Audience: Sœur Geneviève présente des personnes LGBTQ+ au Pape
Salvatore Cernuzio – Città del Vaticano
«La voici, l'enfant terrible». Le Pape François termine son tour du parvis de la basilique Saint-Pierre après l'audience générale. Alors qu’il salue des enfants malades, des groupes de prêtres ou des jeunes mariés, son regard croise les yeux bleus de Sœur Geneviève Jeanningros, petite sœur de Jésus, et quasi icône de «l'Évangile vécu sur terre», c'est-à-dire d'un travail pastoral mené depuis 56 ans auprès de communautés LGBT+, au milieu des forains du Luna Park d’Ostia Lido, avec qui elle partage son quotidien, vivant dans une caravane en compagnie d’une autre religieuse.
Une veste protège ses épaules fragiles du soleil brûlant et un voile bleu, retenu par deux épingles à cheveux, encadrent un visage aux traits presque botticelliens malgré les rides de ses 81 ans. La religieuse est assise au premier rang. Elle est la dernière d'un «groupe mixte», composé notamment d’un couple de catéchistes, de personnes homosexuelles, de transsexuels et d’une jeune fille engagée dans la pastorale carcérale auprès des transsexuels de la prison romaine de Rebibbia. Elle ne les connaît pas personnellement, ne leur demande pas qui ils sont ni leur orientation sexuelle. Ce qui compte pour sœur Geneviève, c'est «d'aller là où l'֤Église a le plus de mal à aller», comme le souhaitait Charles de Foucauld, dont les Petites sœurs ont hérité le charisme.
Le cœur s’ouvre face à la diversité de l’humanité
François s'arrête quelques minutes pour dire «Bonjour», tend un chapelet à Ada qui fête son anniversaire aujourd'hui. «C'est un cadeau du Pape», dit-il, il lui serre la main, fait une blague, donne une bénédiction. Avec Sœur Geneviève, quelques mots et un sourire rapide. Ils se connaissent bien. La religieuse lui avait écrit en 2013 après son élection, évoquant sa tante, sœur Léonie, disparue en 1977 pendant la dictature en Argentine. La correspondance n'a jamais cessé et François, lors d'une audience avec des artistes de rue, lui a même souhaité un joyeux anniversaire. «Oui, nous nous aimons», sourit-elle.
Chaque semaine, la religieuse est ainsi au rendez-vous place Saint-Pierre pour accueilir le Souverain pontife et lui faire rencontrer diverses personnes.
Beaucoup sont passés ces dernières années: nomades, gitans, circassiens, transgenres, homosexuels, couples divers. «Dans ces mondes, on voit passer toutes sortes de personnes et le cœur s'ouvre, nous sommes tous des personnes humaines, on ne peut pas avoir un jugement étroit», dit sœur Geneviève, qui se souvient aussi d'une rencontre avec la famille (mère, père, sœurs, compagnon) d'un médecin américain homosexuel mort du Covid pour son travail «dans les tranchées» pendant la pandémie, mais à qui on avait refusé des funérailles à l'église parce qu'il était homosexuel. Le père a dit: «Je ne crois plus en cette Église». Par l'intermédiaire d'une sœur aux Etats-Unis, «nous les avons amenés à Rome et ils ont salué le Pape qui les a bénis... Et ils sont repartis, dans tous les sens du terme ».
Contacts pendant le Covid
François et elle se connaissaient mais c’est pendant la pandémie de Coronavirus, alors que les gens vivaient «le drame» de se retrouver sans travail, sans rien à manger et avec de lourdes factures, qu’elle a frappé à la porte de cette «Église hôpital de campagne» prêchée par Jorge Mario Bergoglio. Avec le curé de la paroisse de la Vierge Immaculée de Tor Vaianica, don Andrea Conocchia, ils sont entrés en contact avec l’aumônier du Pape, le cardinal Konrad Krajewski dit «don Corrado», pour lui demander de l’aide. «Il est venu avec une camionnette pleine de matériel et nous a assuré que si nous avions des factures, nous pouvions les lui apporter». C’est ce qu’elle et Don Andrea ont fait pour les forains et pour la communauté transgenre, soit une abondante quarantaine de personnes, beaucoup de Sud-Américains.
Après cette première urgence, les médecins «ceux de la colonnade» se sont rendus à Tor Vaianica et à Ostie et ont soigné ces malades. «Ils les ont même fait vacciner», raconte sœur Geneviève. Les femmes voulaient remercier le Pape et «nous nous sommes demandé comment ils allaient être reçus. Pas par le Pape – là, je n’avais aucun doute, mais par les autres personnes. Vous savez, il y a des préjugés. Je les comprends. Quand j'étais jeune, j'en avais aussi, mais ensuite vous rencontrez des gens, vous voyez leur sensibilité. On pleure et on rit avec eux».
[ Photo Embed: Sœur Geneviève Jeanningros sur la place Saint-Pierre.]
Les premières rencontres
C'est ainsi que sœur Geneviève a réussi à écrire directement au Pape. Pas de réponse mais l’arrivée de «bons billets » pour l'audience. Un mercredi, elle accompagne Claudia, qui fut l'une des premières, puis Marcella, et beaucoup d'autres, «même une tuée peu après». Le Pape l'avait rencontrée, «ils avaient pris une photo, je la lui ai apportée et il a prié pour elle».
Une relation sincère
«Le Pape nous a accueillis... Je ne sais pas comment le décrire», se souvient la religieuse, mais à partir de ce moment-là, les cartes, les lettres et même les empanadas préparées par les Argentins -et très appréciées par François- ont afflué. «Ils l'aiment tellement parce que c'est la première fois que les trans et les homosexuels sont accueillis par un Pape. Ils l'ont remercié parce qu'ils ont enfin trouvé une Église qui est allée à leur rencontre». La relation qui s'est établie est sincère, sans opportunisme mais faite de bienveillance et de gratitude. Une relation qui n'a même pas été ébranlée par la récente polémique sur les expressions que le Pape aurait prononcées lors d'une rencontre avec des évêques italiens. «Peut-être qu'au début, il y a eu un peu de douleur, mais avec le recul, ils ont ri et se sont dit: ‘en réalité, ce n'est pas comme ça. Le Pape aime les petits, il ne les rejette certainement pas’ ».
Mercredi prochain, Geneviève Jeanningros sera à nouveau présente à l'audience générale où elle accompagnera dix personnes, sept homosexuels. «Ils viennent de Milan et d'ailleurs pour dire au Pape leur affection».
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