Le pape Paul VI à l'ONU en 1965. Le pape Paul VI à l'ONU en 1965.  

Les papes à l'ONU, «une même voix pour la paix»

Les appels des pontifes contre la guerre sont étroitement liés à l'histoire des Nations unies.

Matteo Luigi Napolitano - Cité du Vatican

S'il y a un leitmotiv récurrent dans l'histoire diplomatique du Vatican, c'est bien l'invitation des papes à éviter la guerre: une invitation réitérée à l'ONU, une organisation à laquelle le Saint-Siège (bien que n'étant pas membre) a toujours prêté une grande attention.

Pie XII

En 1945, le pape Pie XII savait que la période «d’après-guerre» n'était que l'absence de guerre, et non une paix sûre. Le totalitarisme, que Pie XII avait connu pendant la guerre, a survécu. Ce 260e pape de l'Église catholique a déclaré à la Curie romaine à Noël 1945, qu'il était «incompatible avec une démocratie vraie et saine», un dangereux bacille qui empoisonnait la communauté des nations. Le totalitarisme est un danger constant de guerre. «L'œuvre de paix future veut bannir du monde tout usage agressif de la force, toute guerre offensive». Pie XII approuva cette idée, prévenant que: «Si l'on ne veut pas que ce soit seulement un beau geste, il faut exclure toute oppression et tout arbitraire, à l'intérieur comme à l'extérieur». Le pape Pie XII, «homme de paix et pape de guerre», le savait bien.

Jean XXIII

Pour le pape Jean XXIII également, le lien entre la paix et les Nations unies était inséparable. Son Pacem in Terris du 11 avril 1963 était d’une éloquence. Ce  261e pape de l'Église qui avait sauvé des Juifs de la Shoah, était bien conscient que l'humanité vivait «sous le cauchemar d'un ouragan qui pouvait éclater à tout moment». Rappelant les paroles de Pie XII («Rien ne se perd avec la paix, tout peut se perdre avec la guerre»), Jean XXIII espérait que les nations en possession d'armes létales puissent éviter le «fait imprévisible et incontrôlable» d'une nouvelle guerre; mais il craignait aussi que la «simple poursuite des expériences nucléaires à des fins de guerre» n'ait «des conséquences fatales pour la vie sur la terre». La guerre, la paix et la protection de la Création sont donc des éléments vitaux pour le parcours de l'homme. D'où une leçon capitale: «Il est presque impossible de penser qu'à l'ère atomique, la guerre puisse être utilisée comme instrument de justice».

Paul VI

Le 262e pape Paul VI, s'était rendu au Palais de Verre le 4 octobre 1965, à l'occasion du 20e anniversaire de la Charte de San Francisco. Il déclarait aux délégués des États: «Vous établissez le grand principe selon lequel les relations entre les peuples doivent être régies par la raison, la justice, le droit, la négociation, et non par la force, ni par la violence, ni par la guerre, ni même par la peur ou la tromperie». Un manifeste clair pour des relations internationales d’une inspiration universelle. D'où le message du souverain pontife: «Pas les uns contre les autres, plus maintenant, plus jamais! L'Organisation des Nations unies est née avant tout pour cela: contre la guerre, et pour la paix». «Écoutez les paroles claires d'un grand homme disparu, John Kennedy, qui proclamait il y a quatre ans: «L'humanité doit mettre fin à la guerre, sinon la guerre mettra fin à l'humanité». Il n'y a pas besoin de beaucoup de mots pour proclamer cette fin suprême. Il suffit de rappeler que le sang de millions d'hommes et d'innombrables souffrances indicibles, d'inutiles massacres et de formidables ruines sanctionnent «le pacte qui vous unit, avec un serment qui doit changer l'histoire future du monde: plus de guerre, plus de guerre! La paix, la paix doit guider le destin des peuples et de l'humanité tout entière». Paul VI avait ensuite demandé que les peuples soient libérés «du lourd fardeau des armements» et du cauchemar d'une guerre toujours imminente. C'est la seule façon pour l'ONU d'être «la voie obligée de la civilisation moderne et de la paix mondiale».

Paul VI consacrera à ces thèmes l'un de ses derniers messages, lu par le secrétaire aux affaires publiques de l'Église, Mgr Agostino Casaroli, à l'assemblée générale le 6 juin 1978. Une note manuscrite conservée dans les archives du prélat énumère les priorités: «Objectif final: élimination de la guerre ou de sa menace comme moyen de résoudre les problèmes entre États».

