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Un gardien de la forêt primaire de Papouasie reçu par le Pape

Peu avant l’audience générale du mercredi 8 mai, le Souverain pontife s’est entretenu avec Mundiya Kepanga, chef coutumier de Papouasie-Nouvelle-Guinée, actuellement en Europe pour la promotion d’un documentaire sur la préservation des forêts primaires.

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

Torse nu, sac de jute en bandoulière et réhaussé d’une coiffe de plumes colorées, Mundiya Kepanga porte la tenue traditionnelle de la tribu des Hulis, dans les montagnes de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le chef coutumier papou parcourt le monde pour défendre «sa» forêt primaire. Sur ce territoire océanien, il existe la troisième plus grande forêt primaire de la planète, après l’Amazonie et la République démocratique du Congo. La Papouasie-Nouvelle-Guinée est à 75% recouverte de cette forêt. Le Pape rencontrera personnellement cette réalité lors de son voyage dans la région annoncé pour septembre prochain.

Dans les rues qui bordent le Vatican, Mundiya ne passe pas inaperçu. Il se laisse volontiers prendre en photo et la petite équipe qui l’accompagne ne se lasse pas d’expliquer sa présence à Rome. Le chef Kepanga est à l’origine, avec le réalisateur Marc Dozier, de deux documentaires sur son combat contre la déforestation. Le premier, «Frère des arbres» en 2017, se montre critique vis-à-vis des «mafias» qui se livrent au commerce illégal du bois. En 2022, dans «Gardiens de la forêt», Mundiya Kepanga constate l’engagement du nouveau gouvernement en faveur de la protection de la forêt, et l’effort de sensibilisation en direction des populations. Entretien après l'audience pontificale.

Le Pape a publié une exhortation apostolique sur l'Amazonie, dans laquelle il a pris la défense de la forêt et des peuples autochtones. Vous avez évoqué au cours de l’entretien les questions environnementales. De quelle façon vous sentez-vous proche de François?

Traditionnellement, mes ancêtres nous ont appris que les hommes sont les frères des arbres. Si tous les arbres disparaissent, les hommes vont disparaître à leur tour. C'est le message que je porte et que j'ai partagé avec le Pape. J'ai réalisé deux documentaires, «Frères des arbres» et «Gardiens de la forêt» pour la chaîne Arte, pour partager ce combat de protection de la nature. Et lorsque j'ai rencontré le Saint-Père, j'ai senti que nous avions effectivement une voix commune, parce que lui aussi partage ce message. Exactement le même message. J'étais très fier parce que je pense qu'il a beaucoup de pouvoir et qu'il va pouvoir influencer un grand nombre de personnes pour prendre conscience de l'importance de la forêt. J'étais vraiment très fier parce que lorsque je lui ai offert mes films, il m'a dit: «Frères des arbres, c'est un titre qui résonne en moi, qui résonne en nous, les catholiques. Vous parlez de “Gardiens de la forêt”, c'est aussi un titre qui est très beau parce que c'est le message que je porte aussi auprès de tous les croyants».

Aujourd'hui, vous faites passer votre message à travers des documentaires, vos interventions et votre combat. La difficulté majeure est-elle de trouver un espace pour faire entendre votre voix?

C'est exactement le message que j'ai partagé avec le Saint-Père. Moi, je ne suis qu'un tout petit chef. La portée de ma voix n'est pas très grande. J'ai une toute petite bouche, mais la voix du Saint-Père résonne tout autour du monde et son pouvoir est beaucoup plus grand. Je lui ai demandé s'il pourrait avoir la gentillesse, en toute humilité, de partager ce message encore plus fort lorsqu'il viendra sur mes terres en Papouasie-Nouvelle-Guinée, parce que je sais que sa voix résonnera tout autour du monde pour que l'humanité tout entière considère les forêts primaires et la protection de la nature en général.

Le Pape se rend au mois de septembre dans votre pays, la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Avez-vous prévu de vous rencontrer avec le Pape, chez vous?

J'aimerais beaucoup accueillir le Pape, le recevoir et le revoir en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais comme je vous l'ai dit, je ne suis qu'un petit chef coutumier. Je n'ai pas le pouvoir de donner d'ordre à qui que ce soit. J'espère de tout cœur que je pourrais le rencontrer et l'accueillir à mon tour sur mes terres et j'espère que cela sera possible. S'il m'entend, j'espère qu'il pourra nous donner l'occasion de nous rencontrer à nouveau. C'est entre ses mains, ce n'est pas entre les miennes. Rien ne me ferait plus plaisir que de l'accueillir à mon tour sur mes terres, tout comme lui a eu l'amabilité de m'accueillir ici, au Vatican.

Mundiya Kepanga pendant l'entretien avec François
Mundiya Kepanga pendant l'entretien avec François

Le message que vous souhaiteriez que François amplifie au niveau mondial est un message qu’au quotidien, vous transmettez aussi chez vous, dans vos communautés, au sein des jeunes générations...

Oui, c'est très important pour moi de partager ce message avec les plus jeunes, ceux de ma communauté et ceux de ma tribu. Mais je pense encore une fois que lorsque le Saint-Père viendra en Papouasie partager ce message, cela lui donnera encore plus de poids pour que je sois encore plus écouté dans ma communauté. Après notre rencontre au Vatican, je vais pouvoir dire dans ma communauté que j'ai été reçu par le Saint-Père. Ça va donner beaucoup plus de pouvoir à ce message que nous partageons. C'est pour ça que je le remercie sincèrement de m'avoir accueilli ici.

Vous semblez soutenir l'action du gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée dans le second documentaire «Gardien de la forêt». Saluez-vous cet engagement?

En matière de sauvegarde de la forêt primaire, les choses ont véritablement changé depuis qu'un nouveau Premier ministre est au pouvoir dans mon pays. Il s'appelle James Marape et fait partie de ma tribu. La situation a évolué parce qu'il a vraiment conscience de l'importance de préserver les forêts. Il a aidé à la mise en œuvre de projets financés par l'Union européenne pour protéger nos forêts primaires. Aujourd'hui, je suis très content, mais il va falloir surveiller ce qui va se passer dans le futur.

Quel regard portez-vous sur la société de consommation, celle qui est loin de vos montagnes et qui a majoritairement contribué à la destruction de l'environnement?

Il est difficile pour moi de critiquer le monde moderne, parce que nous tous, nous utilisons cette modernité et nous aspirons à cette modernité. Je suis venu ici en avion et donc je ne tiens pas à critiquer qui que ce soit. Ceci est différent lorsqu’il s’agit d’actions qui ont lieu en toute illégalité, comme le commerce du bois par exemple, que j’ai vivement dénoncé dans le premier documentaire, «Frère des arbres». Évidemment, je pense qu'il est très important de dénoncer ce genre de choses. Mais en ce qui concerne le monde moderne, je serais bien mal placé pour le critiquer, parce que tout le monde dans mon pays aspire à ce monde moderne.

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09 mai 2024, 07:55