François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort
Benedetta Capelli - Cité du Vatican
Le regard d'un pauvre change l'orientation de la vie de la personne qui le croise, mais «nous devons avoir le courage de rester sur ces yeux et d'agir ensuite en aidant, non pas en fonction de notre désir de nous débarrasser du superflu, mais en fonction de ce dont l'autre personne a besoin». Tel est l'appel qui sous-tend le message du Pape pour la VIIe Journée mondiale des pauvres, qui aura lieu le 19 novembre prochain, «un signe fécond de la miséricorde du Père», selon François.
«Ne détournez pas votre regard des pauvres». À travers ce thème, qui fait référence au Livre de Tobie, le Pape propose une interprétation de la réalité qui consiste à reconnaître dans les plus fragiles «le visage du Seigneur Jésus», au-delà de la couleur de la peau, de la condition sociale et de l'origine. En lui, il y a un frère à rencontrer, «en nous débarrassant de l'indifférence et de l'évidence avec lesquelles nous protégeons un bien-être illusoire».
Le silence de la voix des pauvres
La réalité dans laquelle nous vivons, souligne le Pape, est marquée par un appel trop fort au bien-être, et donc par le silence de la voix des pauvres. «Il y a une tendance à négliger tout ce qui n'entre pas dans les modèles de vie destinés surtout aux jeunes générations, qui sont les plus fragiles face au changement culturel en cours». Ce qui fait souffrir est mis entre parenthèses, la réalité virtuelle est alors confondue avec la vie réelle. «Les pauvres, écrit l'évêque de Rome, deviennent des images qui peuvent nous émouvoir quelques instants, mais lorsque nous les rencontrons en chair et en os dans la rue, c'est l'agacement et la marginalisation qui prennent le dessus». Pourtant, la parabole du bon Samaritain, souligne François, interpelle le présent, et «s'impliquer personnellement est la vocation de tout chrétien».
Agir face à des politiques inefficaces
Rappelant le paragraphe 6 de l'encyclique Pacem in Terris de Jean XXIII, écrite il y a 60 ans, le Souverain pontife argentin affirme qu'il reste encore beaucoup à faire pour assurer une vie digne à nombre de personnes, pour que ces mots du Pape Roncalli deviennent réalité, «également à travers un engagement politique et législatif sérieux, aussi efficace». François espère que se développeront «la solidarité et la subsidiarité de nombreux citoyens qui croient en la valeur de l'engagement volontaire de dévouement aux pauvres» face aux échecs de la politique à servir le bien commun. En bref, il ne s'agit pas de rester les bras croisés en attendant de recevoir quelque chose «d'en haut», «ceux qui vivent dans la pauvreté», écrit le Pape, «doivent aussi être impliqués et accompagnés sur un chemin de changement et de responsabilité».
Les nouvelles pauvretés
Le Pape élargit ensuite son regard «aux nouveaux pauvres». Il évoque les enfants qui vivent un présent difficile et voient leur avenir compromis à cause de la guerre. «Personne, écrit-il, ne pourra jamais s'habituer à cette situation; maintenons vivante toute tentative pour que la paix soit affirmée comme don du Seigneur ressuscité et fruit de l'engagement pour la justice et le dialogue». Dans le cœur du Pape, il y a aussi ceux qui, face à «l'augmentation dramatique des coûts», sont obligés de choisir entre nourriture et médicaments, d'où l'invitation à faire entendre leur voix pour que le droit à ces deux biens soit garanti, «au nom de la dignité de la personne humaine».
Travail inhumain et jeunes «bernés»
Des travailleurs sont contraints à des traitements inhumains avec des salaires insuffisants, ou le poids de la précarité. Sans oublier ces «nombreuses victimes d'accidents souvent dus à la mentalité qui privilégie le profit immédiat au détriment de la sécurité». L'inquiétude est également forte pour les jeunes, «combien de vies frustrées et même de suicides de jeunes, bernés par une culture qui les conduit à se sentir ''ratés''. «Aidons-les à réagir», demande le Pape, «face à ces instigations néfastes, afin que chacun trouve le chemin à suivre pour acquérir une identité forte et généreuse».
Inviter les pauvres à sa table
Des visages, des histoires, des cœurs et des âmes: tels sont les pauvres. Le Saint-Père invite ainsi chacun à partager la table de leur maison, en signe de fraternité, tout en reconnaissant l'attention constante et le dévouement de nombreux «voisins», qui ne sont pas des «surhommes» mais des personnes capables d'écouter, de dialoguer et de donner des conseils. «La gratitude envers tant de bénévoles appelle à la prière pour que leur témoignage soit fructueux. "Ne pas détourner le regard des pauvres permet d'obtenir les bienfaits de la miséricorde, de la charité qui donne sens à toute la vie chrétienne». En conclusion, citant sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, 150 ans après sa naissance, le Successeur de Pierre rappelle que «tout le monde a le droit d'être éclairé par la charité» et demande de garder le regard toujours fixé sur le visage humain et divin de Jésus.
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