Le Pape préface le livre du père Dall'Oglio, disparu il y a 10 ans
Pape François
C'est avec une certaine émotion que nous feuilletons les pages de ce livre dans lequel le père Paolo Dall'Oglio revient sur la règle de la communauté monastique de Deir Mar Moussa, c'est-à-dire qu'il raconte les intentions profondes qui l'ont poussé à faire revivre un ancien monastère syriaque, datant du VIe siècle après Jésus-Christ, en récupérant la grande tradition spirituelle des pères du désert et en lui donnant en même temps le nouveau sens d'un témoignage de l'amour du Christ dans le contexte arabo-musulman.
Mar Moussa al-Habashi (Saint-Moïse l'Abyssin) était sa créature, conçue avec tant d'amour: ces conversations avec ses frères -autour du sens de la règle- transmettent une grande passion. Un esprit libre, refusant le formalisme et les phrases de circonstance; parfois extrême, comme il le reconnaît lui-même avec une dose d'autodérision. Ces conversations révèlent également la profondeur de sa vision, la source de son engagement: «Un monastère dans le désert», explique-t-il avec une image suggestive, «c'est une lumière que l'on voit de loin, c'est une étape sur la route, une station du pèlerinage; pour nous, c'est comme le chêne de Mamré où Dieu devient notre hôte et où nous devenons ses hôtes».
Dix ans se sont écoulés depuis que nous avons perdu toute nouvelle du père Paolo. Avec beaucoup de courage, il avait cherché à entrer en contact, dans le nord de la Syrie, avec les ravisseurs de deux évêques, l'un syrien orthodoxe et l'autre grec orthodoxe, enlevés quelques semaines plus tôt. C'est alors que l'obscurité s'est installée. Jusqu'à présent, sa famille et ses amis n'ont même pas eu droit au geste de pietà que constitue la restitution d'un corps, sur lequel ils pourraient faire leur deuil et auquel ils pourraient donner un enterrement digne. Nous n'avons pas de mots pour exprimer cette douleur et nous sommes incapables de donner un nom et une raison à la haine de ses éventuels persécuteurs.
Nous savons cependant ce qu'il n'aurait pas voulu: blâmer l'Islam en tant que tel pour sa disparition mystérieuse et dramatique; renoncer à ce dialogue passionné auquel il a toujours cru dans le but de «racheter l'islam et les musulmans», comme le dit l'un des préceptes de sa règle. Sur ce point, le père Paolo a été très clair. Il n'a pas ignoré les problèmes, il a écouté les récits de souffrance de ses frères chrétiens arabes, les Coptes, les Chaldéens, les Maronites, les Assyriens... Mais il sentait que sa vocation spécifique et celle de sa communauté monastique était la voie de la fraternité. C'est pourquoi, affirmait-il, quelle que soit la situation, et en tenant compte du pire qui puisse arriver, il reste, pour les chrétiens appelés par Dieu, le rôle de l'amour pour tous les musulmans.
Il ne s'agissait pas de tactiques politiques, mais du regard d'un missionnaire qui expérimente, avant tout sur lui-même, la puissance de la miséricorde du Christ. Un regard qui n'est pas fondamentaliste, mais doux, plein de cette espérance qui ne déçoit pas, parce qu'elle repose en Dieu. Toujours ouvert au sourire. Il est donc émouvant de relire aujourd'hui certains passages prophétiques d'un texte qui ressemble tant à un testament spirituel. En particulier, lorsque le père Paolo parle du jour de sa dernière offrande pour Jésus: «Je dis: notre vocation dans le contexte musulman doit être ornée d'un rire de joie. Et que ce jour soit un jour de joie, si Dieu le veut, lorsque nous goûterons à l'offrande finale pour Jésus et que nous demanderons cette grâce, car c'est une grâce que personne ne peut s'attribuer».
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