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Le Pape François, recevant une gerbe fleur lui souhaitant la bienvenue, lors de son arrivée à l'aéroport international de Ndjili (Kinshasa) pour son voyage apostolique en RD Congo, du 31 janvier au 3 février 2023 Le Pape François, recevant une gerbe fleur lui souhaitant la bienvenue, lors de son arrivée à l'aéroport international de Ndjili (Kinshasa) pour son voyage apostolique en RD Congo, du 31 janvier au 3 février 2023  (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

La RDC, un an après la visite du Pape François: un peuple d’espérance

Une année après sa visite historique en République Démocratique du Congo (RDC), pays très enraciné dans la foi catholique, les appels et les messages du Saint-Père résonnent encore dans les cœurs des Congolais, suscitant joie et espérance. C’est ce qu’a laissé entendre le président de la Conférence épiscopale nationale du Congo, Mgr Marcel Utembi, dans un entretien accordé à Radio Vatican.

Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican

Des sons de tambours, des applaudissements et des cris des foules en liesse: tel fut le climat dans lequel fut accueilli le Pape François en RDC le 31 janvier 2023, lors de son 40ème voyage apostolique, qui l’a aussi conduit au Soudan du Sud. Les souvenirs des événements qui ont entouré cette visite historique restent encore bien vivants et ravivent l’espérance de ce pays majoritairement chrétien, avec une très forte présence catholique, au sortir d’un processus électoral entaché de plusieurs irrégularités dénoncées par bon nombre d’observateurs. Dans un entretien accordé à Radio Vatican, le président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et archevêque de Kisangani, Mgr Marcel Utembi, n’a pas manqué d’exprimer sa joie, et celle de la communauté catholique congolaise, tel qu’on peut le lire dans le bilan qu’il dresse de cette visite très mémorable de François, effectuée du 31 janvier au 3 février 2023 à Kinshasa, la capitale congolaise. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.

Suivre l’entretien avec Mgr Marcel Utembi Tapa, archevêque de Kisangani et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco)

Excellence, une année après cette visite historique du Saint-Père en RDC, quel bilan pouvez-vous dresser?

Le bilan de la visite du Pape en République Démocratique du Congo, du 31 janvier au 3 février 2023, est très positif. Le peuple congolais a été édifié par cette visite apostolique du Saint-Père. Jusqu'à aujourd'hui, le peuple de Dieu au Congo se souvient de ces beaux moments comme si c'était hier. Et encore, dans la ville de Kisangani, de Kinshasa, et ailleurs aussi, l’on voit encore les pancartes, les tableaux, les grandes affiches avec les effigies du Pape François et les logos de sa visite dans notre pays.

Accueil du Pape François le 1er février 2023 à l’aérodrome de Ndolo, où a été célébré la messe en présence de plus d’un million de personnes
Accueil du Pape François le 1er février 2023 à l’aérodrome de Ndolo, où a été célébré la messe en présence de plus d’un million de personnes

«Tous réconciliés en Jésus-Christ» était le thème de cette visite. Votre pays a-t-il aujourd'hui besoin de réconciliation? Si oui, de quelle manière?

Notre pays a encore, en effet, besoin de la réconciliation, de la réconciliation en Jésus-Christ, qui comporte plusieurs dimensions. Il y a, d'abord, la dimension personnelle qui concerne les rapports de chaque baptisé avec le Christ. Comme pécheurs, nous avons besoin d’être pardonnés; et cette réconciliation, c'est une aspiration constante et permanente présente dans l'esprit de chaque Congolais, de chaque Congolaise, particulièrement des chrétiens et des chrétiennes. Et le deuxième volet, la deuxième dimension, c'est ma relation avec l'autre, avec les autres. Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous avons encore besoin de cette réconciliation dans la mesure où les relations ne sont pas toujours au beau fixe.


Et comme vous le savez, certaines parties de notre pays sont déchirées par la guerre: des guerres d'agression, mais aussi des guerres terrestres et communautaires. Donc, nous avons besoin effectivement d'être réconciliés. Et les appels du Pape François continuent à sonner dans nos régions, en chacun de nous et autour de nous.

