François: le journaliste doit privilégier la diffusion de la connaissance

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

L’invitation à être des «constructeurs de ponts» revient régulièrement dans les prises de paroles du Pape; elle semble cependant particulièrement adaptée à ceux dont le métier est de raconter le monde et son actualité, et plus particulièrement aux journalistes vaticanistes, chargés de suivre au jour le jour l’actualité du Souverain pontife. François, devant 150 des 250 membres que compte aujourd’hui l’AIGAV, l’association internationale des Journalistes accrédités au Vatican, a donc renouvelé cette invitation lundi 22 janvier, opposant à la construction de ponts, l’érection de «murs de division et de méfiance». Le journaliste spécialisé dans l’information religieuse ne répond pas à des critères qui cataloguent l’Église dans les tiroirs du «profane» et de la «politique» qui auraient plutôt pour conséquence de «déformer» l’information sur la vie de l’Église.

Chercheurs de vérité, pas de sensationnalisme

Citant Luigi Accatoli, vaticaniste du quotidien italien Il Corriere della Sera, aujourd’hui retraité, le Saint-Père met en garde contre «la vocation native de la communication de masse de manipuler l’image de l’Église». Puisant ses propos aussi dans le discours de son prédécesseur saint Paul VI aux représentants des médias du 29 juin 1963, François imagine le vaticaniste comme un journaliste soucieux des «finalités religieuses et morales» ainsi que des «qualités spirituelles» de l’Église qu’il est chargé de raconter.

Ceci implique, poursuit l’évêque de Rome, la nécessité de «porter le regard au-delà des apparences», «savoir cueillir la substance» et «ne pas céder à la superficialité des stéréotypes et des formules toutes faites de l’information spectacle» qui détournent de «la beauté» de l’activité professionnelle du vaticaniste fondée «sur le roc solide de la responsabilité dans la vérité, et non sur les sables fragiles du bavardage et des lectures idéologiques». La recherche de vérité consiste «à ne pas cacher la réalité et même ses misères, sans édulcorer les tensions mais en même temps sans faire de clameurs inutiles». À ce propos, François salue «la délicatesse» avec laquelle les vaticanistes ont traité les scandales de l'Église.

Le journalisme est «une vocation, un peu comme pour un médecin», observe François. Le médecin aime l’humanité et en soigne les blessures; le journaliste «touche du doigt les blessures de la société et du monde».

Enfin, pour cette audience avec «ses compagnons de voyage», le successeur de Pierre s’est aussi excusé pour l’exigence que requiert le suivi de l’actualité vaticane: travailler les dimanches et les jours de fête, à Pâques, à Noël, ou s’éloigner plusieurs jours pour suivre le Pape au cours de ses voyages apostoliques. Autant de «sacrifices», de temps soustrait à la vie de famille et aux «jeux avec vos enfants» pour lesquels François demande pardon.

Les vaticanistes

Les journalistes chargés de suivre l’actualité du Vatican sont regroupés en une association, l’AIGAV, depuis le 6 juin 1978. Ils sont 250, en provenance des cinq continents, et représentent 130 médias, catholiques et non catholiques, répartis entre presse écrite, radio, télévision et agences de presse. L’AIGAV facilite les échanges et l’entraide entre vaticanistes; elle participe activement à l’organisation des voyages apostoliques en coordonnant les pools, lorsque seul un petit groupe de journalistes est admis sur un événement. L’association est doté d’un Conseil élu pour un mandat de trois ans. Ce dernier comprend actuellement 10 journalistes de 6 nationalités différentes, et est présidée par un français, Loup Besmond de Senneville, envoyé spécial permanent du quotidien La Croix. Ce dernier dit volontiers que les vaticanistes sont à la fois les témoins directs du ministère pétrinien, et les yeux et les oreilles de centaines de millions de lecteurs, auditeurs et téléspectateurs partout dans le monde.