Le Pape aux opérateurs de justice: «la miséricorde n'efface pas la justice»
Myriam Sandouno – Cité du Vatican
Au terme des journées d'études et de réflexions, les participants au cours de formation de la Rote Romaine ont été reçus en audience par le Saint-Père, dans la matinée de ce 23 novembre, au Vatican. Ces rencontres leur ont permis d'examiner les défis juridico-pastoraux concernant le mariage et la famille. «Il s'agit d'un champ apostolique vaste, complexe et délicat, auquel il faut consacrer énergie et enthousiasme pour promouvoir l'Évangile de la famille et de la vie», a relevé le Pape dans son discours, remerciant le doyen de la Rote et ceux ayant collaboré pour une meilleure organisation de ces journées de formations.
Justice, charité et vérité
«Vous êtes appelés à aimer la justice, la charité et la vérité, et à vous efforcer chaque jour de les mettre en œuvre dans votre travail de canonistes, et dans toutes les tâches que vous accomplissez au service des fidèles», a déclaré François. Puis de préciser qu’il faille «aimer les trois en même temps, car ils vont ensemble. Si l'on néglige l'un, les autres perdent leur authenticité». L’unique modèle des chrétiens reste «Jésus-Christ, qui est la Vérité, et qui est juste et miséricordieux».
Le Pape François a exhorté à vivre la justice dans l’Église, une «vertu cardinale très importante qui conduit à donner à chacun son droit». Cependant, dans aucune communauté humaine, et encore moins dans l'Église, il ne suffit de respecter les droits, a-t-il poursuivi: «il faut aller plus loin, avec l'élan de la charité, en recherchant le bien des autres par le don généreux de sa propre existence. Il faut vivre le service de l'amour, car [...] la justice ne peut être comprise qu'à la lumière de l'amour». Dans les fonctions juridiques, François a conseillé de toujours se rappeler que les personnes doivent être traitées non seulement selon la justice, qui est incontournable, mais aussi et surtout avec charité. «N'oubliez jamais que ceux qui s'adressent à vous pour vous demander d'exercer votre charge ecclésiale doivent toujours rencontrer le visage de notre Mère, la sainte Église, qui aime tendrement tous ses enfants», a-t-il affirmé.
Se détourner d'«une justice froide»
«Une justice froide est à éviter», celle simplement distributive, qui ne va pas au-delà, c'est-à-dire sans miséricorde. À la justice, l’on peut appliquer ce que dit l'encyclique Fratelli Tutti: «Les hommes peuvent développer certaines attitudes qu'ils présentent comme des valeurs morales: force d'âme, sobriété, ardeur au travail et autres vertus. Mais pour bien orienter les actes des différentes vertus morales, il faut aussi considérer dans quelle mesure elles entraînent un dynamisme d'ouverture et d'union à l'égard des autres personnes. Un tel dynamisme est la charité que Dieu insuffle. Sinon, nous n'aurons peut-être qu'une apparence de vertus, et celles-ci seront incapables de construire la vie en commun».
La charité
Pour le Pape François, on ne peut pas non plus évoquer, par ailleurs, l'hypothèse d'une charité sans justice. «La charité, disait le pape Benoît XVI, dépasse la justice, parce qu'aimer c'est donner, offrir "le mien" à l'autre; mais elle n'est jamais sans la justice, qui pousse à donner à l'autre ce qui est “sien”, ce qui lui est dû en raison de son être et de son faire. Je ne peux pas "donner" à l'autre ce qui est à moi sans lui donner d'abord ce qui est à lui selon la justice. Celui qui aime les autres avec charité est d'abord juste envers eux».
La peur de la justice qui ne mine pas la charité
Il faut également «surmonter les peurs inutiles», «la peur de la justice, comme si elle pouvait miner ou diminuer la charité». Selon François, cette peur provient d'une conception erronée de la justice, perçue comme une revendication égoïste et potentiellement conflictuelle. L'essence de la justice est tout autre: «c'est une vertu délicieusement altruiste qui va dans le sens du bien de l'autre. Si cet autre peut et doit parfois exiger que son droit soit respecté, cela présuppose l'objectivité de ce qui lui est dû». En tant que praticiens de la justice, a dit le Pape à ces hôtes, «vous avez la tâche très importante d'aider à déterminer quels sont les droits et les devoirs des fidèles et comment ils doivent être sauvegardés, y compris par le biais des procès, qui sont si nécessaires quand il le faut pour le bien de l'Église et de tous ses membres».
Outre la justice, «on ne peut pas non plus avoir peur de la charité et de la miséricorde, qui en est l'expression caractéristique. La charité ne dissout pas la justice, elle ne relativise pas les droits. Au nom de l'amour, on ne peut pas négliger ce qui est le devoir de la justice». Par exemple, a indiqué l’évêque de Rome, «on ne peut pas interpréter les règles actuelles sur les processus matrimoniaux comme si, dans la recherche consciencieuse de la proximité et de la célérité, elles impliquaient un affaiblissement des exigences de la justice».
La miséricorde
En ce qui concerne la miséricorde, elle n'efface pas la justice, au contraire, elle nous pousse à la vivre plus doucement comme le fruit de la compassion face à la souffrance de notre prochain, a affirmé le Successeur de Pierre.
François a ainsi terminé son discours en rappelant que l'harmonie entre la charité et la justice s'éclaire dans leur référence commune à la vérité. «Vraie charité et vraie justice: voilà l'horizon fascinant et le défi attrayant de votre service ecclésial». «Frères et sœurs, l'Église vous accorde une grande confiance en tant qu'artisans de la justice et de la charité dans la vérité. Que le climat de votre travail soit celui de l'espérance, qui est au cœur de la prochaine Année sainte», a conclu le Pape.
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