Au regard de ce contexte, qu'est-ce que la visite du Saint-Père a apporté à l'Église et à l'État congolais?

La visite du Saint-Père nous a apporté la joie, le réconfort dans un contexte caractérisé par des guerres, des catastrophes naturelles, et tant d’autres calamités. Et cette visite nous a permis de repartir sur de nouvelles bases grâce à ces mots du Pape: «vous avez raison d'espérer, vous pouvez vivre ensemble, vous êtes frères, vous pouvez vous réconcilier, donner une chance à la fraternité, pour vivre ensemble et vivre en communauté». Donc, nous pensons que cela garde encore toute son actualité et nous devons continuer à nous laisser toucher par les différentes paroles du Saint-Père que nous avons enregistrées dans ses messages et discours, mais aussi dans ses entrevues avec les différents groupes rencontrés.

Le Pape François, avec les survivants des atrocités de l’Est du Congo, le 1er février 2023, à Kinshasa
Le Pape François, avec les survivants des atrocités de l’Est du Congo, le 1er février 2023, à Kinshasa

Excellence, parmi les phrases des discours du Saint-Père, certaines sont restées célèbres, particulièrement celle-ci: «Retirez vos mains de la RDC, retirez vos mains de l'Afrique, cessez d'étouffer l'Afrique, elle n'est pas une mine à exploiter, ni une terre à dévaliser». Qu'en pensez-vous, surtout au sujet de l'exploitation des ressources du Congo et de l'Afrique?

Le discours du Saint-Père a été très interpellant parce que le Congo est victime aussi du néo-colonialisme économique. Le Congo regorge, en effet, de ressources naturelles importantes, représentant une grande réserve au niveau mondial à bien des égards. Malheureusement, au lieu que ces richesses puissent bénéficier à la population, elles continuent plutôt d'être exploitées par les multinationales. Je dois assurer que notre pays est potentiellement riche en ressources naturelles, mais la population est véritablement pauvre. Et donc, une bonne partie de la population croupit dans la misère.


Et nous, au niveau de la Conférence épiscopale nationale du Congo, nous avons une commission de ressources naturelles qui analyse régulièrement cette problématique, qui interpelle aussi les différents protagonistes dans leur manière d'exploiter le peuple congolais à travers l'exploitation des ressources naturelles qui ne bénéficient pas, qui ne profitent pas à ce peuple.

Excellence, votre pays vient de sortir d'un processus électoral assez tendu, une nouvelle étape vient d'être inaugurée. Comment entrevoyez-vous l'avenir de votre pays après ce scrutin entaché de plusieurs irrégularités, dénoncées par plusieurs observateurs?

L'Eglise au Congo s'est engagée dans l'accompagnement du peuple et des institutions de la République non seulement à travers l'éducation civique et électorale, mais aussi à travers la mission d'observation électorale. Et comme vous le savez, nous avons travaillé dans le cadre des missions d'observation électorale avec les protestants, et nos conclusions ont été rendues publiques.

Nous avons relevé effectivement beaucoup d'irrégularités dans ces processus, du début jusqu'à la fin de l'année, et même jusqu'au jour du vote. Et après le vote du 20 décembre dernier, il s'est révélé encore une série d'irrégularités, de fraudes massives. Cela a eu, comme effet évidemment, la frustration dans le chef, non seulement de certains candidats qui se sont engagés à le faire sentir, mais aussi de la population qui a usé de son droit d’élire, puisque la vérité n’a pas été prise en considération.

Toutefois, le processus électoral est une étape: ça commence et ça prend fin. Après le processus électoral, la vie nationale doit reprendre. Et dans tout ce contexte, je crois qu'il serait important que les dirigeants reconnus par la Cour constitutionnelle fassent preuve de changement. Les systèmes de pouvoir étant pour le peuple, les dirigeants doivent apporter aussi leurs contributions au bon fonctionnement des institutions, au bon fonctionnement de l'État congolais. Voilà pourquoi les dirigeants d'aujourd'hui doivent accorder de l’espace à ceux qui ne l’ont pas pour qu'ils puissent aussi contribuer au relèvement de la nation à travers des mécanismes politiques, comme par exemple des concertations, créer des espaces de rencontres, des espaces de dialogue au niveau du pays…, en respectant les libertés fondamentales des personnes.

