L’artiste selon François, âme d’enfant et de sentinelle
Le réalisateur italien Marco Bellocchio, l’architecte français Jean Nouvel, les auteurs Eric-Emmanuel Schmitt, Amélie Nothomb et Roberto Saviano… C’est devant un parterre de personnalités que le Pape François a livré une réflexion sur sa vision de l’art et du rôle des artistes.
Le Souverain pontife qui a d’abord pris le temps de revenir sur la relation «naturelle et particulière» tissée entre l’Eglise et les artistes, «L'artiste nous rappelle à tous que la dimension dans laquelle nous évoluons, même si nous n'en sommes pas conscients, est celle de l'Esprit.» L'art et l’Eglise ont parcourus ensemble des pans de l’histoire, «qui appartiennent au patrimoine de tous, croyants et non-croyants».
La collection d’art moderne des Musées du Vatican a été inaugurée le 23 juin 1973 par Paul VI. Au sein de cette aile, des sculptures, peintres et gravures données par les artistes et collectionneurs du monde entier au fil du temps.
La rencontre dans la chapelle Sixtine de ce jeudi 23 juin est un clin d’œil à l’histoire. C’est là que le Pape Montini, en mai 1964, avait invité le monde de l’art pour débuter le projet de la collection d’art moderne des Musei Vaticani.
«L'état dans lequel se trouve l'artiste lorsqu'il crée est proche de celui de l'enfant et aussi du voyant», a dit le Saint-Père, faisant siennes les paroles du prêtre, philosophe et théologien italien du XXe siècle, Romano Guardini. Il est vrai qu’en tant qu’artiste, a développé François, «On acquiert alors la spontanéité de l'enfant qui imagine et l'acuité du voyant qui saisit la réalité.»
L’âme d’enfant de l’artiste
L’artiste est un enfant, «cela veut dire qu'il évolue d'abord dans l'espace de l'invention, de la nouveauté, de la création, de la mise au monde de ce qui n'a jamais été vu auparavant.» Ainsi, il dément l’idée que l’homme est «un être pour la mort». Les artistes, s’est réjoui l’évêque de Rome, «Vous vous mettez toujours en scène dans vos œuvres, comme les êtres irremplaçables que nous sommes tous, mais avec l'intention de créer encore plus. Lorsque le talent vous assiste, vous mettez en lumière l'inédit, vous enrichissez le monde d'une nouvelle réalité.»
Aujourd’hui, la collection d’art moderne des Musées du Vatican compte près de 8 000 pièces, le long d’un itinéraire qui commence de l’appartement des Borgia jusqu’à la chapelle Sixtine. Parmi les œuvres exposées, des tableaux de Bacon, Matisse, Chagall et Van Gogh.
Rêver les nouvelles versions du monde
Dans son discours, François a également souligné la dimension du rêve dans laquelle baigne les artistes, «vous avez la capacité de rêver de nouvelles versions du monde, d'introduire de la nouveauté dans l'histoire», a-t-il lancé à son audience de personnalités, qui grâce à leur vision échappent au «pouvoir suggestif de cette prétendue beauté artificielle et superficielle, très répandue aujourd'hui et souvent complice des mécanismes économiques qui génèrent les inégalités.»
L’art veut faire réfléchir, a continué le Pape, «Comme les prophètes bibliques, vous nous confrontez à ce qui nous dérange parfois, en critiquant les faux mythes d'aujourd'hui, les nouvelles idoles, les discours banals, les pièges de la consommation, les ruses du pouvoir.»
Également présent dans la chapelle Sixtine, l’écrivaine française Valérie Perrin ou le réalisateur turco-italien Ferzan Öztepek, à qui François a rappelé le rôle des sentinelles des artistes, «L'art ne peut jamais être un anesthésiant; il donne la paix, mais il n'endort pas les consciences».
Beauté et harmonie
Le Saint-Père a aussi convoqué la philosophe et humaniste française Simone Weil, «La beauté séduit la chair pour obtenir la permission de passer à l'âme», pour illustrer capacité de l’art à toucher les sens pour animer l’esprit, «La beauté nous fait sentir que la vie est orientée vers la plénitude. La beauté nous fait sentir que la vie est orientée vers la plénitude. Dans la vraie beauté, nous commençons donc à ressentir le désir de Dieu.»
Dans son discours fleuve, le Sucesseur de Pierre est revenu sur les miracles de l’harmonie, «L'harmonie, c'est quand il y a des parties, différentes les unes des autres, qui forment pourtant une unité. C'est une chose difficile, que seul l'Esprit peut rendre possible: que les différences ne deviennent pas des conflits, mais des diversités qui s'intègrent».
L’harmonie réalise donc des miracles, comme à la Pentecôte, un message qui arrive à point nommé alors que l’Eglise elle aussi peut être affectée par les divisions.
«Les pauvres aussi ont besoin d’art»
Enfin, pour clore son discours, chapeauté par le David de Michel-Ange, le Saint-Père est revenu sur un point qui lui est cher: «Les pauvres ont aussi besoin d'art et de beauté. Certains subissent des formes très dures de privation de vie; c'est pourquoi ils en ont le plus besoin». Car les pauvres n’ont pas de voix pour se faire entendre, ainsi les artistes peuvent se faire interprètes de leur «cri silencieux».
Le témoignage de Jean Nouvel
L’architecte français Jean Nouvel, qui a notamment réalisé la Fondation Cartier et l’Institut du monde arabe à Paris en France ou le Musée national du Qatar à Doha, en forme de rose des sables, était présent dans la chapelle Sixtine. «Les religions ont contribué d’une façon extraordinaire au développement des arts, donc il est très important que cette énergie continue et meme s’accentue, également dans la façon de faire en sorte que les arts s’adressent aussi aux plus défavorisés.», salue l’architecte de renommée internationale, au micro de Christine Seuss de la rédaction germanophone de Vatican News – Radio Vatican.
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