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Le Pape François et cardinal Simoni lors de l'audience générale du 14 février 2024.  Le Pape François et cardinal Simoni lors de l'audience générale du 14 février 2024.   (Vatican Media)

Remerciements du Pape au cardinal Simoni, «martyr vivant» de la dictature

Présent à l’audience générale de ce mercredi 14 février, le cardinal Simoni a été emprisonné pendant vingt-huit ans sous le régime communiste en Albanie. Le Pape François l'a remercié pour son engagement «à témoigner et à travailler pour l'Église, sans se décourager».

Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican

La première fois que le monde a vu François pleurer, c’était le 21 septembre 2014 lors de son premier voyage international en Albanie lorsque, au cours d'une réunion avec le clergé à Tirana, le Pape a entendu le témoignage d'un prêtre, le père Ernest Simoni Troshani. Ce prêtre à la voix fluette, alors âgé de 87 ans et rattaché au diocèse de Shkodrë-Pult, avait passé environ vingt-huit ans en prison, victime de torture, de menaces de mort et de travail forcé sous le régime d'Enver Hoxha, ancien dictateur qui avait proclamé l'Albanie «premier État athée du monde». Ce jour-là, le père Simoni a raconté au Pape cette période cruelle de l’histoire de l’Albanie, dont il est le seul prêtre témoin encore en vie. François, après avoir écouté son témoignage en silence et retiré ses lunettes pour essuyer ses larmes, l'avait longuement pris dans ses bras, posant son front sur celui du prêtre. Deux ans plus tard, lors du consistoire de 2016, il l'avait créé cardinal en signe de gratitude pour ce témoignage de «martyr».

Les nombreux martyrs d'aujourd'hui

Ce mercredi 14 février, le cardinal Simoni était présent à l'audience générale, assis sur l'une des chaises latérales de la scène de la Salle Paul VI, réservées aux évêques et cardinaux. Après la catéchèse, et au moment des salutations dans les différentes langues, François a tourné son regard vers lui pour le saluer «de façon particulière», et le louer devant les milliers de fidèles présents.

«Nous avons tous lu, nous avons entendu les récits des premiers martyrs de l'Église, qui sont si nombreux», a déclaré François, rompant avec le texte écrit. «Même ici, où se trouve aujourd'hui le Vatican, il y a un cimetière et beaucoup ont été exécutés ici et enterrés ici. Lorsque vous faites des fouilles, vous trouvez ces tombes».

«Mais encore aujourd’hui, il y a de nombreux martyrs dans le monde entier, beaucoup, peut-être plus qu'au début. Il y a tant de personnes persécutées pour leur foi», a déploré le Souverain pontife.

Toujours au service de l'Église

Aujourd'hui, a poursuivi François en s’adressant au cardinal Simoni, «je me permets de saluer de façon particulière un martyr vivant». «En tant que prêtre et évêque, il a vécu vingt-huit ans en prison, dans la prison communiste d'Albanie, peut-être [sous] la persécution la plus cruelle», a déclaré le Pape. Aujourd'hui, le cardinal albanais «continue de témoigner. Et comme lui, beaucoup, beaucoup [d’autres]". Âgé de 95 ans, le cardinal Simoni «continue de travailler pour l'Église sans se décourager», a souligné le Saint-Père avant de le remercier pour son témoignage.

Les mots du Pape à son retour de Tirana

Les paroles émouvantes du Pape à la fin de l'audience ­accompagnées d'un nouvel appel à ne pas oublier, surtout en ce temps de Carême, «les martyrs d'Ukraine, de Palestine et d'Israël qui souffrent tant», et ceux qui «souffrent de la guerre»- rappellent celles prononcées dans l'avion au retour de Tirana. Au cours de l'interview habituelle après chaque voyage, François avait fait part aux journalistes de l’émotion procurée par le récit du cardinal Simoni: «Vraiment, entendre un martyr parler de son propre martyre est puissant. Je pense que nous avons tous été émus par ces témoins qui ont parlé avec naturel et humilité, et qui semblaient presque raconter les histoires de la vie d'un autre».

L'arrestation, les menaces, la persécution

Le père Ernest Simoni Troshani avait été arrêté la nuit de Noël 1963, à la fin de la messe à Barbullush. On l'avait accusé d'être un «ennemi du peuple» à cause de la messe de suffrage célébrée pour l'âme du président Kennedy, décédé un mois plus tôt. Une messe, raconte-t-il, «célébrée selon les instructions données par Paul VI à tous les prêtres du monde». À l’isolement pendant dix-huit ans, les représentants du régime lui avaient amené un ami chargé de l'espionner, et les autres camarades avaient reçu l'ordre d'enregistrer sa «rage prévisible» contre le régime.

Cependant, seuls des mots de pardon et de prière sortaient de la bouche du prêtre. «Jésus nous a enseigné qu'il fallait aimer nos ennemis et leur pardonner, et que nous devions travailler pour le bien du peuple», a-t-il continué à dire. D'abord condamné à mort, sa peine a été commuée en travaux forcés, précisément vingt-cinq ans, dans les tunnels sombres des mines de Spac, puis dans les égouts de Shkodra.

Messes et confessions en secret dans sa cellule

Pendant son séjour en prison, le cardinal Simoni a raconté qu'il célébrait la messe en latin par cœur, entendait les confessions d'autres prisonniers, devenait le père spirituel de certains d'entre eux, et distribuait la communion, avec une hostie cuite secrètement sur un petit réchaud et du vin fabriqué à partir du jus de raisin. Une fois libéré, le 5 septembre 1990, il confirme son pardon à ses bourreaux, invoquant pour eux la miséricorde du Père. Puis il a commencé à servir dans les villages, en aidant surtout les personnes «en vengeance avec la croix du Christ», à se réconcilier et à bannir la haine de leur cœur. Un service qui n'a jamais été interrompu, ni en raison de son âge, ni en raison de sa nomination comme cardinal. Ce qui, a tenu à préciser le cardinal, n'est rien d'autre qu'une reconnaissance pour tous les martyrs et les catholiques persécutés de son pays. Parmi ceux-ci, le premier cardinal albanais de l'histoire, créé en 1994 par Jean-Paul II: Mikel Koliqi (1902-1997), son concitoyen originaire de Shkodra, longtemps emprisonné dans les geôles du régime, où il a purgé pas moins de 31 ans.

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14 février 2024, 12:39