«Goûter et voir Dieu», l'invitation de François au clergé mongol
Ils étaient quelques dizaines de fidèles à attendre François devant la pro-cathédrale des Saints-Pierre-et-Paul, consacrée en 2003 et dont la forme rappelle celle d’une yourte. A son arrivée, le Pape a fait un crochet par une ger, l’habitation traditionnelle des familles nomades de Mongolie, appelée généralement «yourte» à l’étranger. Dans cette ger, une femme ayant découvert, il y a une dizaine d'années, une statue en bois de la Vierge dans les poubelles, madame Tsetsege, a offert au Pape une coupe de yaourt. Cette statue mariale trône aujourd'hui dans la cathédrale des Saints-Pierre-et-Paul.
Le président de la Conférence épiscopale d'Asie centrale, Mgr José Luis Mumbiela Sierra, évêque du diocèse de la Sainte Trinité à Almaty au Kazakhstan, a ensuite accueilli le Saint-Père dans la cathédrale, aux cris des «Viva il papa» scandés par la petite foule et des orgues. «Nous qui vivons dans les territoires de la grande steppe, nous sommes habitués à contempler la splendide immensité du ciel bleu permanent. Saint Père, comment pouvons-nous être les fidèles messagers des paroles et des bénédictions éternelles et éviter d'être les marchands de pensées et d'approches envahies par la temporalité?», a notamment demandé Mgr Mumbiela Sierra, question à laquelle a répondu François dans son discours.
Après avoir écouté les témoignages de missionnaires sur place, le Pape a pris la parole, faisant d’emblée part de sa joie d’être parmi eux, «Je suis heureux de vous rencontrer.»
Goûter et voir
Il faut comprendre la Mongolie avec ses sens, avait déclaré François jeudi 31 août dans le vol le portant à Oulan-Bator. Un appel aux cinq sens repris face aux évêques, prêtres, consacrés et agents pastoraux, comme l’invite le psaume 34, «Goûtez et voyez: le Seigneur est bon» .
«Goûter et voir, parce que la joie et la bonté du Seigneur ne sont pas quelque chose de passager, mais demeurent à l’intérieur, donnent du goût à la vie et font voir les choses d’une manière nouvelle», a développé François, savourant le goût de la foi sur la terre mongole.
Dépenser sa vie pour l’Évangile
Les missionnaires en Mongolie dépensent leur vie pour l’Évangile, a continué François, rappelant que la foi sur les terres mongoles avait des racines bien antérieures à la fin du siècle dernier, et remontaient aux expériences du premier millénaire marquées par le mouvement évangélisateur de tradition syriaque, répandu le long de la route de la soie. L’évêque de Rome en a profité pour saluer les figures de l’Église d’Asie à travers les siécles, comme Jean de Montecorvino, premier évêque de Khan Baliq sous la dynastie mongole Yuan, au XIVe siècle ou le père Stephano Kim Seong-hyeon.
«Mais pourquoi dépenser sa vie pour l’Évangile?», a lancé le Saint-Père. «Précisément parce que, comme le rappelle le Psaume 34, nous avons goûté, nous avons senti la bonne saveur, nous avons expérimenté dans sa propre vie la tendresse de l’amour de Dieu.»
Faisant écho au témoignage de sœur Salvia avant sa prise de parole, «la vie chrétienne naît de la contemplation de ce visage, c’est une question d’amour, de rencontre quotidienne avec le Seigneur dans la Parole et dans le Pain de Vie, et dans le visage de l’autre, dans les nécessiteux en qui Jésus est présent», a noté le Pape.
Revenir au regard originel
Sous la statue de la Vierge sauvée des déchets, François a salué le travail des prêtres, consacrés et agents pastoraux: «Vous avez donné vie à une grande variété d’initiatives caritatives, qui absorbent la plus grande partie de vos énergies et reflètent le visage miséricordieux du Christ Bon Samaritain», et en même temps «je vous invite à goûter et à voir le Seigneur, à revenir toujours à ce regard originel d’où tout est né», a-t-il continué.
Sans ce regard originel, «les forces s’épuisent et l’engagement pastoral risque de devenir une prestation de services stérile, dans une succession d’actions dues, qui finissent par ne plus rien transmettre d’autre que lassitude et frustration». Au contraire «en restant en contact avec le visage du Christ, en le scrutant dans les Écritures et en le contemplant dans un silence d’adoration devant le tabernacle, vous le reconnaîtrez sur les visages de ceux que vous servez et vous vous sentirez transportés par une joie intime qui, même dans les difficultés, laisse la paix au cœur.»
Les frères et sœurs mongoles ont un sens prononcé du sacré, et ils attendent ce témoignage, a expliqué François. Le Seigneur Jésus n’a pas envoyé les siens dans le monde pour propager une pensée politique, mais «pour témoigner par leur vie de la nouveauté de la relation avec son Père, devenu “notre Père” déclenchant ainsi une fraternité concrète avec chaque peuple».
L'essentielle communion de l'Église
Continuant son discours, le Saint-Père est revenu sur la figure de Mgr Giorgio Marengo, 48 ans, plus jeune cardinal du monde: «Le fait que votre évêque soit un cardinal se veut ainsi une expression supplémentaire de proximité: vous tous, éloignés seulement physiquement, vous êtes très proches du cœur de Pierre».
Cette communion de l’Église est essentielle, a-t-il rappelé, revenant sur l’importance du lien entre les communautés ecclésiales et l’évêque. Avant de conclure, François a invité les missionnaires à continuer de témoigner de l’amour du Christ sur les terres mongoles: «Continuez à le faire en cultivant la communion. Réalisez-le dans la simplicité d’une vie sobre, à l’imitation du Seigneur, qui est entré à Jérusalem sur le dos d’un âne et qui fut même dépouillé de ses vêtements sur la croix». Il leur a rappelé que la Mère du Ciel, comme est nommée en Mongolie la Vierge Marie, est là pour les soutenir, à l’image de cette statue sauvée du dépotoir, «sans tache, préservée de tout péché, elle a voulu se faire proche au point d’être mêlée aux déchets de la société, de sorte que la pureté de la sainte Mère de Dieu a émergé de la saleté des ordures.»
Enfin, «Dieu aime la petitesse et aime accomplir de grandes choses à travers la petitesse», a tenu a rappelé le Pape dans cette cathédrale construite telle une ger.
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