Être pauvre, entre stigmatisation et opportunité
Antonella Palermo - Cité du Vatican
Pertes d’emplois, désastres familiaux, problèmes relationnels; se retrouver sur le trottoir à mendier pour s'en sortir heure après heure, sans pouvoir se projeter dans l’avenir; situations de désespoir: c'est ce qu'ont vécu les personnes rassemblées le dimanche 17 novembre dans la salle Paul VI, partageant le déjeuner avec le Pape François, à l'occasion de la Journée mondiale des pauvres.
Avoir un endroit où dormir aide beaucoup
Les 1300 personnes invitées autour des tables circulaires, rappelant celles de l'Assemblée synodale étaient assises sur leurs chaises. Là, se partageait le pain, mais aussi la parole. Et partager le pain, permet également d’échanger avec ceux qui vous entourent. Certains sont plus réservés et timides, d'autres plus volubiles et ouverts. Au centre, une table rectangulaire avec des compositions florales simples, où est assis le Pape qui, dès son arrivée, est entouré de mères qui lui tendent leurs bébés pour qu'il les bénisse.
«C'est une grande émotion», dit un homme de Palerme, invité au palais Migliori, le foyer pour sans-abri à deux pas de Saint-Pierre voulu par le Pape. «Un palais de nobles où je me sens petit», a-t-il confié. Il avait un travail et une famille, une femme et une fille, malheureusement décédées dans un accident. Récemment victime d’un accident vasculaire cérébral, la Communauté de Sant'Egidio l'a sorti de la rue qu'il fréquentait depuis de longues années. «En remerciant le Pape et le cardinal Krajewski, on peut dire que maintenant, moi aussi, j'ai une maison et une famille. Avoir un endroit où dormir vous aide aussi à faire quelque chose pour l'avenir». Il souhaite d'abord se rétablir, puis chercher un emploi. Il a été jardinier et maçon, et «n'importe quel travail suffit».
Pauvres et immigrés, une main tendue contre l'égoïsme
Pendant que la fanfare de la Croix-Rouge italienne (CRI) joue de la musique sur scène pour animer le déjeuner, un Albanais raconte son arrivée de Potenza. Aujourd'hui, il réussit à exercer un métier assez stable, celui de menuisier. Au début, c'était très difficile. Peu à peu, «je me suis habitué. Je suis arrivé il y a déjà huit ans, lors de la première édition de cette Journée. J'étais alors à la même table que le Pape, et j'ai maintenant la chance de revenir. C'est un saint homme, le Pape». À la question de savoir comment il perçoit le regard porté sur les immigrés, il affirme: «Il y a beaucoup d'égoïsme, beaucoup d'arrogance, voire du racisme pur et simple. Opprimer une personne est un péché aux yeux de Dieu. Pourtant, il y a des gens qui le font, soit pour des intérêts économiques, soit pour le pouvoir, ils renvoient les gens».
Pendant ce temps, le vice-président et représentant des jeunes de la CRI, (plus de 30 000 actuellement dans le pays), s'apprête à servir le repas avec plus de 300 collègues: les jeunes sont très participatifs, a-t-il expliqué, et il n'est pas toujours vrai qu'ils aiment paresser sur le canapé, indifférents à l'appel des besoins des plus fragiles. Une bénévole de Viterbo en est également convaincue: elle est très enthousiaste à l'idée de pouvoir offrir à ces personnes au moins une journée hors de leur routine. «Le coronavirus a été une mauvaise chose, une urgence permanente, mais nous ne devons pas nous souvenir uniquement de ces mauvais événements. Nous devons valoriser les aspects positifs. Il y a tant de personnes vulnérables dans cette période historique, il n'est pas facile d'être proche mais nous serons toujours là. La pauvreté semble ronger l'avenir, même de ceux qui pourraient encore se considérer comme protégés»: «Même à partir des histoires les plus laides, des histoires merveilleuses peuvent s'ouvrir. C'est l'espoir que nous devons transmettre à ces gens».
La guerre ne fait que des dégâts, elle appauvrit encore plus
Une femme des Abruzzes a perdu son père en 1944 à cause de la guerre. Sept enfants sont devenus orphelins. Lorsqu'elle est arrivée à Rome, elle a exercé de nombreux emplois, de concierge à aide-ménagère. Aujourd'hui, après de nombreux sacrifices, elle possède une petite maison. «C'est formidable d'être ici. La guerre n'a fait que des dégâts. Elle a détruit notre maison, envahie par les Allemands. Vive la paix!», a-t-elle lancé.
À une autre table, un Marocain raconte qu'il est en Italie depuis une trentaine d'années. Il a travaillé en Calabre, puis l'entreprise a fait faillite et sa vie a basculé. Il a alors été vendeur ambulant. Maintenant, il y a la stabilité et un courage retrouvé. «Ici, c'est beau, le Seigneur est grand», a-t-il déclaré. À côté de lui, un Italien élancé confiant avoir «trouvé nulle part sa place» semble faire allusion à un passé où il a perdu son centre de gravité, son orientation. «Je me souviens qu'un jour, quelqu'un est venu me chercher devant un hôpital et m'a emmené chez les sœurs de Mère Teresa de Calcutta, au Celio». «Je suis restée avec eux, entre-temps, j'essaie de me soigner et ensuite nous verrons», a affirmé l’Italien.
À la fin du déjeuner, le Pape François a salué tout le monde et remercié ceux qui avaient travaillé cette journée. Les participants ont reçu de la part de la Famille Vincentienne un sac à dos contenant de la nourriture et du matériel d'hygiène personnelle.
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