Pour François, le cri des migrants naufragés en Méditerranée continue de résonner
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Le geste était symbolique et fort. Pour son premier voyage hors du Vatican depuis son élection quelques semaines auparavant, le nouveau Pape se rendait sur une petite île italienne, Lampedusa, le territoire le plus austral de l’Union européenne, plus proche des côtes africaines que de l’Europe. Ce bout d’Europe au milieu de la mer faisait la une des journaux de tout le continent européen à cause de plusieurs naufrages qui s’étaient succédés les mois précédents. C’était le 8 juillet 2013. Depuis un bateau des garde-côtes italiens, il avait alors lancé une couronne de fleurs en mémoire des migrants morts lors de leur tentative de traverser la Méditerranée après avoir prié de longues minutes.
François allait dénoncer quelques instants plus tard lors de la messe célébrée sur l’île, «la mondialisation de l’indifférence», en rapport avec la multiplication des naufrages d’embarcations de fortune utilisées par des passeurs peu scrupuleux pour transporter des hommes et des femmes, et parfois leurs enfants, d’une rive à l’autre de la Méditerranée en quête d’un avenir meilleur. Depuis, la question migratoire est toujours prégnante en Europe tout particulièrement, et les mentalités n’ont guère évolué.
Peu d’évolution en dix ans
C’est le constat que dresse le Saint-Père dans cette lettre envoyée à Mgr Damiano, l’archevêque d’Agrigente, en Sicile, dont dépend Lampedusa, et dont le diocèse voit encore régulièrement débarquer des candidats à l’immigration. François y exprime sa proximité, assure de sa prière et formule ses encouragements. Il y regrette «la répétition de graves tragédies en Méditerranée» comme le prouve les naufrages récents à Cutro, en Calabre, et à Pylos, en Grèce. «Nous sommes secoués par les massacres silencieux devant lesquels nous restons encore impuissants et stupéfaits», poursuit-il.
«La mort d’innocents, principalement des enfants, à la recherche d’une existence plus sereine, loin de la guerre et de la violence, est un cri douloureux et assourdissant qui ne peut pas nous laisser indifférents. C’est la honte d’une société qui ne sait plus pleurer et avoir pitié des autres», affirme François. Or, «de telles catastrophes inhumaines doit absolument ébranler les consciences» et nous poser cette question que fit Dieu à Adam: «Où est ton frère?».
L’Église appelée à ne pas succomber à la peur de l’autre
Le Pape, une fois encore, appelle à changer de comportement et à ne plus persévérer dans l’erreur de «prétendre se mettre à la place du Créateur», en dominant pour protéger ses intérêts propres, pour rompre l’harmonie constituée entre Lui et nous. «Le frère qui frappe à la porte est digne d’amour, d’accueil et d’attention»; il est sur terre pour «jouir comme moi de ce qui y existe et le partager en communion». C’est pourquoi «nous sommes tous appelés à un sens des responsabilités profond et renouvelé».
Cet appel, François le lance aussi à l’Église qui, «pour être réellement prophétique», doit agir «avec sollicitude pour se placer sur la route des oubliés, sortant d’elle-même, en apaisant avec le baume de la fraternité et de la charité les plaies ensanglantées de ceux qui portent les mêmes blessures du Christ imprimées dans leur propre corps». D’où cette exhortation du Saint-Père aux catholiques de l’Église d’Agrigente à ne pas rester «prisonniers de la peur ou des logiques de partis» et à «être des chrétiens capables de féconder avec la richesse spirituelle de l’Évangile cette île, posée au cœur de Mare Nostrum, afin qu’elle retrouve la splendeur de sa beauté originelle».
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