Au Stade des Martyrs, le Pape s’est entretenu avec les jeunes et les catéchistes, le 2 février 2023
Au Stade des Martyrs, le Pape s’est entretenu avec les jeunes et les catéchistes, le 2 février 2023

Mgr Utembi, l’on dit que les jeunes sont l'avenir de toute une nation, et en particulier au Congo. A Kinshasa, le Pape a eu à rencontrer la jeunesse congolaise au stade des Martyrs. Il leur avait notamment parlé de l'analogie des cinq doigts, en indiquant les valeurs de prière, communauté, honnêteté, pardon et service. En quoi ces valeurs pourraient-elles aider les jeunes Congolais à être des bâtisseurs de paix et de cohésion sociale?

Les jeunes constituent l'espoir pour l'Église et aussi pour la nation, pour la société en général. Et les enseignements reçus du Saint-Père, et nous comme pasteurs, nous sommes conviés à les relayer et à les répercuter. Dans chaque diocèse, en effet, il y a une commission qui s'occupe de la pastorale des jeunes et les propos du Pape sont devenus des points intégrés dans la catéchèse. Et même au niveau des provinces ecclésiastiques, il y a eu des journées ou des congrès qui ont été organisés autour des thèmes développés par le Saint-Père à l’intention des jeunes.


Nous accordons de l'importance à cette catéchèse du Saint-Père aux jeunes et nous, nous prenons le relais pour les aider davantage, puisque les jeunes ont une place à occuper dans la société, dans l'Église, aujourd'hui, ici et maintenant.

Quel rôle d'église du Congo veut continuer à jouer dans le contexte qui est le vôtre?

Nous sommes appelés à jouer notre rôle massif: «éduquer au sens de valeurs, au sens d'engagement, au sens de responsabilité», c'est ce que nous sommes appelés à faire. Et face aux institutions publiques et même aussi face au peuple en général, à la société en général, nous avons une mission prophétique à exercer pour annoncer la vérité, la justice, dénoncer les antivaleurs, notamment l’injustice et la corruption. Nous devons aussi encourager ce qui est bien puisqu’il y a bien de choses qui se font dans l'Église et dans la société, que nous sommes appelés, en raison de notre rôle de pasteur et de prophète, à encourager, à stimuler et à promouvoir.

Le Pape François, au milieu d’une foule en liesse, à Kinshasa, lors de son 40ème voyage apostolique en République Démocratique du Congo, du 31 janvier au 3 février 2023.
Le Pape François, au milieu d’une foule en liesse, à Kinshasa, lors de son 40ème voyage apostolique en République Démocratique du Congo, du 31 janvier au 3 février 2023.

Un dernier mot

En conclusion, j’inviterais le peuple de Dieu qui est RD Congo à méditer les enseignements, les exhortations et les interpellations du Saint-Père pour améliorer notre propre vie, notre condition de vie sociale, notre niveau d'engagement dans l'édification de notre société avec les valeurs humaines, avec les valeurs évangéliques et chrétiennes.

J’aimerais rappeler, en outre, que le Pape nous aime. Nous l’avons accueilli chaleureusement et nous souhaitons que cet accueil puisse perdurer dans nos esprits à travers notre engagement, la mise en application de tout ce qu’il nous a laissé comme héritage spirituel dans ces divers messages et enseignements.

Je demanderais, enfin, à ce que le peuple de Dieu en RD Congo se joigne à l’invitation du Pape François aux pèlerins qui viennent à sa rencontre régulièrement pour l’Angélus: celle de prier pour lui. Ainsi, je réitère exactement cet appel du Saint-Père auprès du peuple congolais, à prier pour sa santé pour que le Seigneur lui accorde tout ce qui est nécessaire afin de mener à bien la responsabilité qu’il lui a confiée.

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31 janvier 2024, 17:59