Jean-Paul Ier

En ce qui concerne le pape Jean-Paul Ier, 263e pape, il a au cours de son bref pontificat, consacré des mots importants à la paix et à la collaboration entre les nations (comme dans le message Urbi et Orbi du 27 août 1978, et dans celui adressé au Corps diplomatique le 31). Il attendait beaucoup des négociations «accords de Camp David» pour la paix au Proche-Orient entre le président égyptien Sadate et le Premier ministre israélien Begin, sous les auspices du président américain Carter. «Tous les hommes ont faim et soif de paix», avait-t-il déclaré lors de l'Angélus du 10 septembre 1978, «en particulier les pauvres qui, dans les bouleversements et les guerres, paient davantage et souffrent davantage».


Jean-Paul II

Son successeur, Jean-Paul II 264e pape, s'est exprimé devant les Nations unies le 2 octobre 1979. Il évoquait la guerre dans sa Pologne natale et les camps d'extermination d'Auschwitz et de Birkenau, et fit sienne l'invitation de Paul VI à l'ONU: « Plus de guerre, plus de guerre! Plus jamais les uns contre les autres». Dans la continuité idéale de ses prédécesseurs, ce pape a également mis en garde contre «les préparatifs continus de guerre, dont témoigne la production d'armes toujours plus nombreuses, plus puissantes et plus sophistiquées dans les différents pays». On veut être prêt pour la guerre; mais «être prêt signifie pouvoir la provoquer», s'exposer au risque d'une destruction générale.

Il avait donc invité à «liquider les possibilités mêmes de provocation à la guerre, à rendre les cataclysmes impossibles, en agissant sur les attitudes, sur les convictions, sur les intentions et les aspirations mêmes des gouvernements et des peuples». Comment l'ONU pourrait-elle y parvenir? En revenant aux «justes idéaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme». Pour Jean-Paul II, ce document avait «vraiment frappé les racines nombreuses et profondes de la guerre», qui se cachaient là où les droits de l'Homme inaliénables étaient violés. La Charte de 1945 et la Déclaration de 1948 (à laquelle se réfère également Jean XXIII dans son Pacem in Terris) constituent donc un seul et même instrument pour une paix stable et durable. Le respect des droits de l'Homme dans les États individuels, et pas seulement au niveau international, et le renoncement aux biens matériels comme source de bien-être social en sont le corollaire.

Ces concepts ont été réitérés avec force par Jean-Paul II au secrétaire général de l'ONU, Javier Pérez de Cuéllar, lors de sa visite au Vatican le 6 avril 1982 (à cette occasion, la crise des Malouines a également été évoquée). Jean-Paul II avait renouvelé son appel à la paix le 5 octobre 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de l'ONU, qu'il a décrit comme la «structure interne» de la communauté mondiale, fondée sur la défense des «droits de l'Homme universels, enracinés dans la nature de la personne». Les événements de 1989 ont «offert une leçon qui va bien au-delà des frontières d'une zone géographique spécifique», révélant «la dignité et la valeur inestimables de la personne humaine» que les Nations unies sont appelées à défendre.

Benoît XVI

Suivant les traces de ses prédécesseurs, le pape Benoît XVI, 265e pape, a ajouté des réflexions utiles lors de sa visite à l'ONU le 18 avril 2008. Les États avaient des objectifs universels «qui, bien qu’ils ne coïncident pas avec le bien commun total de la famille humaine, représentent sans aucun doute une partie fondamentale de ce bien». Il avait ensuite appelé à «une vision de la vie fermement ancrée dans la dimension religieuse», qui conduirait «à un engagement à résister à la violence, au terrorisme et à la guerre et à promouvoir la justice et la paix», et faciliterait le dialogue interreligieux que les Nations unies sont appelées à soutenir.

Le Pape François

Le 25 septembre 2015, l’actuel Pape François a célébré le 70e anniversaire de l'ONU. À cette occasion, il a évoqué un «désordre causé par des ambitions incontrôlées et un égoïsme collectif». Sans les Nations unies, «l'humanité n'aurait peut-être pas survécu». Rappelant Laudato si' et l'Agenda 2030 pour le développement durable signé ce même 25 septembre 2015, François a souligné: «La guerre est la négation de tous les droits et une agression dramatique contre l'environnement». Bannir la guerre, sauver l'environnement et les droits: c’est un présent qui engage chacun vers l'avenir.

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02 octobre 2024, 15:00