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La caravane humaine dans la jungle du Darién s'étire sur des dizaines de kilomètres. La caravane humaine dans la jungle du Darién s'étire sur des dizaines de kilomètres.   (ANSA)

Le chemin de croix des migrants du Darién, un défi pour l’Église

Le Pape envoie un message aux évêques de Colombie, du Panama et du Costa Rica, réunis du 19 au 22 mars, pour s’interroger sur la pastorale et l‘accompagnement des migrants qui traversent leurs diocèses et la région du Darién pour rejoindre le nord de l’Amérique. Un «chemin de croix» emprunté par 82 000 personnes depuis janvier. François encourage les évêques à trouver des solutions pour aider ces «victimes de l’indifférence», tant de la part des pays de transition que d’accueil.

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

«Pâques avec nos frères et sœurs migrants». Tel est le titre de la rencontre du 19 au 22 mars entre les évêques de trois pays d’Amérique centrale: la Colombie, le Costa Rica et le Panama. Réunis par le dicastère pour le Service du développement humain intégral, ils se donnent l’objectif d’analyser et de réfléchir à la crise migratoire que connaissent leurs trois pays.

L’enfer de la jungle du Darién

Dans un message, le Pape se réjouit de cette initiative réunissant ces évêques dont les pays sont traversés par la même route migratoire. Il reprend un message de l’Évangile de Matthieu dans lequel les disciples interrogent Jésus: «Où veux-tu que nous te préparions à manger la Pâque?» (Matthieu 26,17). Le Saint-Père assure qu’aujourd’hui, l’Église en s’unissant au Christ doit répondre: «au Darién, avec nos frères et sœurs migrants». 

«Avec son visage multiculturel», la caravane de migrants qui tentent de rejoindre l’Amérique du Nord «devient aujourd'hui un véritable chemin de croix, qui non seulement met en évidence les limites de la gestion des migrants dans l'hémisphère occidental, mais aussi alimente un commerce florissant qui permet d'accumuler les profits illicites de la traite des êtres humains», a déploré le Pape. Il estime que malgré les dangers de la migration, et le refoulement voire la détention dont sont victimes les migrants dans les pays d’accueil, «l’attrait réel ou illusoire de la satisfaction des besoins de travail et de meilleures conditions de vie ou, même, du regroupement familial espéré» n’est pas réduit.

“[  En tant que chrétiens, chaque réfugié ou migrant qui quitte sa patrie nous interpelle. Dans nos peuples, nous trouvons à la fois la fraternité hospitalière qui accueille avec une sensibilité humaine, mais aussi, malheureusement, l'indifférence qui ensanglante le Darién.  ]”

Se reconnaître tous comme migrants

Le Pape encourage à lutter contre cette indifférence pour que chaque «frère ou une sœur migrant(e) arrive, qu’il ou elle trouve dans l'Église un lieu où il ou elle ne se sente pas jugé(e), mais accueilli(e)».

À l’image d’Isaïe, qui élargit l'espace de la tente (Is 54, 2), François encourage les évêques à se reconnaître eux-mêmes étrangers, pour «créer les conditions nécessaires pour accueillir notre prochain comme un frère ou une sœur».

Être une Église sans frontières

Il incite également les évêques à porter secours aux migrants à travers les nombreuses œuvres sociales et humanitaires qui travaillent auprès des migrants. «Ne négligez pas ces structures, qui sont autant d'opportunités d'accueil et de charité pour nos frères et sœurs les plus démunis», demande le Souverain pontife.

Des migrants arrivent à Bajo Chiquito, premier village le long de la frontière côté Panama.
Des migrants arrivent à Bajo Chiquito, premier village le long de la frontière côté Panama.


Le droit de ne pas migrer

De plus, si le Pape encourage les évêques à promouvoir une approche régionale de la pastorale des migrants, il insiste sur le droit de ne pas migrer.

“Je vous invite à unir vos efforts à ceux de toutes les instances de la communauté internationale pour que chacun ait le droit de rester dans son pays et d'y mener une vie digne et paisible.”

«Chers frères et sœurs, puissions-nous former une Église disposée à accueillir, protéger, promouvoir et intégrer tout le monde, sans distinction et sans exclure personne, en reconnaissant le droit de chacun à contribuer, par son travail et son engagement personnels, au bien de tous et à la protection de notre maison commune», conclut le Saint-Père.

Cette rencontre se déroule alors que les traversées de la jungle de Darién, province du Panama et passage obligé entre le nord et le sud de l’Amérique, reprennent avec une forte hausse. «Nous avons actuellement une variante de 1 200 à 1 500 migrants par jour» qui arrivent dans les centres de soins panaméens «et la courbe est à la hausse», tout comme les besoins en matière d'alimentation, de santé et de sécurité, a déclaré Luis Francisco Sucre, ministre de la Santé du Panama. Depuis janvier, la frontière naturelle entre la Colombie et le Panama a déjà été traversée par plus de 82 000 personnes, selon les autorités panaméennes.

Plus la caravane humaine grandit, plus les difficultés sanitaires explosent. L’ONG Médecins Sans Frontières a dénoncé en février 2024 «l'augmentation des agressions brutales et des violences sexuelles dans la jungle».

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20 mars 2024, 16:33