre – et ce fut le cas du Pape émérite allemand - un «dévouement soutenu par la consolation de l’Esprit», «dans la quête passionnée de communiquer la beauté et la joie de l’Évangile», «dans cette paix douloureuse mais solide qui n’agresse ni ne soumet; et dans l’espérance obstinée mais patiente que le Seigneur accomplira sa promesse».
La gratitude des fidèles
Enfin, a poursuivi l’évêque de Rome dans cette homélie sobre et spirituelle, il a conscience «qu’il ne peut pas porter tout seul ce que, en réalité, il ne pourrait jamais supporter tout seul et, par conséquent, il sait s’abandonner à la prière et au soin du peuple qui lui est confié».
Le Pape a ainsi parlé de la prière de la communauté ecclésiale, qui confie «notre frère aux mains du Père». «Que ces mains de miséricorde trouvent sa lampe allumée avec l’huile de l’Évangile qu’il a répandue et dont il a témoigné durant sa vie», a-t-il souhaité.
«Nous sommes ici avec le parfum de la gratitude et l’onguent de l’espérance pour lui démontrer, encore une fois, l’amour qui ne se perd pas. Nous voulons le faire avec la même onction, sagesse, délicatesse et dévouement qu’il a su prodiguer au cours des années», a déclaré François à propos du Pape défunt.
Et de conclure par un dernier désir pour son prédécesseur: «Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix, définitivement et pour toujours !»
Sépulture dans les grottes vaticanes
À la fin de la célébration eucharistique - le ciel était alors plus dégagé - le Pape a prononcé l’Ultima Commendatio et le Valedictio, prières de dernier adieu de la liturgie des funérailles. Le cercueil de Benoît XVI a ensuite été transporté par les gentilhommes de Sa Sainteté jusqu'en la basilique Saint-Pierre, sous des applaudissements nourris, et après avoir reçu une dernière bénédiction du Pape François. La procession était aussi composée de l'entourage proche du Pape Ratzinger, qui l'avait accompagné jusqu'au dernier jour au monastère Mater Ecclesiae, où il résidait au Vatican depuis sa renonciation en 2013.
Dans la foule étaient brandies quelques bannières "Santo Subito !" ou encore "Danke Papst Benedikt", en hommage au Pontife bavarois. L'émotion se lisait sur les visages. Puis, après que les lourds rideaux rouges sont retombés sur la porte principale de la basilique pétrinienne, le cercueil a été amené dans la nécropole des Papes – accessible aux fidèles durant toute l’année - pour y être enterré. Lors de cette cérémonie d'enterrement, qui s’est déroulée à l’abri des caméras, le cercueil en cyprès a été placé dans un cercueil en zinc et dans un cercueil en bois de chêne, puis placé dans la tombe où Saint Jean-Paul II reposait précédemment - jusqu'à sa béatification en 2011.
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