Pour les enfants, la fraternité est la langue maternelle de tous
Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican
"Enfants: génération future", tel était le titre de la rencontre que le pape François a tenue cet après-midi dans la nouvelle salle du Synode, dans le cadre de l'événement #BeHuman, la deuxième rencontre sur la fraternité humaine qui s'est tenue vendredi et samedi à Rome et au Vatican, organisée par la Fondation Fratelli tutti sous la présidence du cardinal Mauro Gambetti, vicaire général du Pape pour la Cité du Vatican. Au cours des deux journées de travail, et des 12 tables-rondes thématiques de la rencontre, une trentaine de Prix Nobel de la Paix et d'autres représentants prestigieux du monde scientifique, académique, économique, institutionnel et sportif ont travaillé ensemble pour approfondir le principe de fraternité dans différents domaines sociaux, économiques et politiques. L'objectif est de produire des propositions pour une planète fraternelle en cherchant des alternatives aux guerres et à la pauvreté.
Le Pape à l’écoute des enfants
Les travaux avaient commencé depuis une heure lorsque François arrive dans la salle du Synode, où Aldo Cagnoli, coordinateur avec le père Enzo Fortunato de la Journée mondiale de l'enfance qui se tiendra les 25 et 26 mai, coordonnent les échanges. Avant l'arrivée du Pape, plusieurs intervenants ont pris la parole, dont Jody Williams, Prix Nobel de la Paix et accompagnatrice des enfants de la Fondation City of Peace for Children. Aldo Cagnoli souhaite la bienvenue à François et lui raconte le chemin préparatoire de la Journée mondiale des enfants. «Cette table-ronde, dit-il, est le fruit d'une de vos grandes intuitions, celle d'être à l'écoute des plus petits». «Nous plantons des graines qui, une fois germées, aideront à créer une meilleure conscience collective que celle dont nous, les adultes, avons fait preuve», ajoute-t-il avant de réserver au Saint-Père une «surprise».
L'entrée des «scientifiques»
Lorsque le modérateur de la table ronde “génération future” annonce au Saint-Père l’entrée des «scientifiques», des dizaines d’enfants couronnés de lauriers envahissent la salle du synode. Chacun colle une feuille verte sur les branches d’un vieil arbre sec au milieu de la salle pour lui redonner vie, et faire ainsi renaitre l’espérance. Le tout devant le regard amusé du Pape qui dans un joyeux chaos, se retrouve rapidement encerclé par tous ces enfants, qu’il aura fallu faire asseoir en s’armant de patience.
Le silence revenu, François se lance dans un jeu de questions-réponses, et demande: «Qu’est ce que le bonheur?». Les plus courageux tentent une réponse: «Pour moi, c’est être tous unis, une seule famille, la famille de Dieu», dit l’un; «la paix», dit un autre. «Je t’aime, Pape François», s’hasardent deux enfants à l’attention du Saint Père. Et François, de plus en plus amusé, continue «Où s’achète le bonheur?». «Le bonheur ne s’achète pas», lance une jeune fille assurée de la justesse de sa réponse. «On peut être heureux si on est en contact avec Dieu», répond une autre. Le Pape cueille la balle au bond: «Comment peut-on entrer en contact avec Dieu?». «En priant», répondent en chœur les enfants et «en priant, on peut trouver la paix», dit encore une autre jeune fille. Les voix féminines s’imposent sur celles des garçons, mais tous apportent des réponses pertinentes aux questions du Successeur de Pierre. Contre la guerre, ils proposent l’unité, l’amitié et le partage. À ce stade, il devient utile de préciser qu’ils avaient plutôt travaillé leur sujet en rédigeant, au nom des «enfants du monde entier», la “Déclaration de la fraternité des enfants” que François a signée devant eux, après qu’ils en ont donné lecture.
