Audience du Pape François avec les participants à la conférence organisée par la Fondation Centesimus Annus. Audience du Pape François avec les participants à la conférence organisée par la Fondation Centesimus Annus.  (Vatican Media)

Le Pape invite à évaluer les effets de l’IA dans le monde du travail

«L'intelligence artificielle a une influence perturbatrice sur l'économie et la société et peut avoir des effets négatifs sur la qualité de la vie, sur les relations entre les personnes et les pays». Tel est le point de vue du Pape qui a reçu en audience samedi 22 juin les participants à la conférence internationale annuelle de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice. Pour François, «c'est sur le front de l'innovation technologique que se jouera l'avenir de l'économie et de la civilisation».

Myriam Sandouno – Cité du Vatican

«L'intelligence artificielle générative et le paradigme technocratique: comment promouvoir le bien-être de l’humanité, la protection de la nature et un monde de paix?», ce thème a été choisi cette année pour la tenue de la conférence internationale annuelle de la Fondation pontifiale Centesimus Annus. Débutée jeudi 20 juin, les travaux ont pris fin ce samedi au cours d'une audience avec le Pape François.

Le sujet de l'intelligence artificielle mérite une attention particulière, a laissé entendre le Saint-Père, «car l'IA a une influence perturbatrice sur l'économie et la société» et «peut avoir des effets négatifs sur la qualité de la vie, sur les relations entre les personnes et entre les pays, sur la stabilité internationale et sur la maison commune».

Intervention du Pape au G7

Lors du récent sommet du G7 tenu dans la région des Pouilles au sud de l’Italie, s’exprimant devant de nombreux dirigeants politiques le 14 juin dernier, le Pape avait souligné dans son discours, les aspects critiques de l'intelligence artificielle. Il avait insisté sur le fait «qu'elle est et doit rester un outil entre les mains de l'homme». Comme d'autres outils clés au cours des millénaires, «elle peut entraîner de grandes transformations, positives ou négatives». L'IA pourrait selon François, renforcer le paradigme technocratique et la culture du gaspillage, la disparité entre les pays avancés et les pays en voie de développement. «J'ai donc affirmé la nécessité absolue d'un développement et d'une utilisation éthiques de l'IA, en invitant les politiques à prendre des mesures concrètes pour gouverner le processus technologique en cours dans le sens de la fraternité et de la paix universelles», a-t-il rappelé.

Réévaluer les effets de l'intelligence artificielle 

Poursuivant son discours, le Pape a invité chacun à se poser une question fondamentale: «À quoi sert l'IA?». «Sert-elle à satisfaire les besoins de l'humanité, à améliorer le bien-être et le développement intégral des personnes, ou sert-elle à enrichir et à accroître le pouvoir déjà élevé de quelques géants technologiques malgré les dangers pour l'humanité?», s’est interrogé François.

Il y a lieu d’explorer à cet effet la question délicate et stratégique de la responsabilité des décisions prises à l'aide de l'IA, a-t-il souligné. Cet aspect interpelle diverses branches de la philosophie et du droit, ainsi que des disciplines plus spécifiques. D'autres suggestions faites par le Saint-Père consistent, d'une part à identifier des incitations appropriées et une régulation efficace pour stimuler l'innovation éthique utile au progrès de l'humanité, et d'autre part à interdire ou limiter les effets indésirables, ainsi qu'à lancer un processus coordonné pour accroître la connaissance et la sensibilisation à l'utilisation correcte de l'IA et pour transmettre aux nouvelles générations, dès l'enfance, la capacité critique à l'égard de ces outils. Une tâche à laquelle devrait s’atteler l’ensemble du monde de l'éducation, de la formation et de la communication, a proposé François.


L'évêque de Rome a également invité à réévaluer les effets de de l'IA sur le monde du travail. «J'invite les membres de la Fondation Centesimus Annus et tous ceux qui participent à ses initiatives à prendre une part active, dans leurs sphères respectives, à la demande d'un processus de reconversion et à l'adoption de formes facilitant le redéploiement des personnes licenciées vers d'autres activités», a lancé le Souverain pontife.

Dans son discours, le Pape n’a pas manqué de souligner que les effets positifs et négatifs de l'IA dans le domaine de la sécurité et de la vie privée doivent être soigneusement examinés. Et ceux sur les capacités relationnelles et cognitives des personnes et sur leur comportement, doivent être pris en compte et examinés en profondeur, a-t-il affirmé. «Nous ne pouvons accepter que ces capacités soient réduites ou conditionnées par un outil technologique, c'est-à-dire par ceux qui le possèdent et l'utilisent», a précisé François. Puis de rappeler également «l'énorme consommation d'énergie nécessaire au développement de l'IA, alors que l'humanité est confrontée à une transition énergétique délicate».

L'innovation technologique et l'avenir de l'économie, de la civilisation, de l'humanité

«Chers amis, a fait comprendre le Pape, c'est sur le front de l'innovation technologique que se jouera l'avenir de l'économie, de la civilisation, de l'humanité elle-même». Il ne faut donc pas manquer l'occasion de penser et d'agir autrement, comme l'a souhaité François, avec l'esprit, le cœur et les mains, pour orienter l'innovation vers une configuration centrée sur la primauté de la dignité humaine. «Une innovation qui favorise le développement, le bien-être et la coexistence pacifique et qui protège les plus défavorisés». Et cela a-t-il indiqué, «nécessite un environnement réglementaire, économique et financier qui limite le pouvoir monopolistique de quelques-uns et permet au développement de bénéficier à l'ensemble de l'humanité».

François a dit espérer que Centesimus Annus continuera à aborder cette question, saluant ensuite le lancement du deuxième projet de recherche conjoint entre la Fondation et l'Alliance stratégique des universités catholiques de recherche (SACRU) sur "L'intelligence artificielle et le soin de la maison commune: un accent sur les affaires, la finance et la communication". Il a également apprécié le fait que la Fondation Centesimus Annus ait accordé une large place à ce sujet, en impliquant des chercheurs et des experts de différents pays et disciplines, en analysant les opportunités et les risques associés au développement et à l'utilisation de l'IA, avec une approche transversale et surtout avec une perspective anthropocentrique. Et en gardant à l'esprit le danger d'un renforcement du paradigme technocratique.

Le Pape a conclu son discours par «une petite provocation»: «sommes-nous sûrs de vouloir continuer à appeler "intelligence" ce que l'intelligence n'est pas? Réfléchissons et demandons-nous si l'usage abusif de ce mot si important, si humain, n'est pas déjà une capitulation devant le pouvoir technocratique».

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

22 juin 2024, 08:50