François promeut la Corse comme modèle d’une «saine laïcité»
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Après avoir atterri à l’aéroport d’Ajaccio, puis traversé une foule joyeuse et nombreuse le long du chemin vers le Palais des Congrès, le Pape François a été accueilli par le cardinal François-Xavier Bustillo qui l’a remercié de sa venue. Il s’est ensuite livré à un plaidoyer pour une saine relation entre le politique et la religion.
En premier lieu, François a rappelé l’importance culturelle, historique mais aussi religieuse de ce grand «lac» qu’est la mer Méditerranée, ayant hébergé les civilisations grecque, romaine et surtout judéo-chrétienne. Depuis 2000 ans, les hommes et les femmes de cette région ont façonné la culture, les institutions, les systèmes juridiques dont beaucoup «sont encore valables et pertinents aujourd’hui».
C’est la Méditerranée qui a vu le dialogue entre Dieu et le peuple d’Israël, puis l’Incarnation de Jésus, le fils de Dieu. Pourtant, a souligné le Pape, c’est en Méditerranée, et principalement en Europe, que «la question de Dieu semble s’estomper; et nous nous retrouvons toujours plus indifférents à sa présence et à sa Parole». Cette constatation ne doit toutefois pas conduire à opposer cette culture chrétienne millénaire et la culture laïque, assure-t-il.
Être un levain dans la pâte
Au contraire, les croyants «s’ouvrent de plus en plus à la possibilité de vivre leur foi sans l’imposer, comme un levain dans la pâte du monde et des milieux dans lesquels ils vivent», tandis que les non-croyants ne sont pas étrangers à la soif de sens, de vérité, de justice et de solidarité.
C’est dans ce contexte que François a rappelé «la beauté et l’importance de la piété populaire», car elle témoigne de l’Incarnation à travers la culture populaire et vivante, et permet aux personnes éloignées de la pratique religieuse d’y retrouver des «idéaux et des valeurs qu’elles considèrent utiles pour leur vie et pour la société».
En exprimant la foi avec des gestes simples et des langages symboliques enracinés dans la culture du peuple, la piété populaire révèle la présence de Dieu dans la chair vivante de l’histoire, elle renforce la relation avec l’Église et devient souvent une occasion de rencontre, d’échange culturel et de fête.
Citant l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, François assure que «dans la piété populaire, on peut comprendre comment la foi reçue s’est incarnée dans une culture et continue à se transmettre».
L’esprit chrétien de la piété
Il faut toutefois prendre garde que la piété populaire ne soit pas limitée à des «aspects extérieurs ou folkloriques sans conduire à la rencontre avec le Christ», ou bien qu’elle soit contaminée par «des croyances fatalistes ou superstitieuses». En Corse, où plus de 80% des habitants sont catholiques et où la catholicité est ancrée dans l’identité corse, le Saint-Père cite un autre risque: «que la piété populaire soit utilisée, instrumentalisée par des groupes qui entendent renforcer leur identité de manière polémique, en alimentant des particularismes, des oppositions, des attitudes d’exclusion».
La piété populaire, unissant «la foi chrétienne et les valeurs culturelles d’un peuple» et éloigné des risques identitaires ou folkloriques, «ne reste pas un fait privé» mais «implique un engagement et un témoignage envers tous pour la croissance humaine, le progrès social et la protection de toute la création, sous le signe de la charité». C’est d’ailleurs sous l’impulsion de la foi chrétienne que de nombreuses œuvres de charité ont été créées comme les écoles, les hôpitaux, ou bien les confréries en Corse, qui ont notamment pour mission d’accompagner les proches des personnes décédées.
Un concept de laïcité «évolutif et dynamique»
Dans cette citoyenneté constructive, il est essentiel pour les chrétiens de travailler «sur un chemin commun» avec les institutions laïques, civiles et politiques, comme cela se fait en Corse, a remarqué François. Et c’est en raison de ce chemin vers le bien commun, emprunté de concert par les croyants et les institutions, qu’il faut développer «un concept de laïcité qui ne soit pas statique et figé, mais évolutif et dynamique, capable de s’adapter à des situations différentes ou imprévues, et de promouvoir une coopération constante entre les autorités civiles et ecclésiastiques pour le bien de l’ensemble de la communauté, chacune restant dans les limites de ses compétences et de son espace».
Le Pape François a cité son prédécesseur à propos de la saine laïcité, pour le Pape Benoit XVI, il fallait «libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant la nécessaire distance, la claire distinction et l’indispensable collaboration entre les deux». Ainsi, selon Benoît XVI, l’instrumentalisation de la religion par le politique est évité, tout comme la manipulation du politique par la religion.
Le modèle de piété populaire en Corse
En fin de discours, le Saint-Père a encouragé les Corses sur la voie de la piété populaire, «très profondément enracinée» dans leurs pèlerinages, leurs processions et leur dévotion. «Vous êtes un exemple vertueux en Europe», a-t-il salué, encourageant les jeunes à s’investir dans la vie socioculturelle et politique de l’île.
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