La fraternité selon les enfants
Le texte de la déclaration tient en deux pages, il adopte le langage des enfants et leur spontanéité. En voici une traduction intégrale:
“Que signifie vraiment vivre comme des frères? Tout d'abord comprendre que nous sommes comme les racines d'un arbre séculaire: nous nous embrassons sous terre, sans même nous en rendre compte, dans une alliance silencieuse de vie, nous soutenant mutuellement contre les tempêtes du temps.
Et que serait un arbre sans ses racines? Les racines de notre humanité s'enfoncent dans le sol fertile de la solidarité, grandissent dans le jardin de la rencontre, s'épanouissent dans la paix de la création, et nécessitent un soin constant, une attention constante et un travail incessant dans lequel nous devons tous nous découvrir jardiniers attentifs.
Nos racines nous rappellent que, malgré la diversité des branches, nous partageons la même vie, le même rêve, celui d'un monde où l'amour est le seul fruit qui puisse nous rendre vraiment heureux car, comme l'écrivait le poète argentin Bernardéz, "ce que l'arbre a de fleuri, vit de ce qu'il a d'enfoui".
C'est pourquoi nous invitons chaque adulte et chaque enfant à planter des graines d'espérance, à faire germer des actions de tendresse; synchronisons nos cœurs au rythme du monde, parce que nous sommes des voyageurs sur le même chemin, des chercheurs de la même vérité, nous sommes une seule famille humaine et ensemble nous pouvons construire une planète où l'amour fait tomber toutes les barrières et où la fraternité est la langue maternelle de tous.
Nous croyons vraiment aux rêves: lorsque nous sommes enfants, nous rêvons d'un monde où tous, mais vraiment tous, peuvent avoir un endroit où nous sentir chez nous. Un endroit où nous pouvons être nous-mêmes, être vus, aimés, accueillis et soutenus.
Nous rêvons d'un monde où chaque enfant, partout, peut vivre dans la paix, où il est possible de grandir, étudier, jouer, d’être libre et heureux.
Un monde où les différences ne sont pas un motif d'affrontement ou de guerre, mais où elles sont acceptées parce que chacun est différent et que cela rend le monde plus beau. Un monde où les plus faibles sont soutenus, sans être jugés ; où ceux qui ont le plus de mal à suivre sont attendus et accompagnés et où ceux qui sont plus avancés sont prêts à attendre et à aider; où ceux qui ont de plus grandes possibilités aident ceux qui sont en difficulté.
Mais seuls, nous ne pouvons pas y arriver!
Cela dépend aussi de vous: nous voulons voir des adultes avec des relations positives et sereines, basées sur l'acceptation, l'inclusion, le dialogue, le respect, le pardon et la solidarité.
Nous voulons voir que vous êtes capables d'amitié gratuite, celle qui aide à gravir les montagnes de la peur, de la tristesse, des difficultés et de la solitude.
Montrez-nous que l'amitié sincère permet de surmonter l’oppression, l'isolement, la peur de se sentir inadéquat.
Montrez-nous que vous êtes vraiment "frères de tous", sans distinction de naissance, de statut économique, de croyance religieuse, d’éducation ou d'appartenance ethnique. Nous sommes prêts à être amis de tous, tous, tous, comme Jésus -l'Ami le plus spécial- nous l'a enseigné.
Aidez-nous à réaliser nos rêves dans un monde meilleur, où nous avons la possibilité d'avoir un avenir, sans que l'avenir ne détruise progressivement tous nos rêves.
Laissez-nous marcher ensemble, avec vous, adultes, qui nous accompagnez, sur ce chemin de paix et de compréhension, de fraternité et de croissance, d'accueil et d'espérance.
Ce n'est qu'ainsi, lorsqu’ensemble nous aurons les mains sales de terre et le cœur plein de ciel, que nous nous découvrirons heureux, que nous nous découvrirons vraiment humains, frères de tous et gardiens de la maison commune.”
La table-ronde des enfants contribue à la préparation de la prochaine Journée mondiale des enfants les 25 et 26 mai à Rome. Selon les organisateurs, environ 72 000 participants sont attendus.
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