Le Pape exhorte à donner un visage aux personnes disparues en mer
À 200 mètres de Notre-Dame de la Garde, sur les hauteurs de la ville bleue et blanche, la croix de Camargue veille. Sur la stèle sur laquelle repose la croix, sont gravés les noms de ceux qui ont pris la mer et n’en sont jamais revenus.
Le cardinal Jean-Marc Aveline a d’abord ouvert l'événement, «et maintenant, nous voici devant cette stèle, érigée ici, face à la mer, en hommage aux marins et aux migrants qui ont péri dans le linceul des flots. Dans le cours de votre voyage à Marseille, cette étape est sans doute l’une des plus émouvantes.». Dans le soleil de cette fin d'après-midi, l’archevêque de Marseille a également rappelé que «quand des hommes, des femmes et des enfants, ne connaissant rien à la navigation, fuyant la misère et la guerre, sont dépouillés de leurs biens par des passeurs malhonnêtes, qui les condamnent à mort en les faisant monter sur des embarcations vétustes et dangereuses, c’est un crime !», avant de remercier chaleureusement les responsables de toutes les religions présents dans la Cité phocéenne.
La mer, source de vie et de mort
C’est entouré de responsables de l’association interreligieuse Marseille-Espérance, une association fondée en 1990 qui réunit les responsables religieux de la ville et leurs délégués autour du maire de Marseille, de l’association Stella Maris, et du Secours-catholique de Gap-Briançon que François a ensuite pris la parole, gravement, sur un sujet fil rouge de son pontificat. «La mer se trouve devant nous; elle est source de vie, mais aussi un lieu qui évoque la tragédie des naufrages causant la mort», a noté le Souverain pontife. «Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n'ont pas survécu, qui n'ont pas été sauvés» a-t-il ajouté.
Les naufrages ne doivent pas être considérés comme des faits divers, et les morts des numéros, a soupiré le Pape, précisant que «ce sont des noms et des prénoms, ce sont des visages et des histoires, ce sont des vies brisées et des rêves anéantis». Les paroles ne servent à rien, a-t-il continué, invitant à un moment de silence.
Un devoir de civilisation
Cette mer magnifique surplombée par la Bonne Mère est devenue «un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe, et où seule est ensevelie la dignité humaine.»
La Méditerranée est un carrefour de civilisations, a continué l’évêque de Rome, avant de lancer un vibrant appel:
Au pied de la stèle, François a rappelé que «le Ciel nous bénira si, sur terre comme sur mer, nous savons prendre soin des plus faibles, si nous savons surmonter la paralysie de la peur et le désintérêt qui condamne à mort, avec des gants de velours.»
La croix de Camargue réunit les symboles des trois vertus théologales: la foi, représentée par la Croix latine, l'espérance représentée par l'ancre et la charité, représentée par le cœur.
Un accueil exemplaire
Entouré de représentants religieux, le Pape les a invités à l’exemplarité face aux personnes sur la route de l’exil, «Dieu, en effet, a béni Abraham qui a été appelé à quitter sa terre d’origine: ‘’Il partit sans savoir où il allait’’ (He 11, 8). Hôte et pèlerin en terre étrangère, il accueillait les voyageurs qui passaient devant sa tente (cf. Gn 18): ‘’Exilé de sa patrie, sans abri, il était lui-même la maison et la patrie de tous’’, (St Pierre Chrysologue, Discours, 121)».
Aux racines des trois monothéismes méditerranéens se trouve donc l'hospitalité, a rappelé le Souverain pontife, au cœur d’une ville reconnue pour son sens de l’accueil. «Croyants, nous devons donc être exemplaires dans l’accueil mutuel et fraternel».
Enfin, François a également alerté sur le «virus de l’extrémisme et du fléau idéologique du fondamentalisme qui rongent la vie réelle des communautés.» «Que personne ne garde dans son cœur des sentiments de haine pour son prochain, mais d’amour, car celui qui hait ne serait-ce qu'un seul homme ne pourra pas se tenir tranquille devant Dieu,» a-t-il dit, faisant siens les mots de Césaire d’Arles, un moine français du VIe siècle.
L’engagement auprès des populations migrantes
François a tenu à remercier les associations à ses côtés pour leur engagement solidaire: «Vous êtes le Marseille de l’avenir. Avancez sans vous décourager, afin que cette ville soit pour la France, pour l'Europe et pour le monde une mosaïque d'espérance», comme l’indique le thème des Rencontres méditerranéennes 2023.
En conclusion, au pied de cette stèle qui honore la mémoire de ceux morts en mer, François a invité, s’adressant aux dirigeants européens, à «cesser d'avoir peur des problèmes que la Méditerranée nous pose! Pour l'Union européenne et pour nous tous, notre survie en dépend».
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