L’esprit de service et le sens des responsabilités caractérisent le bon politique
Marie Duhamel - Cité du Vatican
S’il est acquis depuis le Concile Vatican II que les laïcs, en vertu de leur baptême, ont une mission à accomplir «au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociales» (Lumen Gentium 31), il est clair que parmi ces occupations figure la politique, «la forme la plus élevée de la charité» selon Pie XI. Mais comment faire de l’action politique une forme de charité et comment vivre la charité au sein des dynamiques politiques? C’est à cette interrogation que répond le Pape François à l’occasion de la remise du prix international Paul VI au président italien Sergio Matarella ce lundi 29 mai.
Aller à contre-courant du défaitisme
«La réponse tient en un mot: service», affirme le Pape. Pour les chrétiens, fidèles aux enseignements de Jésus, «la grandeur est synonyme de service». Plus spécifiquement, Paul VI affirmait que ceux qui exerçaient le pouvoir public devaient se considérer comme «le serviteur de leurs compatriotes», avec le désintérêt et l’intégrité qui conviennent à leur haute fonction. Or «on sait, poursuit le Pape François, combien il est facile de monter sur un piédestal et combien il est difficile de s’immerger dans le service aux autres». À toute époque, existe la tentation de se servir de l’autorité plutôt que de servir à travers l’autorité.
Et pour concrétiser l’esprit de service et éviter d’en faire un «idéal plutôt abstrait», le Pape propose un autre mot clé, la responsabilité. À la suite de Paul VI qui appelait à la conversion personnelle pour ne pas déléguer les injustices aux autres, le Pape François plaide à son tour pour cette «capacité d’offrir des réponses, en s’appuyant sur son propre engagement, sans attendre que d’autres les donnent». A fortiori aujourd’hui, «alors que rejeter la faute sur l’autre est un quasi automatisme, que la passion pour le collectif s’affaiblit, que l’engagement commun risque de s’éclipser devant le besoin individuel ; quand dans un climat d’incertitude, la défiance se transforme facilement en indifférence». François exhorte à aller «à contre courant du climat de défaitisme et de plainte» pour «ressentir les besoins des autres et se redécouvrir soi-même comme partie irremplaçable de l’unique tissu social et humain auquel nous appartenons». Plusieurs champs d’engagement auxquels tenait Paul VI sont mentionnés par le Pape François, qui les juge toujours d’actualité.
Défendre l’honnêteté et la justice
En 1975, Paul VI notait que si les sociétés démocratiques ne manquaient pas d’institutions, de pactes et de statuts, l’observation libre et honnête de la légalité y faisait souvent défaut. Car l’engagement pour la légalité va de pair avec la responsabilité. C’est un élément «essentiel» du vivre ensemble qui requiert de «se montrer exemplaire et déterminé, de lutter (contre les pratiques non vertueuses), de faire enfin mémoire de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour la justice». Le Pape salue la mémoire notamment du frère de Sergio Matarella, qui fut assassiné par la mafia alors qu’il était président de la région Sicile.
Œuvrer à la paix, la solidarité et la sauvegarde de la maison commune
Et le Pape de souscrire à une autre idée de Paul VI, à l’honneur car c’est un prix en son nom que François remettait ce lundi 29 mai, jour de la fête liturgique du saint Pape italien. Le Pape Montini avait perçu, rappelle son successeur, «l’importance de la responsabilité de chacun pour le monde de tous, un monde devenu global». Il le fit dans son encyclique Populorum progressio en parlant de paix après les deux Guerres mondiales, et en exhortant à lutter avec détermination face aux déséquilibres engendrés par les injustices planétaires, car «la question sociale est une question morale» et parce qu’«une action solidaire ne l’est véritablement que si elle est globale». Enfin, il y a plus de 50 ans, Paul VI identifiait déjà l’un des grands défis de notre temps, le défi climatique, dans Octogesima adveniens.
Service et responsabilité étaient pour Paul VI les éléments à la base de la construction de toute vie sociale. «Il nous a laissé en héritage l’édification d’une communauté solidaire», les obstacles furent et seront nombreux mais ce n’est pas une utopie, assure François. «Ce sont des prophéties qui exigent de vivre avec de hauts idéaux», et c’est ce dont ont besoin les jeunes. Et si, comme l’affirmait Paul VI, on écoute plus volontiers aujourd’hui les témoins que les maîtres, le Pape salue les maîtres qui, comme Sergio Matarella, témoignent de manière «cohérente et polie de l’esprit de service et de responsabilité».
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