Dans un monde de guerres, le Pape prévient contre la perte de la capacité de rêver
Christian Losambe – Cité du Vatican
«Les hommes ont deux yeux, mais l'un de chair et l'autre de verre. Avec le premier, ils voient ce qu'ils regardent, avec l'autre, ce qu'ils rêvent». Tels sont les mots du Pape François, inspirés d’un écrivain latino-américain, saluant les représentants du DIALOP, qu’il a reçus avant l’audience générale de ce 10 janvier.
Aujourd'hui, dans un monde divisé par les guerres et les polarisations, a souligné François, «nous courons le risque de perdre la capacité de rêver». Toutefois, les a-t-il invités, «ne reculez pas, n’abandonnez pas, ne cessez pas de rêver d’un monde meilleur», précisant que «c'est dans l'imagination que l'intelligence, l'intuition, l'expérience et la mémoire historique s'unissent pour créer, pour oser et pour risquer». Dans cette perspective, trois attitudes valables leur ont été recommandées pour leur engagement: le courage de la rupture, l'attention aux plus faibles et la promotion de la légalité.
Inverser le cours des choses
Dans une période marquée à différents niveaux par des conflits et des fractures, le Pape a exhorté la délégation du DIALOP à «ne pas perdre de vue ce qui peut encore être fait pour inverser le cours des choses». Contre les approches rigides qui séparent, «cultivons la confrontation et l’écoute à cœur ouvert, sans exclure personne, aux niveaux politique, social et religieux, afin que la contribution de chacun puisse, dans sa particularité concrète, être accueillie positivement dans le processus de changement auxquels notre avenir est lié», a-t-il invité.
Ne pas se laisser dicter par la finance et les mécanismes du marché
La deuxième attitude recommandée par le Saint-Père plaide en faveur de l’attention portée aux plus faibles, «puisqu’une civilisation se mesure à la manière dont sont traités les plus vulnérables». Cette invitation vaut son pesant d’or au regard des grandes dictatures, en l’occurrence le nazisme, «qui les ont tués, les ont rejetés: "les pauvres, les chômeurs, les sans-abris, les immigrés, les exploités", tous ceux que la culture du rejet transforme en déchets». «Et c’est là l’une des choses les plus laides», a déploré François, soulignant «qu’une politique réellement au service de l’homme ne peut se laisser dicter par la finance et les mécanismes du marché».
«La solidarité, en plus d'être une vertu morale, est une exigence de justice, qui nécessite de corriger les distorsions et de purifier les intentions des systèmes injustes, y compris par des changements radicaux de perspective dans le partage des défis et des ressources entre les hommes et entre les peuples», a-t-il expliqué. Puis d'appeler «poètes sociaux», ceux qui s’engagent dans ce domaine car «la poésie est créativité, et il s'agit ici de mettre la créativité au service de la société, pour qu'elle soit plus humaine et plus fraternelle. «N'ayez pas peur de la poésie, la poésie c'est la créativité. N'oublions pas cette capacité à rêver», a rappelé l’évêque de Rome.
Non à la corruption et à l’illégalité
La promotion de la légalité a été la dernière attitude que le Pape a recommandée aux représentants du DIALOP. La légalité, a-t-il dit, «implique un engagement à lutter contre le fléau de la corruption, de l'abus de pouvoir et de l'illégalité». «Ce n'est que dans l'honnêteté, que des relations saines peuvent être établies et que nous pouvons coopérer avec confiance et efficacité à la construction d'un avenir meilleur», a-t-il laissé entendre.
Au terme de son discours, le Saint-Père a remercié les membres présents en faveur de leur engagement et du dialogue, qui est toujours nécessaire. «Je prie pour vous et vous souhaite sagesse et courage dans votre travail pour un monde plus juste et plus pacifique. Que l'Évangile de Jésus-Christ inspire et éclaire toujours vos recherches et vos actions», a-t-il conclu.
Dix ans de travail
Le DIALOP est un projet de dialogue entre socialistes/marxistes, communistes et chrétiens, visant à formuler une éthique sociale commune ,qui puisse être proposée comme un nouveau récit pour une Europe en quête d'identité, avec à sa base une écologie intégrale entre la Doctrine sociale de l'Église et la critique sociale marxiste. L’initiative est née en 2014 après une rencontre entre François lui-même, Alexis Tsipras, alors président du parti Syriza, puis premier ministre grec depuis 2015, Walter Baier, président du Parti de la gauche européenne et Franz Kronreif du mouvement des Focolari (tous deux étaient présents à l'audience d'aujourd'hui).
Il sied de noter, par ailleurs, qu’au cours de l'audience avec le Pape François, la délégation a voulu présenter au Souverain pontife, les résultats du travail de ces dix dernières années, réalisé également avec le soutien du dicastère pour la Culture et l'éducation catholique. Au-delà des limites religieuses et idéologiques, explique l’association dans une note, «les chrétiens et les marxistes, ainsi que les personnes de bonne volonté, se reconnaissent aujourd'hui unis dans l'engagement pour la fin des conflits armés dans le monde et la sécurité des droits humains les plus fondamentaux, afin de garantir l'équilibre social et la paix à l'humanité».
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